Adapter Tintin au cinéma n’est pas une sinécure. On a d’abord pu s’en rendre compte dans les films “live” avec Jean-Pierre Talbot (où le héros se frottait à La Toison d’Or et aux Oranges Bleues) honnêtes mais franchement pas à la hauteur de l’œuvre d’Hergé (ou de la licence de Moulinsart désormais). De même, on pouvait craindre le pire en sachant que ce film adapté d’une BD franco-belge allait être adaptée par un studio américain (même si c’est un certain Steven Spielberg qui s’en occupe) et que le projet a mis 27 ans à se monter et à sortir en salles (le réalisateur a acquis les droits en 1984, après la sortie d’Indiana Jones).
Bref, le côté intemporel de la ligne claire d’Hergé, cette icône typée franco-belge, mariée aux Etats-Unis de Spielberg et à un montage de projet extrêmement long pouvait faire craindre le pire. Le résultat est… différent. Visuellement, le cap de la 3D et de la “performance capture” du studio de SFX de Peter Jackson peut aisément partager : le rendu est à mon sens de qualité après avoir visionné l’ensemble du film mais j’avoue avoir eu du mal à m’y faire le premier quart d’heure. L’ensemble modernise le travail d’origine tout en étant très respectueux de l’œuvre originale tant par la référence à celle-ci dès le début du film que par une retranscription très subtile des mouvements “clés” du personnage dans la BD (notamment lors de la première visite à Moulinsart).
Le sentiment général qui ressort à la sortie de la salle a bien été de la satisfaction.
En ce qui concerne le reste de la réalisation, le film est bien rythmé et on retrouve à la fois la patte “Tintin” et celle d’un Spielberg penchant parfois vers des relents d’Indiana Jones bien sentis. En terme de scénario, le trio Steven Moffat (Dr Who, Sherlock), Joe Cornish (Attack The Block) et Edgar Wright (Scott Pilgrim, Hot Fuzz, Shaun of the Dead) ont opté pour certains parti-pris assez déroutants comme la manière de marier Le Crabe aux Pinces d’Or, Le Secret de la Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge, insister très fortement sur l’alcoolisme de Haddock ou encore celui d’évincer le personnage de Tournesol de ce premier film… Mais l’ensemble est très cohérent et là encore très respectueux de l’esprit de la BD. De même le côté à la fois daté et intemporel de l’œuvre originale d’Hergé est conservé et ne perturbe aucunement le visionnage.
Le sentiment général qui ressort à la sortie de la salle a bien été de la satisfaction en ce qui me concerne (ainsi qu’une bonne partie des spectateurs présents ce soir là qui a applaudi pendant le générique). A posteriori, ce n’est pas un “chef d’œuvre” au même titre que le matériel d’origine mais l’adaptation est fort honnête : elle relaie à la fois l’ambiance, l’esprit aventureux des personnages, l’humour des situations, etc… L’aspect visuel peut en revanche freiner mais la relecture de Spielberg/Jackson et des scénaristes Moffat / Cornish / Wright est à la fois moderne et globalement respectueuse. On attend donc la suite !
A noter par ailleurs un générique de début visuellement très bien pensé et réalisé qui met bien dans l’ambiance dès le début.
Eric