[dropcap size=small]C[/dropcap]asteljaloux, village du sud-ouest de la France. Entre amitié, ivresse et plaisir du verbe, les hommes y sont Les Rois du monde. Mais quand Jeannot sort de prison, il n’a qu’une seule idée en tête : reconquérir Chantal, l’amour de sa vie, qui s’est installée en son absence avec le boucher du village. La tragédie grecque prend alors des allures de western.
Il est rare de voir un synopsis résumer aussi bien un film. Et pourtant c’est bien ce qu’est LES ROIS DU MONDE : « une tragédie grecque aux allures de western ». Il y a ce décors du sud-ouest de la France, dans une petite commune qui semble intemporelle. Une chaleur étouffante et omniprésente. Au centre, une femme convoitée par deux hommes. Ces derniers, semblables physiquement, imposants et barbus, presque interchangeables et rendus fous par la femme qu’ils aiment. Le duel entre eux sera inévitable et forcément tragique. Il faut dire que le réalisateur Laurent Laffargue est avant tout un homme de théâtre – il crée en 1992 la Compagnie du Soleil Bleu dont il signe toutes les mises en scènes – et d’opéra. Pas étonnant de retrouver dans son premier film un style et une approche théâtrale. D’autant plus qu’avant d’être pensée pour le cinéma, l’histoire des ROIS DU MONDE est née à travers deux pièces, l’ensemble formant un triptyque pour Laffargue. Casteljaloux (2010), qu’il écrit avec Sonia Millot, et dont il assure la mise en scène et l’interprétation. Et Casteljaloux II (2011) cette fois écrit pour dix comédiens et dont il se contente d’assurer la mise en scène. Avec LES ROIS DU MONDE, troisième élément donc, Laffargue réussi son entrée dans le cinéma, un premier film personnelle et authentique.
Avant LES ROIS DU MONDE, Laurent Laffargue avait réalisé un unique court-métrage (Le Verrou, 2013, déjà avec Céline Sallette). Une expérience assez limitée que l’on ressent dans son passage au format long. En effet il est indéniable que LES ROIS DU MONDE porte les défauts d’un premier film. On ne sait pas toujours où le réalisateur veut en venir, notamment avec des séquences oniriques étranges et tombant un peu à plat. Cependant, le film reste porté par une énergie fulgurante, insufflée par son trio d’acteur. Il n’y a qu’à voir Céline Sallette dès les premières minutes rentrer chez elle, retirer sa robe de printemps et danser dans tous les sens en sous-vêtements (mais toujours avec ses bottes !). Le tout avec un clope à la main. Comme toujours l’actrice est un rayon de soleil qui mange littéralement le cadre qui l’accompagne et dont la vitalité nous rappelle au bon souvenir de son interprétation dans Geronimo (Tony Gatlif, 2014). Pas besoin de la suivre ou de rester au plus près d’elle, le réalisateur et sa caméra n’ont qu’à se poser devant et la regarder. Une séquence qui apparaît comme une manière pour Chantal (son personnage) d’extérioriser une tension palpable depuis le retour de Jeannot, interprété avec puissance par Sergi López. Un physique imposant pour un personnage bipolaire qui peut exploser à tout moment, sans jamais prendre conscience de la portée de ses actions. Cela jusqu’au final tragique.
« Bien que parfois imparfait, LES ROIS DU MONDE est avant tout un film à part. »
Jeannot agace, énerve, étouffe, mais est surtout pathétique. Son opposé et rival n’est autre qu’Eric Cantona (Jacky). Un choix judicieux tant les deux acteurs dégagent une ressemblance physique. Symbole du choix des hommes de Chantal. Tout au long, l’acteur reste dans la retenue face à un Jeannot bien trop présent. On le sent bouillir intérieurement et on ne peut que repenser à sa carrière passée de footballeur. Capable d’encaisser les coups et les insultes jusqu’à une certaine limite. L’explosion n’en sera ainsi que plus forte et effrayante, pour le spectateur comme pour Chantal. Les mains en sang après s’être battu avec Jacky, tachant le visage d’une Chantal médusée. Une reproduction évidente de ce que fit Jacky des années auparavant – agressant un inconnu trop insistant auprès de Chantal, ce qui lui vaudra ses années de prisons. Bien que n’étant pas responsable des événements, elle apparaît telle une femme fatale, rendant les hommes fous et les menant à leur perte.
De plus, avec son scénario de triangle amoureux somme toute assez basique, LES ROIS DU MONDE aurait pu être un film simple et sans originalité. Mais Laurent Laffargue l’aborde de manière étonnante. Et bien que parfois imparfait, cela reste avant tout un film à part. Cela passe par sa réalisation et sa direction des acteurs qui tend vers le théâtre. Il suffit de voir deux jeunes garçons du cours de théâtre (justement) de Chantal, discuter en aparté d’une fille, en étant placés juste derrière celle-ci, mais sans pour autant qu’elle ne les entende (casque sur les oreilles). Ainsi, les personnages se parlent entre eux mais également pour le spectateur, comme s’adressant à lui. Des séquences qui détonnent, tout comme le caractère limite burlesque d’autres. Notamment la relation amicale improbable entre Jeannot et « l’homosexuel du village » Jean-François (Guillaume Gouix). Les deux camarades allant, après s’être très longuement soulagés dans la Garonne de tout l’alcool ingurgité, crier en pleine nuit et au cœur du village l’homosexualité du jeune homme pour qu’il s’assume. Des fantaisies qui auraient pu être à contre temps avec l’intrigue principale dramatique des ROIS DU MONDE, mais qui finalement donnent au film une vraie personnalité.
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• Titre original : Les Rois du monde (Casteljaloux)• Réalisation : Laurent Laffargue
• Scénario : Laurent Laffargue, Frédérique Moreau
• Acteurs principaux : Sergi López, Céline Sallette, Eric Cantona
• Pays d’origine : France
• Sortie : 23 septembre 2015
• Durée : 1h40
• Distributeur : Jour2fête
• Synopsis : Casteljaloux, village du sud-ouest de la France. Entre amitié, ivresse et plaisir du verbe, les hommes y sont Les Rois du monde. Mais quand Jeannot sort de prison, il n’a qu’une seule idée en tête : reconquérir Chantal, l’amour de sa vie, qui s’est installée en son absence avec le boucher du village. La tragédie grecque prend alors des allures de western.
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