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L’OUTSIDER – Critique

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L'OUTSIDER
Sortie : 22 juin 2016
Réalisation : Christophe Barratier
Acteurs principaux : Arthur Dupont, François-Xavier Demaison, Sabrina Ouazani
Durée : 1h57min
7.5

Après Les Choristes,  Christophe Barratier s’essaie avec bonheur au genre thriller économique et bancaire en adaptant « L’engrenage, mémoires d’un trader »,  le livre de Jérôme Kerviel.

Le risque était grand de faire pleurer dans les chaumières en décrivant le combat d’un David contre Goliath, que représenterait la Société Générale. Heureusement, il n’en n’est rien. Le réalisateur et son co-scénariste Laurent Turner parviennent assez bien à ne pas prendre partie et à garder une distance raisonnable à propos de cette fameuse affaire, dont les multiples procès sont en cours. Ils voulaient décrire le parcours d’un homme, « Jérôme avant Kerviel », son ascension puis sa chute. D’Évangiles il sera pourtant question dans L’OUTSIDER puisque Keller, le manager de Jérôme qui a décelé son talent et sa niaque, les cite à tout bout de champ. Keller est interprété par François-Xavier Demaison (excellent), par ailleurs consultant scénario car ancien trader lui-même. Tel un gourou, il a ses disciples, qu’il récompense aussi bien qu’il les rabaisse. Il les bizute et abuse de son pouvoir, utilisant l’humour potache viril et les boites de strip tease en guise de sas de décompression. Il maintient sa meute de loups de traders dans un état de tension et on n’est pas si loin du Loup de Wall Street, de cet état de stress permanent, d’alerte, de jeu. Car c’est bien de jeu dont il s’agit.

Sans être un Rastignac breton, Jérôme est ambitieux. Issu d’une famille modeste, il commence au middle-office de la banque. Il est chargé de reportings auprès des traders, qui le traitent comme un larbin. Le réalisateur a très bien saisi les rapports de force qui s’établissent entre d’un côté, ceux qui prennent des risques et rapportent à la banque et de l’autre, ceux qui veillent, ne produisant rien d’autre que des états de contrôle. Cette forme de mépris envers ces métiers d’alerte, encouragée par les managers, est saisissante car à l’origine de tout. Les rapports hiérarchiques au sein de la banque sont très bien brossés. Impressionné, Jérôme rêve de faire partie de ce monde. Petit à petit il se fait remarquer,  gravit les échelons et est adoubé. Dans le « Desk », véritable cour des grands, il devient assistant puis trader, enfin.

Pas besoin d’être un technicien de la haute finance pour voir L’OUTSIDER, tout est bien expliqué (« spiel », « carpet »). On comprend les enjeux, les risques pris avec l’argent. La mise en scène est nerveuse, ne laisse aucun temps mort, et maintient le spectateur, même si la fin est connue, dans un état de haute adrénaline. La folie du fonctionnement d’une salle de marchés n’a plus de secrets pour nous. L’argent virtuel sur lequel misent ces hommes leur fait complètement perdre le sens des réalités. L’exemple saisissant des gains en rapport avec les morts des attentats de Londres est à vomir.

L’Outsider est un thriller bancaire haletant, qui dresse le portrait d’un homme à qui on a donné les clés d’un royaume trop grand pour lui.

Keller, conscient du potentiel et du flair de son protégé, l’aide à faire évoluer son échelle de valeurs. Mais il lui aussi donne les clés d’un royaume bien trop grand pour lui. Parti à Wall Street, il laisse Jérôme sans garde-fou. Puis son père, caution d’ancrage dans la réalité, meurt. Plus dure sera la chute… Le réalisateur dépeint un Jérôme perdant peu à peu pied, se croyant plus malin que tous, voulant dépasser le maître. N’écoutant pas les bons conseils, tels ceux de son pote Matthieu contrôleur des risques ou ceux de Sophia, la jeune informaticienne dont il s’est épris (Sabrina Ouazani, dans un rôle un peu plus sobre que dans Pattaya). Il n’a plus de limites, galvanisé par les compliments d’un courtier fumeux sur sa pseudo puissance (Tewfik Jallab parfait en filou de la finance). Ou par les encouragements de ses collègues et managers, qui le prennent pour le nouveau Messie. Orgueilleux, il sait qu’il est au bord du gouffre et tel un joueur de casino frénétique en plein déni, s’enferre dans le mensonge et reste persuadé qu’il peut se refaire.

