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SAILOR ET LULA, une histoire de style – Critique

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Palme d’or au Festival de Cannes en 1990, Sailor Et Lula est probablement une œuvre charnière dans la carrière de David Lynch, peut-être même le « film de la consécration ».

Alors même que sa série culte Twin Peaks débarquait sur le petit écran, le cinéaste livrait là une pure folie audiovisuelle, difficilement qualifiable. Le long métrage se situe effectivement au confluent de nombreux genres et d’influences diverses : quelque part entre le road trip déjanté et le thriller bien glauque, synthèse du film d’horreur et du conte de fées, tenant tout autant de la romance à l’eau de rose que du burlesque ou du fantastique à tendance ésotérique. Bref, Sailor Et Lula est inclassable : il incarne un concentré de pur cinéma, récupérant des références pour mieux les réinventer et les dépasser, imposant par là même une personnalité unique et typique de son auteur.

L’histoire est pourtant limpide et simple : Sailor et Lula s’aiment d’amour fou, mais la mère marâtre de Lula ne l’entend pas de cet œil et n’hésite pas à lancer les pires tueurs à gage sur leur trace pour exécuter Sailor et récupérer sa fille… Mais le traitement de ce récit est unique : rythme endiablé, situations déjantés, rencontres singulières ou personnages complètement allumés sont les ingrédients qui impressionnent avec force et rage une pellicule constamment frémissante. On admire aussi la construction d’un scénario qui ne faiblit jamais : à la fois complexe et fluide, ce dernier fait la part belle aux ruptures de ton ou aux bifurcations improbables qui rendent l’histoire de Sailor Et Lula dense et proliférante. Placées sous le signe du feu, les images nous conduiront d’ailleurs droit vers une séquence d’incendie fondateur et révélateur, qui relie à jamais tous les personnages.

Le cinéaste américain impose toujours sa vision des choses et passionne ainsi son public d’un bout à l’autre de son long métrage : c’est ce qui s’appelle le style.

Mines patibulaires, airs grotesques ou quasi fantastiques, la galerie de personnages offerte ici par David Lynch est une pure merveille pour cinéphiles. Entre une mère possessive complètement folle, des meurtriers plus pervers que jamais ou une étonnante sorcière sur son balai, Sailor et Lula tâchent de s’en sortir comme ils peuvent, en essayant surtout de ne pas perdre ce précieux sentiment qui les relie l’espèrent-ils à jamais : l’amour. On n’oubliera jamais la sensualité parfois hystérique de la formidable Laura Dern (qui n’atteindra malheureusement jamais plus de tels sommets) et la coupe de cheveux déjà culte de Nicolas Cage, prônant la liberté avec une veste en peau de serpent hideuse (mais révélatrice de son individualité) ou poussant la chansonnette sur les airs du King, son idole : « Love Me Tender », interprété debout sur un capot de voiture, résonne encore dans toutes les mémoires (et dans les cœurs) de tous ceux qui ont un jour vu cette incroyable séquence. Wild At Heart, comme le dit si bien le titre original.

Mais le film ne serait probablement rien sans le génie de la mise en scène de David Lynch, qui impose avec Sailor Et Lula un style unique, souvent imité et jamais égalé. Abus de filtres chromatiques, effets spéciaux entre terreur pure et kitsch rose bonbon, bande originale extraordinaire mais jouant avant tout sur une discontinuité sidérante et des enchaînements véritablement surprenant, positionnements à se damner de la caméra : en somme un goût permanent pour une singularité sans faille. Une sorte d’inquiétante étrangeté très poétique, en somme. Le cinéaste américain impose toujours sa vision des choses et passionne ainsi son public d’un bout à l’autre de son long métrage : c’est ce qui s’appelle le style.

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