LE CHANT DE LA MER, un chef-d’œuvre de poésie – Critique

Mise en scène
9
Scénario
9
Direction Artistique
9
Musique
8
Note des lecteurs3 Notes
8.7
8.8
Note du rédacteur

Attention chef-d’œuvre ! À l’heure où j’écris cette critique, j’ai encore des étoiles plein les yeux, et des fées celtiques qui jouent de la harpe dans mes oreilles…

Après La Légende de Manolo qui nous plongeait dans le charivari visuel de la fête des morts mexicaine, c’est au tour du film Le LE CHANT DE LA MER de nous offrir un festin graphique et poétique situé aux alentours d’Halloween tel que le vivent les petits irlandais.  Mais cette célébration n’apparaît qu’en toile de fond et sert avant tout de promesse faite au jeune public, celle d’ouvrir la porte à un univers de légendes où la candeur enfantine côtoie la mélancolie de l’âge adulte.

Dès l’ouverture de ce conte plein de magie, de lutins et de chansons en langue gaélique, on saisit l’intention du réalisateur nord-irlandais Tomm Moore de nous donner accès à tout un patrimoine culturel comme s’il ouvrait un vieux coffre à jouets. Et cette invitation au voyage mythologique et onirique se manifeste avant tout, par la volonté de Moore de se mettre à hauteur des émotions des plus jeunes spectateurs, en choisissant comme point de vue principal celui de deux enfants tout en faisant suffisamment confiance à la sensibilité et à l’ouverture d’esprit de cette partie du public afin de ne pas nuire, par trop d’éléments explicatifs, au mystère poétique qui émane du film .

Il amène  au contraire indice après indice pour que ceux-ci dirigent le récit aux moments adéquats avec un rythme adéquat tout en enrichissant à chaque fois un peu plus la légende; les rôles des protagonistes apparaissent progressivement, puis celui des antagonistes, pour dessiner le schéma traditionnel de la quête initiatique dans un univers de fantasy, ce qui rend l’ensemble aussi savoureux à regarder pour les adultes.

C’est en ça que le scénario me semble particulièrement bien construit : il propose un enchevêtrement des enjeux, plus personnels quand qu’ils concernent la relation fraternelle des deux jeunes héros Ben et Maïna, plus épique comme il concerne le rôle des créatures merveilleuses, et l’œuvre pourra à mon avis supporter les visions et les relectures successives d’un spectateur affinant ses goûts au fil des années; dans un premier temps viendrait l’émerveillement, puis l’identification aux différents personnages, puis les parallèles entre le quotidien et sa déformation par le merveilleux, puis les entrées vers un bestiaire d’heroic-fantasy ou du genre fantastique, etc…

Photo du film LE CHANT DE LA MER

Mais si le récit peut se permettre cette utilisation de codes narratifs subtils, c’est qu’il est magnifiquement mis en images grâce à la collaboration homogène entre le réalisateur et le directeur artistique Adrien Merigeau. Ils ont choisi de marquer nos esprits et surtout nos rétines en créant un contraste entre le design des personnages et celui des décors. Les êtres qui se déplacent au premier plan de l’écran sont croqués par la technique de la ligne claire, ce style hérité de la bande-dessinée qui permet de représenter les personnages par des traits simples servant de contours nets aux couleurs en aplats, dépourvues d’effets d’ombres ou de lumière (même si, détail amusant, on distingue une texture proche du grain d’un papier à dessin sur certains aplats); tandis que les décors renversent cette impression minimaliste et apportent du relief aux images, grâce à la richesse de leurs formes tantôt asymétriques, tantôt géométriques où se mêlent les dégradés de couleurs propre à l’aquarelle, les contrastes des encres et les effets textures de la pastel.

« Un chef-d’œuvre de poésie aux accents celtiques envoûtants. »

Si j’ai pensé dans les premières minutes, que ce parti pris pourrait être vite lassant, la suite m’a donné tort puisque cette richesse de techniques couplée à l’inventivité dont Moore fait preuve dans le choix de ces cadres, relance en permanence l’intérêt esthétique de l’œuvre, où les symboles celtiques cohabitent à merveille avec les motifs réinterprétés par le style immédiatement identifiable du créateur de Brendan et le secret de Kells. Et petit détail qui prouve la facture du film : quand l’animation est assistée par ordinateur, les éléments animés ne détonnent pas dans le reste du décor.

Étant très exigeant avec les musiques de film, je conclurais donc cet article en saluant le talent de Bruno Coulais dont les compositions originales (magnifiées par l’envoûtante Nolwenn Leroy) accompagnent avec justesse la progression poétique du conte jusqu’à son dénouement ensorcelant; ce qui d’après moi est donc un gage de qualité. Que dire de plus pour vous convaincre que nous avons ici affaire à un chef-d’œuvre ? Si vous êtes un adulte, faites immédiatement des enfants pour regarder Le Chant de la mer avec eux; si vous êtes un enfant, suppliez un adulte de vous accompagner à la prochaine séance. À part la filmographie d’Hayao Miyazaki, rares sont les œuvres à mêler aussi bien candeur et maturité.

Arkham

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