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n deux occasions, dans STILL ALICE, le docteur Alice Howland (Julianne Moore) s’observe dans le miroir de sa salle de bains. La seconde fois cependant, elle ne se reconnait pas. C’est qu’Alice, professeur reconnu de linguistique à Columbia University, est atteinte d’une forme précoce de la maladie d’Alzheimer, qui lui fait peu à peu perdre contact avec la réalité. La femme qu’elle y voit, avec ses cheveux mal coiffés et son air hébété, ça n’est plus elle, mais quelqu’un d’autre.
Au fur et à mesure d’une longue descente, on a vu Alice oublier d’abord des noms et des adresses, puis oublier de rentrer à la maison après son jogging et oublier qu’elle a vu quelqu’un peu de temps auparavant. Et puis la perte d’autonomie, l’impossibilité de s’habiller toute seule, l’incontinence, John son époux impuissant (Alec Baldwin) et leurs trois enfants (Kate Bosworth, Hunter Parrish et Kristen Stewart) qui apprennent horrifiés que la forme d’Alzheimer dont est atteinte leur mère est héréditaire et qu’il y a une chance sur deux pour qu’ils en souffrent prématurément à leur tour.
Y-a-t-il un espoir même au milieu d’une telle situation ? Oui, et c’est la force de STILL ALICE. Même malade, Alice vit encore, elle s’accroche encore aux souvenirs. Le jeu de Julianne Moore, décidément partout ces derniers temps, donne au personnage une profondeur et une fragilité, toute en retenue, sans déballage de niaiseries ou de bons sentiments. Dans un personnage qui a bâti toute sa vie sur sa mémoire et qui la voit peu à peu disparaître, elle excelle et étincelle. Bien sûr, ce n’est pas son plus beau rôle (surtout pour moi qui l’ai adorée dans The Hours, Loin du paradis ou A Single Man). Mais elle inspire quand même le respect. Elle joue brut, un tour de force pour une prestation qui aurait pu se résumer uniquement à tirer des larmes au public.
Si l’interprétation de Julianne Moore est solide, le film en revanche l’est nettement moins. On évite la sensiblerie mais on tombe forcément dans la sensibilisation. Normal, avec un sujet aussi grave. Le film devient par moments une sorte d’appel aux dons afin de trouver un remède à la maladie dont il traite. On voit venir les scènes émouvantes à des kilomètres et on sait pertinemment quand le public sera supposé avoir les yeux humides ou se lever en criant « I’m mad as hell and I’m not gonna take it anymore ! » (pure référence cinéphile). Alec Baldwin, que j’apprécie pourtant beaucoup, a le potentiel dramatique d’un camionneur dans un restoroute. Il est fade et décevant. Quant à Kristen Stewart, aux commandes de Lydia, elle revient dans un rôle à la Sils Maria, en jeune comédienne un peu paumée qui tente de percer, soutenue par une femme plus âgée (c’était Juliette Binoche chez Assayas, ce sera finalement sa mère malade ici). Et elle semble définitivement plus à l’aise en lecture de textes qu’en incarnation. A force de se répéter, elle pourrait bien gâcher un talent d’actrice qui doit encore se révéler (pour effacer un peu son image Twilight).
”Julianne Moore face à elle-même, toute la puissance de STILL ALICE”
Julianne Moore est la seule qui soutienne vraiment le tout donc. Si on ne devait retenir qu’une seule scène, celle qui résumerait le film et le rendrait digne d’attention, ce serait en effet ce dialogue entre Alice et elle-même, alors que celle-ci, déjà très diminuée, regarde une vidéo d’elle-même enregistrée quelques mois plus tôt sur son laptop. C’est à cet instant qu’on prend conscience de ce que « perdre son identité » signifie : se parler à soi pour sauver les derniers morceaux brisés d’une vie. Julianne Moore face à elle-même, toute la puissance de STILL ALICE. Le film d’un seul personnage, qui à la fin ne sait même plus qu’il en est le héros. Les Oscars ont apprécié.
Tom Johnson
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• Réalisation : Wash Westmoreland, Richard Glatzer
• Scénario : Wash Westmoreland, Richard Glatzer
• Acteurs principaux : Julianne Moore, Alec Baldwin, Kristen Stewart, Kate Bosworth
• Pays d’origine : Etats-Unis
• Sortie : 18 mars 2015
• Durée : 1h41
• Distributeur : Sony Pictures Releasing France
• Synopsis : Atteinte d’une forme précoce de la malade d’Alzheimer, le docteur Alice Howland tente de garder contact avec la réalité tandis que ses proches ne savent trop comment aborder la situation.
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