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LE PASSÉ RECOMPOSÉ, la douloureuse question du viol – Critique

Pour son premier long métrage, Jennifer Fox offre, avec LE PASSÉ RECOMPOSÉ, un film très personnel sur un traumatisme subi pendant son adolescence.

On ne se remet jamais complètement d’un viol, surtout lorsqu’il a été commis sur une jeune fille de 13 ans et perpétré au nom de l’amour. C’est un âge où on est facilement influençable, où tout adulte autre que ses parents apparait forcément plus libre, plus compréhensif et plus passionnant. Surtout si cet adulte voit en la jeune fille ce que personne d’autre ne voit : une personne spéciale et une femme en devenir. Mais tout ça, comme le décrit le titre THE TALE c’est une histoire que chaque petite fille se raconte quand un homme adulte porte sur elle un regard intéressé, pour ne pas trop souffrir et pour accepter l’inacceptable. Car le subconscient prévient par des signes que le conscient préfère ignorer parce que la réalité est trop dure.

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Jennifer Fox documentariste reconnue, réalise son premier long métrage en s’inspirant de sa propre histoire personnelle. D’ailleurs son personnage s’appelle Jenny Fox et est interprétée par Laura Dern (Big Little Lies) à 48 ans et Isabelle Nélisse à 13 ans. Son héroïne est reconnue dans son travail sur le terrain, elle s’est d’ailleurs spécialisée dans les interviews de femmes violées. THE TALE raconte précisément l’impact que peut avoir un tel traumatisme sur la vie d’une jeune femme, même après 35 années. Il a ainsi renforcé en elle ses idées d’indépendance, sans mariage ni enfants. Pourtant, elle est attachée à son fiancé depuis 3 ans (Common chanteur rappeur hip hop, suggéré par Laura Dern à la réalisatrice) et leurs relations intimes sont très intenses, même si c’est toujours très amusant, en raison d’une certaine pudeur américaine, de voir l’actrice garder son soutien gorge.

La mère de Jenny (Ellen Burstyn), qui a retrouvé un devoir qui racontait une histoire bien trop belle pour être vraie, saisit avec le recul ce qui s’est passé. Pour réveiller ses souvenirs, elle l’envoie à sa fille, qui le relit et le confronte à ses souvenirs flous. S’en suit un film de facture plutôt classique sur un sujet maintes fois traité, de recherches et de rencontres avec les protagonistes de l’époque. A la manière de Spotlight ou La consolation, qui racontait le processus de prédation qu’avait fait subir le photographe David Hamilton à l’animatrice Flavie Flament. Les relations avec sa mère seront renforcées, car sa mère sera présente à ses côtés pour la soutenir dans ses recherches, prenant sa part de responsabilité et de honte dans son incapacité à n’avoir su protéger son enfant. Après la projection, Jennifer Fox, très émue, rappelait en effet que 93% des viols d’enfants étaient perpétrés par des proches.

Malgré quelques longueurs, le film dresse le beau portrait d’une femme qui doit, pour mieux vivre son futur, comprendre son passé traumatique.

La bonne idée plus originale de la réalisatrice – toutefois utilisée un peu trop souvent – est de confronter la Jenny d’aujourd’hui sans la montrer et interrogeant derrière caméra le personnage trouble de Mrs Gee (Elisabeth Debicki) celle par qui tout est arrivé, ou encore la Jenny de ces 13 ans. Au fur et à mesure que ses souvenirs remontent à la surface, Jenny femme forte se retrouve fragilisée, triste et angoissée. Son corps et son visage se transforment comme s’il était temps pour eux de s’exprimer par rapport à cette légende qu’elle s’est construite. Elle a transformé cette relation glauque en une histoire d’amour et de confiance, pour la rendre plus acceptable. D’autant qu’il est fortement suggéré, de par son métier de coach auprès de jeunes filles athlètes, qu’elle n’était pas la dernière proie du prédateur, mais sans doute la plus jeune.

L’acteur Jason Ritter, qui interprète le prédateur Bill, était d’ailleurs très ému après la projection du film. Car même si la réalisatrice avait pris toutes les dispositions nécessaires sur le plateau de tournage avec des doublures corps et la présence d’un psychologue, il n’est pas si facile d’interpréter un monstre sous couvert de sourires et de délicatesse. Car le pire c’est qu’il semble avoir fait preuve d’une certaine délicatesse, compliquant la détestation d’un tel homme par la petite fille.

Pourtant, l’émotion perce à peine dans THE TALE, comme si la réalisatrice avait voulu aussi mettre de la distance avec sa propre histoire, la traitant presque comme un documentaire. Malgré quelques longueurs, THE TALE dresse le beau portrait d’une femme qui doit, pour mieux vivre son futur, comprendre son passé traumatique.

Sylvie-Noëlle

Note des lecteurs19 Notes
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Titre original : The Tale
Réalisation : Jennifer Fox
Scénario : Jennifer Fox
Acteurs principaux : Laura Dern, Isabelle Nélisse, John Ritter, Elisabeth Debicki
Date de sortie : Inconnue
Durée : 1h54 min
3.5

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Pierre Timar
Pierre Timar
Invité.e
10 septembre 2018 7 h 33 min

C’est pour l’abus sexuel sur mineurs le même exemplaire travail didactique cinématographique que « Schindler’s list » pour la pulsion de mort à l’œuvre dans la Shoah. Le choc de cette démonstration est tel que les défenses du spectateur sont sollicitées mais qu’il convient d’accepter de suspendre son jugement et ses rationalisations jusqu’à la fin du film. Mon expérience clinique des personnes abusées dans leur enfance me permet de valider ce qui est présenté dans ce récit et de saluer la réalisatrice pour cette œuvre qui est bien une authentique sublimation offerte au public et non une production pathologique ou même simplement narcissique. C’est une injustice que ce film n’ait pas été récompensé à Deauville.

Btw: le port du soutien gorge est plutôt un détail qui montre que « les gros nibards de Mme G » sont toujours moins désirables et doivent être cachés à son homme.
Votre amusement et votre rationalisation en termes sociologiques signent une défense.

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