[dropcap size=small]U[/dropcap]n tournoi international d’échec à Budapest. De jeunes joueurs brillants et arrogants. Un hôtel pour presque unique décor. Sur le papier LE TOURNOI parait assez peu engageant, et pourtant le film se révèle être une vraie bonne surprise. Pour sa première réalisation Elodie Namer s’attaque à l’obsession et à la transformation, à travers ces joueurs d’échecs, plus ou moins prodiges, mais tous d’une intelligence remarquable, pour qui tout est un jeu, un immense pari, l’objet de gains ou de pertes.
Le tournoi d’échec joue ici le rôle de catalyseur des passions et des émotions de chacun. Derrière leurs airs désinvoltes, tous jouent pour quelque chose au delà de la victoire. Ainsi le personnage principal Cal, joueur brillant et grand favori du tournoi, cherche l’approbation de son coach pour cultiver la filiation fictive qui s’est créée. Lou, premier rôle féminin, joue pour dépasser la misogynie permanente de ce milieu.
Les sept jours de tournoi vont donc être l’objet de tous les enjeux pour ces jeunes adultes. L’obsession dépassant alors la passion, les échecs ne sont jamais abordés comme un loisir ou même un jeu, mais comme un moyen. Englouties par la pression extérieure ces jeunes s’évadent alors dans tous les excès, déconnectés de tout le reste.
Tout dans LE TOURNOI reflète l’obsession. La mise en scène est extrêmement léchée, et s’attache toujours à traduire les doutes et les renversements qui s’opèrent. Cette réalisation tout comme la photographie, est souvent surprenante. Elle donne alors lieu à des scènes très fortes et inattendues, accompagnées par une sélection musicale très juste. Le film revêt alors cette allure magnifique, totalement hallucinée et psychédélique, qui convient tout à fait à la représentation qui est faite de ce microcosme et de ces petits génies. Loin d’être superficielles ces séquences presque fantasmées arrivent toujours au bon moment, sans jamais déséquilibrer le récit ou combler une quelconque faiblesse par un procédé artificiel.
En aucun point le film ne cherche à adopter une démarche réaliste, ce n’est pas là le propos et heureusement. Ce sont toujours les personnages et leurs évolutions qui sont au cœur du film, et non le jeu d’échec. Certes, certaines scènes, en particulier en première partie de film, peuvent paraitre faciles et clichées, mais cela n’est pas pour autant fait avec maladresse ou lourdeur. Au contraire, les différents personnages sont justes et toujours très touchants, dotés de juste ce qu’il faut d’arrogance. La réalisatrice et scénariste Elodie Namer fait preuve d’une vrai maitrise sur ce point, préférant nous parler des faiblesses d’individus qui se cachent, puis se révèlent derrière les joueurs et leur carapace.
« Retracer l’obsession : un exercice périlleux, mais réussi pour LE TOURNOI ! »
Un point noir du film serait malheureusement à chercher du côté de l’interprétation de Cal par Michelangelo Passaniti qui n’est pas toujours convaincant lors des dialogues, bien que sa relative inexpressivité convienne tout à fait au personnage, et lui donne même ce charisme toujours contrebalancé par ses craintes. La distribution des rôles secondaires est en revanche très réussie. Avec en tête une très juste Lou De Laâge, discrète, tout en subtilité et en ambiguïté ; ainsi qu’un prometteur et amusant Adam Corbier dans le rôle du très jeune rival.
Le premier long métrage de Elodie Namer est sans aucun doute une réussite. Grâce à une mise en scène intéressante et un propos justement abordé, le film parvient à faire oublier ses quelques défauts d’écriture et d’interprétation, nous plongeant nous aussi dans cette confusion qui finit par régner sur le tournoi et sur les personnages. Le risque étant d’en faire toujours trop, retracer l’obsession peut être un exercice périlleux… C’est ici réussi pour LE TOURNOI. La réalisatrice parvient à échapper au piège de la surenchère, pour nous parler de ses touchants personnages, tous différents mais finalement tous en proie aux doutes et aux angoisses.
Les autres sorties du 29 avril 2015
CONNASSE – LE FILM, BLIND, UN PIGEON PERCHÉ SUR UNE BRANCHE PHILOSOPHAIT SUR L’EXISTENCE, L’ÉCHAPPÉ: À LA POURSUITE D’ANNIE LE BRUN, LE LABYRINTHE DU SILENCE, OUIJA, LE TOURNOI, THE BIG LEBOWSKI (ressortie), NOS FEMMES, LES OPTIMISTES, etc.
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• Réalisation : Elodie Namer
• Scénario : Elodie Namer
• Acteurs principaux : Michelangelo Passaniti, Lou de Laâge, Adam Corbier, Magne-Håvard Brekker, Thomas Soliveres
• Pays d’origine : France
• Sortie : 29 avril 2015
• Durée : 1h23
• Distributeur : Diaphana Distribution
• Synopsis : 7 jours de tournoi dans un grand hôtel à Budapest.
Un favori : Cal Fournier, 22 ans, champion de France d’échecs, génie immature, programmé pour la victoire, combat ses adversaires avec une puissance impressionnante. Déconnecté du monde, Cal se noie dans les jeux et paris permanents avec sa petite amie Lou et ses acolytes Aurélien, Anthony et Mathieu.
Mais un adversaire pas comme les autres va enrayer cette routine bien huilée…
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https://www.youtube.com/watch?v=tHIXRA4tL0w&spfreload=10