Pour son premier long métrage film, LA FÊTE EST FINIE, Marie Garel-Weiss nous plonge dans les affres de la cure de désintoxication de deux filles perdues.
Une fois n’est pas coutume, on n’a rien trouvé de mieux que de commencer cette critique de LA FÊTE EST FINIE autrement que par son synopsis. Car les sujets abordés dans le premier long métrage de Marie Garel-Weiss sont tellement personnels, presque de l’ordre de l’intime, que le synopsis est une bonne entrée en matière. Il permet une distance salutaire entre la réalité vécue par la réalisatrice et la fiction délivrée. « C’est l’histoire d’une renaissance, celle de Céleste et Sihem. Arrivées le même jour dans un centre de désintoxication, elles vont sceller une amitié indestructible. Celle-ci sera autant une force qu’un obstacle lorsque, virées du centre, elles se retrouvent livrées à elles-mêmes, à l’épreuve du monde réel et de ses tentations. Le vrai combat commence alors, celui de l’abstinence et de la liberté, celui vers la vie ».
Rencontrée à Bordeaux au côté de son duo lumineux de comédiennes Zita Henrot (Sihem) et Clémence Boisnard (Céleste), la réalisatrice Marie Garel-Weiss, encouragée par son entourage pour le sujet de son premier film, s’est « inspirée d’une partie de ma vie et de situations réelles ». Mais elle a veillé, « dans un contexte dans lequel il n’y a pas de place pour les affinités, à rendre romanesque cette amitié entre ces deux guerrières et leur parcours de survie ». Car le chemin de Céleste et de Sihem est sacrément semé d’embûches. Malgré des vies et des circonstances de plongée dans la toxicomanie bien différentes, toutes deux se retrouvent dans ce centre de désintoxication. Sihem veut absolument décrocher suite à un drame personnel, alors que Céleste s’est vu proposer son séjour suite à ses excès.
Leurs familles sont désemparées et ne sont pas en capacité de les aider. Une scène particulièrement saisissante et didactique de LA FÊTE EST FINIE fait prendre conscience au spectateur empathique, grâce aux explications du thérapeute, le rôle récurrent que peut jouer chaque protagoniste dans une famille dans le phénomène d’addiction des dépendants. Les deux jeunes femmes vont ainsi découvrir la vie en communauté, apprendre à décrocher, connaître le manque et les privations, traverser des états de violence et de colère, mais redécouvrir aussi une certaine joie de vivre. LA FÊTE EST FINIE évoque avec beaucoup de force ce partage non naturel entre des personnes très différentes, tous âges et milieux sociaux confondus, dont le seul point commun est leur dépendance.
LA FÊTE EST FINIE est un film très réaliste et la preuve vivante que l’on peut se sortir de la drogue et choisir son chemin, en femme libre.
Mais surtout, les deux jeunes femmes vont se rencontrer. Le film met d’ailleurs très bien en évidence la faille de l’amitié entre Sihem et Céleste, son côté fusionnel, bancal et quasi-addictif, tout autant que salvateur. S’agrippant l’une à l’autre comme à une bouée en plein naufrage, elles sont au bord de replonger ensemble. Pour Zita Henrot, « leur amitié n’est ni toxique, ni une dépendance, mais plutôt une espèce de coup de foudre ». L’interprétation éclatante des deux comédiennes est évidemment pour beaucoup dans la tangibilité de cette amitié. Zita Henrot confirme son talent depuis son César du meilleur espoir féminin obtenu en 2016 pour Fatima, et Clémence Boisnard n’a pas fini de faire parler d’elle.
Pourtant, leur résistance commune aux méthodes des groupes de parole et aux règles du centre les éloigne de ce dernier. Les actrices se sont toutes les deux beaucoup impliquées dans la construction de leurs personnages. Elles ont assisté à des groupes de parole, trouvant, comme le dit Clémence Boisnard, « intéressant de rencontrer ces gens qui se livrent sans filtre, de façon très intime ». Zita Henrot évoque même la « responsabilité d’endosser ces rôles-là et d’incarner, toutes proportions gardées, une espèce de voix pour toutes ces personnes qu’on ne voit pas forcément ».
LA FÊTE EST FINIE prend pourtant un aspect documentaire avec ces scènes, notamment dans le second groupe de parole. Car la réalisatrice a pris le risque de mélanger comédiens professionnels et vraies gens- dans un souci d’immersion et de restitution de la vérité. Les moments d’encouragements, de remerciements et de soutiens mutuels dignes de certaines étapes des groupes d’Alcooliques Anonymes sont très bien filmés. Mais le parti pris de ce côté hybride docu-fiction, sans doute inévitable de par son sujet, a un double effet négatif. Il casse le rythme du film, le rendant même assez ennuyeux par moment, et il éloigne l’empathie ressentie jusqu’alors par le spectateur envers les deux personnages.
La réalisatrice ne donne aucune leçon ni conseil, car elle n’avait « pas envie de faire un film sur comment on s’en sort – car je ne le sais pas, mais un film sur comment Céleste et Sihem essayent de s’en sortir». Elle montre aussi à quel point « c’est une vraie lutte pour trouver sa place dans la société et qu’on échappe parfois au réel tel qu’il est imposé ». Car même si toutes les conditions sont réunies pour qu’une personne dépendante s’en sorte, cela ne suffit évidemment pas. Il faut une envie, une motivation et une volonté vitale de s’en sortir, et on ne peut pas le faire tout seul. Que l’aide vienne de centres de désintoxication, de thérapeutes, d’assistantes sociales ou d’inconnus qui partagent les problèmes.
Malgré une image un peu trop en mouvement et quelques facilités métaphoriques, LA FÊTE EST FINIE est au final un film très réaliste et la belle preuve vivante que l’on peut se sortir de la drogue et choisir son chemin, en femme libre.
Sylvie-Noëlle
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• Réalisation : Marie Garel-Weiss
• Scénario : Marie Garel-Weiss, Salvatore Lista
• Acteurs principaux : Zita Henrot, Clémence Boisnard
• Date de sortie : 28 février2018
• Durée : 1h30 min