[critique] The Last Show

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Un samedi soir pluvieux à Saint Paul, la foule se presse au Fitzgerald Theater pour assister au show radiophonique hebdomadaire « A Prairie Home Companion ».
Depuis 30 ans, ses vedettes, ses joyeuses fausses réclames et ses amuseurs rétro ont atteint la gloire et survivent au règne de la télévision.
Les Johnson Sisters, Yolanda et Rhonda, un duo de chanteuses légèrement passées de mode, sont au bord de la crise de nerfs.
Dusty et Lefty, héros d’un numéro de cow-boys à l’humour douteux, s’apprêtent à entrer en scène.
En coulisses, le chef de la sécurité, Guy Noir, poursuit une jeune femme étrangement apparue…
Quant au maître de cérémonie de cette joyeuse petite entreprise, GK, il présente l’émission de ce soir avec plus de détachement que d’habitude.
La station de radio vient d’être vendue à un groupe texan. Ce show est peut-être le dernier mais le spectacle doit continuer.

Note de l’Auteur

[rating:8/10]

Date de sortie : 06 décembre 2006
Réalisé par Robert Altman
Film américain
Avec Meryl Streep, Lily Tomlin, Lindsay Lohan
Durée : 1h40min
Titre original : A Prairie Home Companion
Bande-Annonce :

Pour une fois, le titre sous lequel sort en France un film étranger est meilleur que l’original. C’est rare, et quand ce n’est pas une hérésie, il est bon de le souligner. Les personnes chargées de la sortie française ne se doutaient sûrement pas en intitulant « The Last Show » ce film de Robert Altman qu’il s’agissait justement de la dernière oeuvre du réalisateur avant qu’il ne disparaisse en 2006.
Le titre original, « A Praire Home Companion », est le nom d’une émission de radio américaine qu’a créée et animée Garrison Keillor de 1974 à 1987. Sa voix d’une douceur et d’un calme fascinants a orchestré durant toutes ces années ce programme musical dont les sources et inspirations sont à mettre à l’actif de la culture country propre à ce pays depuis plusieurs décennies.

Lorsque cette émission destinée à l’Amérique profonde et simple au sens noble du terme a été arrêtée, Garrison Keillor a écrit ce scénario relatant les quelques heures de la dernière retransmission de « A Praire Home Companion », qui mettait un terme à une passion et un talent qu’il avait réussi à transmettre dans tout le pays.
Robert Altman s’est avéré un excellent choix pour mettre en image ce qui a été de belles ondes radiophoniques pendant 13 ans. Arès tout, qui d’autre peut aussi bien mettre en image ce qu’on appelle maintenant de manière pompeuse et beaucoup trop récurrente un « film-chorale » ?
Si Paul Thomas Anderson en a habilement rappelé les bases avec Magnolia et Boogie Nights, des films comme The Player, Short Cuts, Prêt-A-Porter, Cookie’s Fortune, M.A.S.H. ou Gosford Park sont des piliers du cinéma dont le point commun, outre leur réalisateur, est de ne pas lésiner sur le nombre de personnages à gérer. Robert Altman a toujours su filmer de manière aérienne, légère et subtile de multiples personnages passionnants, aux destins simples et complexes comme votre vie ou la mienne.

Dans The Last Show justement, on y croise deux soeurs bavardes qui chantent dans la nostalgie de leur famille disparue ; une adolescente qui ne peut écrire de textes que sur le suicide ; deux cow-boys qui racontent des blagues bien grasses entre deux accords de guitare country ; un homme chargé de la sécurité de l’émission qui déambule bizarrement sur le plateau ; un homme d’affaires qui vient assister à l’agonie de « A Prairie Home Companion » qu’il va remplacer à coup de dollars sous prétexte de modernisme ; une étrange et belle femme angélique à plus d’un titre ; un présentateur qui anime son bébé radiophonique comme si cette soirée était comme les autres ; un chanteur à la voix et au corps fatigué mais dont le cœur vibre encore d’amour…
Tout ce petit monde va traverser les dernières heures de «A Prairie Home Companion » sous notre regard, au rythme d’une musique chantée et jouée avec une sincérité et une chaleur purement troublantes, sous la caméra vivante et discrète de Robert Altman, au milieu de bribes de dialogues insolites. Une douce et confortable mélancolie, interprétée par Meryl Streep (quelle voix !), Lily Tomlin, Kevin Kline, Woody Harrelson, John C. Reilly, Tommy Lee Jones et même Lindsay Lohan, choix à tendance people bien risqué mais qui s’avère extrêmement bien vu de la part du réalisateur. Mais rien de surprenant finalement, n’est pas Robert Altman qui veut.

La mièvrerie et la guimauve tendance « c’était mieux dans le temps » n’est pas loin de gâcher le spectacle par moments, il faut le reconnaître, mais force est de constater que l’ensemble est bien plus poétique que passéiste. Robert Altman s’est retiré du monde du cinéma et du monde tout court avec un film sincère et pur, pour une fois dépourvu du cynisme latent qui habitait ses précédents films, indulgence logique de l’homme qui a atteint la sagesse. Mais sans faire dans le romantisme cinéphilique poussif, laissons-nous voir en ce film plus qu’une belle œuvre, savourons-la comme le dernier bijou d’une carrière indispensable à tout amateur de cinéma, au même titre que Stanley Kubrick a quitté la scène avec Eyes Wide Shut.
The last show of Robert Altman.

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