Initialement une nouvelle parue en 1937 et signée James Thurber, LA VIE SECRÈTE DE WALTER MITTY a connu une première adaptation ciné en 1974 par Norman Z. McLeod avec Danny Kaye dans le rôle éponyme. 67 ans plus tard, l’incontournable Ben Stiller adapte et s’octroie le rôle-titre d’une seconde adaptation.
5 ans après avoir campé l’acteur de films d’actions Tugg Speedman dans TONNERRE SOUS LES TROPIQUES, le leader du Frat Pack se glisse cette fois-ci sous les traits du fameux Walter Mitty, ici employé du célèbre Life Magazine. Enfermé dans son quotidien comme dans cette immense salle sombre où il développe la pellicule des futures couvertures du magazine, il s’imagine le héros d’aventures extraordinaires et flamboyantes. Sous la forme de rêves éveillés, il se déconnecte de la vie réelle stressante pour s’apaiser dans sa petite bulle personnelle où il peut faire des étincelles, accomplir l’impossible et conquérir sa collègue Cheryl, interprétée par la jolie Kristen Wiig.
La disparition d’une photographie primordiale à la finalisation du dernier numéro du magasine va le forcer à éclater cette bulle et à se confronter aux dangers de la vie réelle. Un appel au voyage et à l’aventure qui le libère de ce cloisonnement routinier et lui insuffle cette harmonie, cette fraîcheur et cette adrénaline, symboles essentiels de sa renaissance. Le spectateur lui aussi finit par être happé par ce désir de découverte et d’inconnu: du Tibet au Groenland en passant par l’Himalaya et l’Eyjafjallajökull en Islande (si, si!) on est littéralement séduit par ces magnifiques paysages au cadre idyllique ayant tant à offrir. Un sentiment renforcé par l’impeccable photographie et surtout l’excellente mise en scène de Ben Stiller, débordante d’inventivité et d’élégance, multipliant les axes astucieux et plans aussi sublimes les uns à travers les autres, témoignant de sa grande maturité alors acquise.
Un véritable hymne à la vie et au dépassement de soi, une fable onirique au propos universel.
Une maturité également présente dans l’écriture car même si Ben Stiller s’affranchit de l’humour gras et déjanté que pouvait prendre ses précédents films, LA VIE RÊVÉE DE WALTER MITTY, dans sa légèreté et sa subtilité parvient aisément à provoquer le rire chez le spectateur grâce à ces fameuses séquences rêvées, des situations cocasses saupoudrées de répliques bien senties et autres références particulièrement appréciables. Un scénario amusant jamais épargné d’une teinte réflexive et/ou satirique , notion omniprésente de ses réalisations: le difficile passage à l’âge adulte dans GÉNÉRATION 90, la solitude et l’influence grandissante de la télévision sur les individus dans DISJONCTÉ, l’industrie de la mode dans ZOOLANDER, le système hollywoodien couplé d’une parodie des films sur la guerre du Viêt-Nam dans TONNERRE SOUS LES TROPIQUES. LA VIE RÊVÉE DE WALTER MITTY quant à lui dénonce les effets dommageables de l’ère numérique: en effet si Life s’apprête à publier son dernier numéro c’est parce que le magazine va complètement se dématérialiser au profit d’un site-web qui entraînera de nombreuses suppressions de postes. Walter Mitty qui développe sa pellicule à l’aube du passage au numérique, c’est Ben Stiller qui choisit de tourner son film en pellicule 35 mm à l’heure où le numérique s’est transposé dans la majorité des tournages.
Injustement boudé par la critique US, LA VIE RÊVÉE DE WALTER MITTY est un véritable hymne à la vie et au dépassement de soi, une fable onirique au propos universel, dotée de magnifiques images ainsi que d’une partition musicale au poil contribuant fortement à la puissance du récit. On retrouve un Ben Stiller excellent dans ses deux casquettes, une Kristen Wiig irrésistible, un Sean Penn impeccable, sans oublier les désopilants Adam Scott en patron tyrannique, Patton Oswalt en membre réconfortant du service clientèle du site de rencontres eHarmony et Olafur Dari Olafson, pilote d’avion un peu trop porté sur la boisson. Vous aussi n’ayez pas peur de l’inconnu, foncez sans plus attendre dans cette aventure empreinte d’amour, de sincérité et de lyrisme, devenez des « Walter Mittys » ! En effet la nouvelle de Thurber a eu un tel impact que cette expression anglophone est née pour désigner ses personnes un peu trop rêvasseuses. Un peu comme Etienne Chatillez avait réussi à faire avec son film TANGUY, tiens…
Lorry-James
• Réalisation : Ben Stiller
• Scénario : Steve Conrad
• Acteurs principaux : Ben Stiller, Kristen Wiig, Adam Scott, Sean Penn, Patton Oswalt
• Date de sortie : 1er janvier 2014
• Durée : 1h54min