Greg Gaines (Thomas Mann) est un garçon solitaire. Il s’est fait une réputation de ‘neutralité’ dans son lycée un peu folklorique des quartiers populaires de Pittsburgh, n’appartenant à aucun clan ou groupe ou club de quelque sorte. Pour sa dernière année avant l’université, il s’est fait la promesse de ne pas changer et de continuer à n’avoir pour seul ami qu’Earl (RJ Cyler), son « collègue », qu’il fréquente depuis l’enfance, et avec lequel il partage sa passion pour des parodies de films faites main, avec deux bouts de ficelle et du carton.
Seulement voilà, Rachel Kushner (Olivia Cooke), une voisine qu’il ne connaît que peu, vient d’apprendre qu’elle est atteinte d’une leucémie et lorsque la mère de Greg (Connie Britton) intime à son fils de se rendre chez la malade, les certitudes de ce post-adolescent un peu je-m’en-foutiste volent en éclats. « The Dying Girl », la fille mourante, c’est évidemment elle. D’abord réticente, elle accepte de le faire monter dans sa chambre. Ce sera leur sanctuaire. Au fil des jours, Greg et Rachel développent malgré eux une amitié comme on en fait plus, sincère et étrange, drôle et déjà pleine de tristesse. Ensemble, avec Earl qui les rejoint plus tard, ils traversent les hauts et les bas de la maladie, avec humour, dans la lumière rendue jaune-orangée par les rideaux aux fenêtres, dans cette tour d’ivoire où la princesse souffrante s’est réfugiée.
Le premier constat de ce film est sa beauté plastique. On y trouve des travellings monumentaux à travers le joyeux bazar d’un réfectoire, à l’heure du déjeuner. Des plans intimistes et de renversants plans d’escaliers. Tout un quartier filmé tendrement, parfois de travers et quelquefois de nuit, avec ses petites maisons modestes, ses terrains vagues, la rivière. Le bureau du professeur d’Histoire également, où Greg et Earl passent tous les jours pour s’instruire, et surtout manger un morceau.
Cette beauté, Rachel l’a perdue. Elle-même s’en plaint. Plus le film progresse, plus ses joues se creusent, plus son teint vire au gris, plus ses yeux se ferment. Ce qui n’arrête pas la caméra, qui là encore cadre avec amour, en douceur et sans voyeurisme. Une image que Greg et Earl cherchent également à capturer, après qu’une amie leur a proposé de réaliser un film amateur pour Rachel, eux qui aiment tant se moquer des classiques. Plus difficile à faire qu’à accepter, car cette fois l’angle est différent, le sujet est réel et délicat. Fini de rire.
THIS IS NOT A LOVE STORY est aussi et avant tout un hommage un peu inhabituel au cinéma. Et pas seulement grâce aux courts-métrages sans prétention des deux réalisateurs en herbe, qui se moquent respectueusement de chefs-d’œuvre du Septième Art. L’abondance de détails cinéphiles est en vérité assez surprenante : un père sociologue fan de Werner Herzog, une boutique de films artisanale et ses étiquettes manuscrites, un poster des 400 coups de Truffaut accroché au-dessus du lit de Greg, même l’envoûtante et légendaire bande-originale de Sueurs froides, du Bernard Herrmann discrètement placée sur une scène. Quant au film fait pour Rachel, il détient le pouvoir de guérison des blessures. Cette même magie que le réalisateur Alfonso Gomez-Rejon a instillée dans sa véritable œuvre, adaptée par Jesse Andrews d’après son roman éponyme, en forme de témoignage de leurs propres années de lycée, leur psychothérapie par l’image. Le cinéma est ici remède, puissant et magnifique.
« THIS IS NOT A LOVE STORY prouve que la comédie est une partie intégrante de l’art cinématographique. »
Mais THIS IS NOT A LOVE STORY est aussi un manifeste pour ‘la’ comédie (même la plus sérieuse). Les milieux cinéphiles prétentieux et les festivals ont tendance à mépriser ce genre, ou du moins à l’ignorer, lui préférant le drame pur, si tant est bien entendu que comédie et drame soient pris dans leur généralité (chaque comédie est évidemment differente). Même les Oscars, pourtant une historique référence, n’ont jamais été vraiment généreux en ce qui concerne la reconnaissance de rôles dits comiques par exemple, y compris renversants. Il y a eu Helen Hunt en 1997 (Pour le pire et le meilleur) ou Kevin Kline en 1988 (Un poisson nommé Wanda), et pourquoi pas Jean Dujardin et The Artist. J’en veux pour précision révélatrice que THIS IS NOT A LOVE STORY, que j’ai pu voir à l’occasion du Washington D.C. Film Festival, avait été classé par les organisateurs dans la catégorie « The Lighter Side », autrement dit celle des films dits « légers » ou des feel-good movies. Ce n’est pas totalement justifié à mes yeux et la seconde partie du film comporte davantage d’inévitables instants plus graves. THIS IS NOT A LOVE STORY prouve que la comédie est en tout cas une partie intégrante de l’art cinématographique, qu’elle peut tout autant parler de choses sérieuses et aborder des questions qui touchent.
En conséquence, et en guise de conclusion, disons que le drame ne devrait pas avoir le monopole de l’émotion filmique. Le Grand-Prix du Jury de Sundance 2015 tire sa dernière force dans cela. Je suis certes facilement transporté par un film. Mais il y a longtemps que je n’avais pas eu les larmes aux yeux au cinéma. Ce fut le cas devant Greg, Earl et Rachel, devant leur foi inébranlable et la sobriété de leurs émotions non retenues, à fleur de peau. Comme on devrait toujours dire alors, merci pour ce moment…
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+ Critique #2 : THIS IS NOT A LOVE STORY
+ Critique #1 : THIS IS NOT A LOVE STORY
+ Trailer THIS IS NOT A LOVE STORY
• Réalisation : Alfonso Gomez-Rejon
• Scénario : Jesse Andrews (II)
• Acteurs principaux : Thomas Mann (II), Olivia Cooke, RJ Cyler
• Pays d’origine : U.S.A
• Sortie : 18 novembre 2015
• Durée : 1h46
• Distributeur : Twentieth Century Fox France
• Synopsis : Greg est un lycéen introverti, adepte de l’autodérision, qui compte bien finir son année de Terminale le plus discrètement possible. Il passe la plupart de son temps avec son seul ami, Earl, à refaire ses propres versions de grands films classiques. Mais sa volonté de passer inaperçu est mise à mal lorsque sa mère le force à revoir Rachel, une ancienne amie de maternelle atteinte de leucémie.
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