Critique du film Tabou (Tabu) réalisé par Miguel Gomes avec Laura Soveral, Teresa Madruga, Isabel Cardoso

[critique] Tabou

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Affiche du film TABOU

Une vieille dame au fort tempérament, sa femme de ménage Cap-Verdienne et sa voisine dévouée à de bonnes causes partagent le même étage d’un immeuble à Lisbonne. Lorsque la première meurt, les deux autres prennent connaissance d’un épisode de son passé : une histoire d’amour et de crime dans une Afrique de film d’aventures.

Note de l’Auteur

[rating:8/10]

Date de sortie : 5 Décembre 2012
Réalisé par Miguel Gomes
Avec Laura Soveral, Teresa Madruga, Isabel Cardoso
Film portugais
Durée : 1h50
Titre original : Tabu
Bande-annonce :

Le ton est donné dès les premières minutes avec cet explorateur mélancolique qui part se jeter au crocodile. Avec un petit signe en guise d’adieux, il n’a qu’une seule idée en tête : partir au loin vers l’inconnu pour oublier le passé douloureux. Dès ce prologue on a le cinéma de Miguel Gomes : parcourir avec envie une terre, des images en noir et blanc parfaitement peaufinées avec un récit sous forme de fable humaine. S’il ne faut retenir qu’une seule réplique dans ce film, c’est bien sûr « le coeur est le plus insolent des muscles ». Elle reste marquée tout au long du film comme le fil conducteur du drame sentimental raconté. Mais ce film dure près de deux heures. Miguel Gomes a scindé son film en deux parties, l’une se nommant « paradis perdu » et l’autre intitulée « paradis ».

Une rupture qui se fait sous plusieurs angles. Une rupture temporelle (la première partie contient le présent et la seconde les souvenirs du passé), une rupture géographique (on saute d’un continent à l’autre par une seule phrase) et une rupture cinématographique (chronique dramatique dans la première partie et film muet avec juste une voix-off dans une seconde partie).

Concentrons-nous sur la première partie. Il faut du temps pour entrer totalement dans cette première partie du film avec ses monologues à n’en plus finir. Elle dure presque une heure, pour raconter une chronique avec deux voisines de palier. L’une est en pleine disparition aussi bien mentale que physique et l’autre est une grande philanthrope. Et l’agitation de souvenirs et de joies perdues fait surface pour créer une ambiance tragique. Dans la seconde partie, nous avons un récit lyrique et très sonorisé. C’est dans cette partie que le côté fable ressort le plus avec ces aventures en pleine jungle et cette façon de raconter l’histoire seulement avec une voix-off. Cette partie revient sur les souvenirs que les personnages ont tant recherché dans la première partie. Un retour vers le cinéma muet qui prouve qu’on peut encore en tirer quelque chose.

Photo du film TABOU

Une expérience sensorielle, sentimentale et narrative unique. Miguel Gomes redéfinit le récit romanesque avec les souvenirs qui disparaissent.

Nous assistons donc à une première partie de frustration et de recherche permanente du passé. Cela afin de partir sans regret. Et la deuxième partie nous livre ces souvenirs dans une photographie éblouissante. Surement l’un des meilleurs travails de chef opérateur de l’année. Ce noir et blanc a un peu de contraste violent mais ressort surtout une lumière féérique issue du coeur. Mais derrière ces sublimes images et cette rupture narrative, Miguel Gomes nous emmène dans une histoire d’amour belle et tragique à la fois. Le cinéaste nous livre ici un film digne des plus grands récits de passion de l’époque du noir et blanc et du muet. Ce sont ces références bien qualibrées et non dans le simple hommage qui nous illumine les yeux.

Avec son film, Miguel Gomes fait du cinéma sans véritablement en faire. En effet, il redéfinit le récit romanesque pour en livrer sa propre vision avec des croisements narratifs très simples et décontractés. Tout lui semble facile dans ce film. Et cette facilité qui en sort à côté de la puissance du propos et des images, c’est tout simplement de la magie pure. Il ne faut surtout pas oublier non plus la pincée d’Histoire inclue dans ce film. Miguel Gomes fait une belle relation entre ses deux parties pour parler de la colonisation. Dans la première partie nous avons Aurora et sa bonne Santa qui rejouent de façon méfiante et dérisoire les éléments de l’époque coloniale (le contrôle de l’autre).

A l’image du groupe de musique dans le film, cette fable humaine se révèle être une expérience sentimentale et sensorielle très pop. Ce film associe avec grandeur et délicatesse l’innocence primitive des êtres humains et la distanciation entre ces êtres humains. En quelque sorte un film qui invoque les ancêtres du Cinéma pour faire renaître les fantômes de notre vie passée.

Photo du film TABOU

Finalement, Tabou est un film cousu en deux parties opposées. La première partie peine à décoller dans sa chronique dramatique de deux femmes âgées recherchant le passé de leurs souvenirs. Puis une seconde partie beaucoup plus belle et féérique sous forme de fable humaine où une voix-off est la seule à parler. Un film en noir en blanc vraiment d’une grande beauté et des sons à adoucir les moeurs. Une expérience sensorielle, sentimentale et narrative unique.

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