Tête à claques lui-même, Frédéric Beigbeder s’est entouré pour son premier film d’une belle brochette d’acteurs pouvant également répondre à la définition.
Il y a forcément dans la liste qui va suivre au moins une personne qui vous énerve. Marc Marronnier, alter-ego de Beigbeder (tant les ¾ des choses qui arrivent à ce personnage, à l’instar de ses bouquins, sont réellement inspirées de sa vie) est interprété par Gaspard Proust, jeune humoriste cynique. Même menton proéminent, même allure de dandy dépressif, même parisianisme quasi-intégriste. Avec son phrasé particulier pour déblatérer les aphorismes beigbederiens (c’est la rançon du succès de devenir un adjectif), à chaque scène, on hésite entre éclater de rire ou… éclater sa gueule.
Le premier rôle féminin est tenu par Louise Bourgoin, dont le passé de Miss Météo ne saurait masquer certaines qualités, du moins pour ce genre de comédie. « Elle est pleine de vie. C’est insupportable » dira d’elle Frédéric Marronnier, à moins que ce ne soit Gaspard Beigbeder. Pour compléter, on trouve, en vrac : Joey Starr, qui, après Polisse, n’en finit plus de casser son image de bad boy. Il devrait peut-être arrêter avant de faire une reprise de Mamy Blue avec Nicoletta (ah merde, trop tard). Jonathan Lambert, pile électrique télévisuelle, officiant chez Ruquier (après l’avoir fait dans l’éphémère Hyper Show animé par un certain… Beigbeder) et étonnamment sobre ici. Frédérique Bel, la blonde, joue… une blonde (sait-elle faire autre chose ?). Nicolas Bedos, fils de et autre remue-merde notoire, sous-exploité, peut-être parce qu’il est meilleur éditorialiste qu’acteur. Valérie Lemercier en éditrice opportuniste, drôle comme d’habitude (mais elle en agace certains aussi) et les parents, Anny Duperey et… Bernard Ménez (!), délicieusement mauvais. Si vous avez tenu jusque là sans dire « oh non, pas lui… », vous pourriez être achevé par la présence d’Alain Finkielkraut (!!).
Le film, son auteur et ses interprètes sont à la fois brillants et agaçants et ils le savent dans les deux cas.
Après avoir été publicitaire, chroniqueur, animateur télé, écrivain et j’en passe, Beigbeder enfile donc la casquette de cinéaste. Pour son premier (et « meilleur ») film, le néo-réalisateur a soigné la forme, empruntant à gauche et à droite, incrustations sur l’écran par ci, esthétique pubarde par là (le tout déjà vu par exemple dans… 99 francs). Il y saupoudre quelques répliques drôles et désabusées (« La première année, on achète des meubles. La deuxième année, on déplace les meubles. La troisième année, on partage les meubles. ») avec ce ton arrogant qui est le sien (« Je vais te manquer », lance-t-il à la fille qui vient de le larguer).
Comment dire du mal de quelqu’un qui passe son temps à s’autodénigrer ? « Je suis laid, je suis lâche » répète Beigbeder à l’envi. De même, dans le film, Marronnier va présenter son livre intitulé « L’Amour dure trois ans » (qui fut aussi réellement le premier roman de Beigbeder, mise en abyme, es-tu là ?) se voit répondre par l’éditrice Lemercier « J‘adore le titre, il est bien con. ». Plus tard, Louise Bourgoin qualifiera de « ringardise, ce pessimisme beauf ». Dès lors, toute critique est inutile : le film, son auteur et ses interprètes sont à la fois brillants et agaçants et ils le savent dans les deux cas.
Romain