Après avoir touché en 2010 au thriller mais sans convaincre avec Les Trois prochains jours, remake de Pour elle (2008), film français de Fred Cavayé, le réalisateur Paul Haggis revient à un drame intimiste et à la romance avec PUZZLE. Un film qui rappelle Collision (2005), son premier long-métrage, qui reçu notamment l’Oscar du meilleur film en 2006. On retrouve dans PUZZLE plusieurs récits qui, comme dans Collision, se mêlent et se croisent. Paul Haggis se focalise ici sur trois histoires d’amours, sans aucun lien apparent, qu’il parvient à réunir de manière intéressante. Le résultat est surprenant et poétique.
Trois histoires d’amour, à Paris, Rome et New York, s’entremêlent.
A Paris, il y a la relation compliquée entre l’écrivain Michael (Liam Neeson) et sa maîtresse Anna (Olivia Wilde). Durant leur séjour dans un hôtel parisien ils se confrontent aux sentiments de l’un et à la peur de l’attachement de l’autre.
A New York, il y a Julia (Mila Kunis) qui tente désespérément de revoir son fils. Elle doit faire face à l’inculpation de tentative d’assassinat sur son fils dont elle est accusée. Le père, Rick (James Franco), a désormais la garde et fait tout pour empêcher Julia de reprendre contact avec son enfant.
Enfin à Rome, il y a Sean (Adrien Brody) qui tombe sous le charme de Monika (Moran Atias), une tsigane italienne, dont la fille a été kidnappée par un gangster. Pour des raisons personnelles Sean décide d’aider la jeune femme à payer la rançon demandée.
Comme le laisse supposer son titre, PUZZLE est un film déconstruit, sur le modèle du film choral. On passe d’une histoire à l’autre de manière aléatoire sans pour autant se perdre. Car c’est bien le risque avec un tel film. Même si on ne s’attarde jamais sur un récit, passant d’une scène à une autre rapidement, on reste intrigué sur tout ce qui est présenté. Les intrigues apparaissent comme totalement indépendantes et se suffisent à elles-mêmes. Une impression suscitée par le recours à des mises en scènes variées. Notamment à Rome, avec Sean, qu’on retrouve durant tout le début de son histoire dans le bar Américano qui n’a d’américain que le nom. Avec lui Paul Haggis prend son temps. Il laisse son personnage assis au comptoir et l’observe. Peu de changements d’angles de caméra, celle-ci reste fixe devant les acteurs. Après plusieurs aller-retour sur les autres récits traités sur un mode plus actif, la vie de ce personnage avance enfin. En offrant peu de choses à chaque fois le réalisateur interpelle. Un sentiment de frustration se crée à chaque fois qu’on laisse Sean pour découvrir un peu de Michael ou de Julia, et inversement.
Bien que chaque histoire est différente il se dégage un sentiment commun. Une sorte de thème suffisamment vague pour laisser planer le mystère autour du réel sujet du film. On est ainsi rapidement happé par toute les intrigues. Comme un puzzle on découvre une vérité au fur et à mesure que les pièces sont mises à leur place. C’est particulièrement le cas avec la relation entre Michael et Anna. Le couple joue constamment au chat et à la souris. Ils semblent s’aimer l’un et l’autre sans pour autant parvenir à l’accepter. La terrible révélation finale sera la dernière pièce du puzzle permettant de lever le voile sur la complexité de leurs rapports. Cette relation se déroulant dans un hôtel, l’enfermement de ces personnages contraste avec les voyages incessant d’une ville à une autre. Entre Rome, Paris et New York on finit par oublier où l’on est. Car Haggis veut nous désorienter. Son montage toujours en mouvement maintient le rythme. Parfois une courte scène vient même couper une séquence entière pour nous garder captivé.
Pour faire vivre ces différentes histoires, Paul Haggis a réuni une distribution de rêve.
Avec trois histoires toutes particulièrement intéressantes, on ne peut que reprocher à Paul Haggis de ne pas développer de manière égale tous ses récits. En se focalisant sur la vie de Michael, puis de Sean, il délaisse peut-être la meilleure partie du film, celle de Julia. Son histoire dramatique a le plus fort potentiel. La jeune femme est au bord du gouffre et on ne sait pas si on doit la prendre en pitié ou non. Car là encore le mystère est grand, a-t-elle tenté de tuer son enfant ? Même si l’ensemble du récit autour de ce personnage nous plonge dans un combat poignant, on a le sentiment que l’histoire est rapidement expédié. Julia n’apparaît que trop rarement au sein des autres intrigues et son parcours est abordé de manière plus simpliste.
Toutefois l’ensemble du scénario reste surprenant. Bien qu’un peu prévisible, le dernier rebondissement est bien trouvé. Avec une idée simple le réalisateur nous trompe sans arrêt. Il va jusqu’à inclure ce qui apparaît d’abord comme des erreurs de script mais qui en réalité suivent la logique de son sujet. Tout se recoupe, devient limpide, et se développe autour du film une aura poétique. Un sentiment dû en grande partie à l’accompagnement musical. Une bande-son merveilleuse, très présente, construite par des envolées virtuoses de piano et d’instruments à vent. La partition magnifique de Dario Marianelli (Orgueil et Préjugés, Reviens-moi, Anna Karénine) fait le lien entre les scènes. Elle apparaît et disparaît sans qu’on la remarque, suit les différentes histoires sans perdre en intensité et en pertinence. Avec elle, le brouillard construit par les destins croisés finit par se dissiper.
Pour faire vivre ces différentes histoires Paul Haggis a réuni une distribution de rêve. Mention spéciale à Mila Kunis, absolument fascinante. Isolée durant la majeure partie de son axe, elle peut perdre pied à tout instant. Sa confrontation avec James Franco offre une scène remarquable en émotion et captivante dans le changement de visage de l’actrice qui précède une explosion de violence. Le duo Liam Neeson et Olivia Wilde étonne dans un premier temps avant d’apparaître comme une évidence. Leur histoire s’avère alors bien plus subtile qu’imaginée. De son côté Adrien Brody survole par sa classe naturelle et fait face à une envoûtante Moran Atias. Les personnages secondaires tenus en partie par Maria Bello (A History of Violence, Prisoners) toujours impeccable, la mannequin Loan Chabanol étonnante malgré son peu d’expérience, ou encore Riccardo Scamarcio (Le Rêve italien, Mon frère est fils unique) génialissime en barman romain désabusé, parviennent à se faire remarquer en une poignée de scènes. Au sein de ce PUZZLE se dévoile un ensemble qui surprend et emporte dans une histoire simple, joliment racontée.
Pierre Siclier