La force du film est de montrer de façon lucide le système de l’intérieur, avec une hiérarchie partie prenante. Elle a couvert le trader sans savoir que les risques pris dépassaient l’entendement puisque les alertes avaient été volontairement négligées. L’OUTSIDER est aussi un film sur l’absence de courage de ceux qui savaient et n’ont rien dit. Un film sur la meute qui se désolidarise en cas de problème, ou pleure l’un d’entre eux sauf en cas d’urgence du marché. L’OUTSIDER, que le réalisateur n’a pu appeler « L’esprit d’équipe » sous peine de procès de la part de la banque, est réellement fascinant. Les pièces du puzzle humain se révèlent à nous, s’imbriquent petit à petit.

Le parti pris par le réalisateur de montrer les différents témoins questionnés dans une salle obscure par un groupe d’inquisiteurs dont on ne voit pas le visage, renforce un trait suffisamment dramatique, nul besoin d’en rajouter.

Sans pour autant nous offrir une analyse froide et clinique du personnage, Christophe Barratier tient la gageure de ne provoquer aucune empathie pour Jérôme. Il tente bien de nous émouvoir en insinuant que Jérôme, qui se sent redevable envers la banque, a accepté de très faibles bonus au vu des montants engrangés. Preuve s’il en était besoin qu’il ne faisait définitivement pas partie du sérail des traders. Mais nous ne sommes pas dupes de ce message qui refuse d’admettre la fraude puisqu’il n’y a pas eu enrichissement personnel… car Kerviel a quand même touché des primes octroyées sur des objectifs atteints fictivement. Mention spéciale à l’interprète parfait de Jérôme : Arthur Dupont, dont on avait remarqué depuis Bus Palladium la présence puissante sans être imposante et le jeu d’acteur tout en tension. Christophe Barratier lui a offert un vrai rôle en dollars.

Sylvie-Noëlle

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Note finale

  1. Barratier ne cherche pas à faire du Scorsese, il réalise une oeuvre qui dépasse le simple du biopic, un véritable thriller nerveux et tendu.
    Sylvain PASSEMAR

  2. L’histoire de Jérôme Kerviel adapté au cinéma, bonne ou mauvaise nouvelle? J’ai eu peur en rentrant dans la salle obscure de ne comprendre que 10 minutes du film. Je savais que ça parlerait de finance et tout ce qui va avec, alors avec mes quatorze ans et ma culture limité dans les marchés boursier, j’ai eu une hésitation avant de payer ma place, mais bon, c’était le printemps du cinéma, donc les places n’était qu’a quatre euros. Bienvenue à moi dans la finance. Sinon, le film?

    Réalisation: 9/10 Très intéressante, bravo m. Barratier!
    Scénario: 9.5/10 On touche la aussi de très prêt la perfection.
    Personnages: 4/5 Super! On parle pas du Jérôme Kerviel, il est juste génial, mais plus du « coach » si l’on peut dire, interprété par François-Xavier Demaison. Une super surprise!
    Morale: 2,5/5 Difficile, très difficile de noter cette part du barème. Selon moi, chacun à sa part de faute. Jérôme Kerviel ainsi que la Société Générale. 50/50??
    Décors, Costumes, Lieux: 4/5 Sympathique, Sympatoche!
    Jeu des acteurs: 9/10 Arthur Dupont est la petite révélation, pour moi, de cet été! Le reste du casting est réussi!
    Choix des musiques, ambiance sonore: 3.5 Pas mal, pas mal…
    Total: 43/50 === 4,3/5
    Finalement j’ai, on va dire, casi tout compris!
    Enigme? J’en ai compris 86%, allez comprendre.
    4,3/5
    Louis

    1. Bonjour ! Le film est bon, je suis d’accord… cette partie du traitement de la morale de l’histoire m’avait interpellée aussi, c’est en effet toujours difficile de juger avec un seul point de vue dans ce type de biopic! A bientôt! Sylvie-Noëlle

  3. J’ai très envie de voir ce film et ton article ne fait que le confirmer.
    J’ai hâte ! Je t’en dirai des nouvelles.
    Merci en tout cas pour ton analyses super complète.

    1. Bonjour Laura Tant mieux si ma critique t’a encore plus donné envie de voir L’Outsider ! J’attends ton retour! A bientôt Sylvie-Noêlle