Danseuse et chorégraphe renommée disparue en 2009, Pina Bausch avait inventé son propre langage. Wim Wenders revient sur ce travail, ce langage et la femme qu’était Pina, grâce à la collaboration de sa troupe, le Tanztheater Wuppertal. Un film hommage enchanteur en 3D.
Note de l’Auteur
[rating:9/10]
• Date de sortie : 6 avril 2011
• Réalisé par Wim Wenders
• Film français, allemand
• Avec Pina Bausch, Regina Advento, Malou Airoudo
• Durée : 1h43min
• Titre original : Pina
• Bande-Annonce :
Décédée en juin 2009, figure majeure de la scène chorégraphique contemporaine, Pina, par la beauté de son personnage et la productivité et la singularité de sa carrière, offre à Wim Wenders l’occasion de revenir à la réalisation après trois ans de silence.
Pina est une icône de la danse trop vite disparue. Wim Wenders lui rend hommage par ce film documentaire où il fait revivre ses chorégraphies, pièces entre ballet et opéra, du Café Müller au Sacre du Printemps, en passant par Vollmond, et découpées par le témoignage de ses élèves. Faire le portrait de Pina, c’est peindre une femme unique dont la vocation était de transmettre un langage.
Ne cherchez pas en Pina une quelconque biographie, éclairant sur tel ou tel événement de la vie de l’artiste. Wim Wenders joue un autre pari. Celui de reconstituer ses chorégraphies en intérieur et dans des lieux improbables. Nous avons des scènes très différentes. La fluidité des corps s’impose entre gravité et cocasserie. Wim Wenders prend chaque danseur à part, chacun étant prétexte à révéler un défaut ou une qualité que Pina aura su modifier ou épanouir. La fragilité d’une danseuse fera sa force, la timidité d’un autre, son devoir de danser par amour, tandis que la maîtrise d’un dernier sera de faire davantage peur et de donner le meilleur de lui-même. Trouver le chemin… dit-elle. On comprend mieux pourquoi si peu d’images de Pina égrènent le film. Elle était une partie de ses danseurs, comme ils étaient une partie d’elle. Cette symbiose exulte à travers ce choix de chorégraphies, heures de travail modelant le geste que chacun aura trouvé suivant sa propre voie. Une troupe mixte, où hommes comme femmes traduisent la fragilité, la tristesse, la noirceur parfois de Pina. Pourtant tout semble gai.
Nous frôlons les corps, leur respiration, leur souffle, et leur mouvement. Et, à travers et par eux, nous frôlons Pina. Nous frôlons un ange.
Différents spectacles, extraits courts comme plus longs, sont montrés. Couleurs vives, beauté des costumes et des matières, parfois juste de longues liquettes, mais un rendu toujours époustouflant dans le dénuement. Le corps, même fragile – on aperçoit Pina déambuler entre les chaises – envahit l’espace de sa puissance et de son contrôle. Puis, ce sont des portraits détachés sur fond noir des danseurs de la troupe, un à un, assis, venant témoigner d’un silence, d’un mot, d’une parole retenue. Comme si deux espaces étaient créés, l’un dansé et vivant, l’autre en deuil. Wim Wenders fait valser sa caméra suivant les corps dans des lieux originaux, sous un métro suspendu, sur une route, en haut d’une falaise, dans un immeuble en construction, souvent proches des éléments naturels si importants pour la chorégraphe (terre, roche, eau, sable…) et auquel l’Homme se confronte dans sa danse.
Cette mise en scène originale et audacieuse en 3D nous place au cœur du travail de Pina et de ce qu’elle était et véhiculait. Nous frôlons les corps, leur respiration, leur souffle, et leur mouvement. Et, à travers et par eux, nous frôlons Pina. Nous frôlons un ange. La bande-son extraordinaire de musiques de monde auxquelles tenait l’artiste ne fait que rajouter à la puissance du spectacle. Voir Pina fait du bien. Nous sentons que le corps existe, qu’il a une destinée exceptionnelle. Oui, Pina le dit : dansez, dansez, sinon nous sommes perdus.