Le sosie officiel de Freddie Mercury s’essaye à la chronique historique sur fond de révolution algérienne et de lendemains qui déchantent.
Les espoirs d’un monde nouveau, construit sur le sang des martyrs de la résistance, se confrontent à la realpolitik et aux détournements d’une classe politique sans vergogne. L’amitié née dans la lutte entretien les aspirations mais n’évitera pas leur trahison. Les acteurs conduits par le grand Lyes Salem transmettent une émotion palpable qui porte le film et transporte.
Djaffar et Hamid sont deux amis que la révolution algérienne va rapprocher, puis enrichir et finalement séparer. Comment une belle amitié peut être sacrifiée sur l’autel des intérêts personnels?
Acteur réalisateur, Lyes Salem a fait des apparitions discrètes dans Rock the casbah et Poupoupidou. Mais c’est son premier film Mascarades en 2007 qui l’a fait découvrir au monde. Cette farce burlesque mérite d’être redécouverte tant les rires francs emplissaient la salle. Cette histoire de frère qui veut marier sa soeur narcoleptique rappelle les grandes heures de Louis de Funès, rien que ça. Dans L’ORANAIS, Lyes Salem s’essaye à un autre genre, plus adulte, plus sérieux avec l’évocation des déceptions de l’âge mûr. Ses penchants comiques réapparaissent à l’occasion, aidés par son visage élastique et ses dents proéminentes. Mais le ton du film privilégie le drame, les remords et la gravité.
Les non-dits abondent dans un récit pesant. Les secrets vont encombrer les protagonistes tout au long de leurs vies et les empêcher de déployer leurs ailes. Djaffar va profiter de la position centrale d’Hamid dans l’organigramme du pays. Héros de la révolution, Djaffar ne pourra profiter de la fin du conflit et trainera des boulets toute sa vie. Hamid se la jouera filou, multipliant les contacts louches et les réseaux transversaux. L’accablement persistant de l’un face à la facilité consternante de l’autre, le fossé se creusera irrémédiablement.
Lyes Salem offre une vision authentique des courants contraires qui animent un pays. Les tenants de la tradition, les apôtres de la modernité, les profiteurs, les oubliés, les occidentalistes, les orientalistes, tout ce petit monde cohabite avec plus ou moins de difficultés. Le point commun est la tradition intangible, les moeurs invariables. La place de la femme est inamovible et on sent les évolutions silencieuses. Surpris j’étais de voir au commencement du film les bouteilles de vins circuler entre les convives d’une soirée où les chants et les danses réchauffent l’atmosphère. Loin de l’image que l’on peut avoir de ce pays. Les préjugés ont la vie dure, Lyes Salem les saborde avec une admirable constance.
« L’Oranais est certainement représentatif du poids de la révolution dans l’imaginaire collectif local. Une vision authentique des courants contraires qui animent un pays. »
Fan du cinéma arabo-musulman, je ne connais que peu le cinéma algérien. Hormis Mascarades, je ne pourrais pas citer d’autres films du cru. Je connais beaucoup mieux le cinéma marocain, tunisien ou moyen-oriental. A croire qu’il faut creuser pour découvrir des pépites encore cachées. L’ORANAIS est certainement représentatif du poids de la révolution dans l’imaginaire collectif local. Lyes Salem sait manier l’émotion et les rapports humains compliqués pour offrir un tableau dense et sincère de ce que peut être une vie.