LAMB était l’un des seuls représentants africains du dernier Festival de Cannes. Lourde tâche pour un premier film – mais cela faisait du bien de voir autre chose que du Mahamat Saleh Haroun pour le quota saharien de la compétition. Arrivé directement d’Éthiopie, conte semi-autobiographique sur le parcours d’un jeune orphelin de mère, LAMB était présenté pour sa distribution en France comme un film pour enfant. Ce serait pourtant très réducteur de le limiter à cette définition : si LAMB peut s’adresser aux spectateurs de l’âge du héros, le reste du public y trouvera lui aussi son compte.
LAMB est un cri de douleur étouffé, une lamentation colorée, douce, et pourtant si terrible. Yared Zeleke filme l’homme et les rêves face à la société et à la réalité – en confrontant les rôles que l’on veut endosser avec ceux que l’on nous attribue, il évoque une bonne partie des ruptures sociales qui gangrènent encore une bonne partie de l’Afrique, mais aussi du Monde occidental. Il ne s’agit pas seulement ici de remettre en question les traditions, de pointer du doigt la culture et de critiquer ses partisans, mais de faire l’éloge de la marginalité ; d’évoquer, à partir d’un regard intime, des crises identitaires majeures qui touchent autant au sexisme qu’au racisme.
Là où LAMB surprend encore davantage, c’est que plus que de se limiter à une lecture politique parfaitement vulgarisée, il s’intéresse à des problèmes intimes déchirants : le deuil, la maternité, la personnification. La vision bouleversante d’un jeune garçon qui retrouve sa défunte mère dans la compagnie amusante d’un mouton résonne comme une allégorie forte, certes simple, mais dont toute la beauté réside dans son traitement sobre et silencieux.
La présence en fond de cadre de ces paysages splendides – l’Éthiopie, c’est vraiment un pays magnifique – est comme un visage supplémentaire au casting. Il y a, dans la manière qu’a Zeleke de filmer son pays natal, une passion couplée d’un recul évident. Comme si, derrière la photo carte postale d’une rare beauté, derrière la peinture d’un tableau ethnologique riche, se cachait l’ombre d’une crise sociale profonde, refoulée, presque contradictoire.
« Plus que de se limiter à une lecture politique parfaitement vulgarisée, LAMB s’intéresse à des problèmes intimes déchirants. »
LAMB est une excellente surprise. Loin de la noirceur très terre-à-terre de nombre des productions africaines qui arrivent jusqu’en France, Zeleke propose une aventure humaine, un conte philosophique puissant ; les plus jeunes y verront une touchante histoire d’amitié, les plus âgés pourront en décrypter le message profond : triste sans être pessimiste, réfléchi sans être juge, profond sans être complexe. Alors qu’on se plaint de ces productions qui infantilisent bien trop souvent les plus jeunes générations, LAMB est un vent d’air frais aussi inattendu qu’accompli. Le film du mois.
[button color= »white » size= »normal » alignment= »none » rel= »nofollow » openin= »newwindow » url= »https://twitter.com/kamaradefifien »] Suivre @kamaradefifien[/button]
LES AUTRES SORTIES DU 30 SEPTEMBRE 2015
[divider]INFORMATIONS[/divider]
[column size=one_half position=first ][/column][column size=one_half position=last ]
• Réalisation : Yared Zeleke• Scénario : Yared Zeleke
• Acteurs principaux : Rediat Amare, Kidist Siyum, Welela Assefa
• Pays d’origine : Éthiopie, France, Allemagne, Norvège
• Sortie : 30 septembre 2015
• Durée : 1h34min
• Distributeur : Haut et Court
• Synopsis : Ephraïm, un garçon de neuf ans, vit avec sa brebis Chuni dans les terres volcaniques d’Éthiopie. Lorsque sa mère meurt lors d’une famine, son père l‘envoie, accompagné de sa brebis, chez des parents éloignés dans une région plus verte du pays, loin de leur terre natale dévastée par la sécheresse. Dans ce nouvel environnement, Ephraïm a le mal du pays. Son oncle lui ordonne d’abattre sa brebis pour une fête à venir. Il élabore alors un stratagème pour sauver Chuni et retourner chez lui.
[/column]
[divider]BANDE-ANNONCE[/divider]