• Réalisation : Luke Scott
• Acteurs principaux : Kate Mara, Anya Taylor-Joy, Toby Jones
• Durée : 1h32min
Pour son premier long-métrage, Luke Scott s’est vu confier un script de la fameuse Black List d’Hollywood qui devrait comporter les meilleurs scénarios en attente de production. L’histoire de Morgane, un être humain créé artificiellement et qui vit dans un laboratoire. Sous ses airs de jeune adolescente innocente, elle révèle une part dangereuse, étant à l’origine de l’agression violente de l’une des employées. Lee Weathers, experte en assurances, est envoyée par la compagnie à la tête du projet pour évaluer les risques.
De l’intelligence artificielle, quelque chose du mythe de Frankenstein, de la science-fiction horrifique, et même des questionnements humanistes. Il y avait de belles promesses avec MORGANE, produit par la société du père de Luke, Ridley Scott. Malheureusement, il en ressort un film raté. D’une part, dans les thématiques abordées qui ne vont jamais assez loin – ce qui peut être mis sur le compte du scénario de Seth W. Owen -, d’autre part dans le travail de Luke Scott qui ne semble pas décidé sur le genre de son film et mélange maladroitement les styles.
Contrairement à ce que la promotion du film pouvait vendre de MORGANE, on est loin d’un film d’épouvante à l’atmosphère étouffante. Il n’y a pas non plus de mystère autour de la jeune fille. Dès la première scène, on assiste via une caméra de surveillance à l’agression de Kathy par Morgane. En dépit de la violence de cet acte, sa victime (qui en ressort borgne) n’a aucune rancune. Se considérant même responsable de cette réaction. Elle, et le reste des scientifiques qui ont créé Morgane et l’ont vu grandir rapidement (elle n’a que cinq ans mais est déjà une adolescente), ont développé une relation forte avec elle. Certains se voyant comme son père, sa mère ou sa meilleure amie, il est difficile pour eux de ne pas la considérer comme un être humain. A l’inverse de Lee Weahers, qui en lui refusant la qualité du pronom – « It’s a « it », not a « she » » rappelle-t-elle sans cesse -, la dépersonnalise. Cette opposition entre les sentiments à l’égard de Morgane et la froideur de Lee interpelle un premier temps. Amenant même à un questionnement sur ce qu’est finalement un être humain ; Morgane faisant preuve d’émotions et d’une conscience, n’est-t-elle pas, même dans ses actes les plus réprimandable, plus humaine que d’autres ? Seulement ces thématiques ne restent que lointainement évoquées tandis que le film se traîne en longueur sans chercher vraiment à apporter quoi que ce soit.
« En deuxième partie Luke Scott lâche tout ce qui aurait pu le rapprocher de l’excellent Ex Machina pour basculer dans du cinéma d’action peu inspiré »
Le problème majeur vient alors d’une incapacité pour le spectateur à prendre un réel parti entre les deux personnages principaux (Lee et Morgane). Pour Morgane, il y avait moyen de d’aller vers l’empathie. Il s’agit après tout d’une jeune fille enfermée qui ne veut que découvrir le monde extérieur. Cependant, elle trouve face à elle des opposants globalement bons. Des scientifiques en aucun cas amoraux, qui ont développé des sentiments forts pour elle et qui chercheront même à lui venir en aide. Des facilités scénaristiques mèneront, sans grande logique, Morgane à se retourner contre eux avec violence. A cet instant, son personnage s’enfonce dans la monstruosité. Perdant alors son humanité et renvoyant une image répulsive, on ne peut décemment plus la suivre dans ses choix. Reste alors le personnage de Lee. Mais celle-ci n’aura jamais la sympathie du spectateur. Faisant preuve d’une absence totale d’émotion (même la peur aurait été la bienvenue) car focalisée sur sa mission, et d’une froideur extrême. Difficile alors de savoir qui soutenir dans cette histoire. En l’absence de protagoniste à qui se raccrocher suffisamment – à l’exception des scientifiques mais ils restent trop secondaires – on ne peut adhérer à MORGANE.
Comme si cette perte de repère ne suffisait pas, Luke Scott y va enfin de nombreuses maladresses. En effet, s’il ne fait pas de fausse note dans la première partie de son film, ayant même quelques bonnes idées (ce jeu de reflet avec la vitre qui sépare Morgane de Lee), Luke Scott lâche en deuxième partie tout ce qui aurait pu le rapprocher de l’excellent Ex Machina – la portée dramatique, la mise en tentions, le rapport humain/machine, l’utilisation du huis clos…- pour basculer dans du cinéma d’action peu inspiré. Des combats au corps à corps entre Kate Mara et Anya Taylor-Joy (The Witch, Split) à une poursuite en voitures mal maîtrisée, le film perd toute crédibilité. Car même si les deux actrices donnent de leur personne, par le ton du film jusque-là, on adhère difficilement de les voir s’envoyer des tatanes et se projeter contre des meubles, à en faire passer Jason Bourne pour une fillette. Et ce n’est pas une révélation dans les derniers instants du film qui sauvera cela. Bien que des éléments viennent justifier les événements et l’attitude des personnages, en les révélant après coup et de manière aussi abrupte, on ne peut y voir autre chose qu’un manque d’inspiration pour conclure une histoire jamais correctement exploitée.
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