[critique] Trois Couleurs : Rouge

Nous souhaitons recueillir votre avis sur votre façon de nous lire. Merci de prendre 2 minutes de votre temps en cliquant ici !


Valentine vit seule à Genève. Elle partage son temps entre ses études, ses cours de danse, ses défilés de mode et… attend des signes de Michel, l’homme qu’elle aime. Revenu de Pologne, reparti pour l’Angleterre, Michel l’appelle parfois et sème la discorde. Un soir, Valentine renverse un chien en voiture. Elle ramène l’animal blessé à son propriétaire, dont l’adresse est indiquée sur le collier. Elle fait ainsi la connaissance d’un vieil homme antipathique, un juge à la retraite qui espionne ses voisins et se délecte à écouter leurs conversations téléphoniques. Indignée, Valentine condamne son comportement, mais elle veut pourtant croire en sa bonté…

Note de l’Auteur

[rating:9/10]

Date de sortie : 14 septembre 1994
Réalisé par Krzysztof Kieslowski
Film polonais, français, suisse
Avec Irène Jacob, Jean-Louis Trintignant, Samuel Le Bihan
Durée :1h35min
Bande-Annonce :

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=rEBCT5xMpA4[/youtube]

‘Le monde, ce n’est pas seulement ces lumières éblouissantes, ce rythme trépident, le Coca-Cola à la paille, la nouvelle voiture…Il existe une autre vérité…un au-delà ? Oui, certainement. Bon ou mauvais, je n’en sais rien, mais…il y a autre chose.’ K. Kieslowski.

Avec ‘Rouge’, troisième volet du triptyque Bleu-Blanc-Rouge parachevant l’œuvre cinématographique de Krzysztof Kieslowski, le 7ème Art déclenche des pulsions orgasmiques indescriptibles. Film testamentaire d’un cinéaste hors-normes – combien de ses détracteurs ne l’ont-ils injustement accusé de sortir des ‘conventions’-, Rouge, sous la bannière de la Fraternité, s’assortit d’une profonde réflexion sur les thèmes de la jeunesse et de la vieillesse, motifs précieux pour le cinéaste slave !

Aux dires de Jean-Louis Trintignant, lorsque Kieslowski vous regarde droit dans les yeux, vous lui accordez les faveurs les plus incongrues, tellement son regard est pénétrant, inquisiteur et inébranlable. Tous ses films, sans aucune exception, recèlent ce degré d’introspection transcendant, et transportent le spectateur dans un univers totalement hermétique aux influences extérieures, Kieslowski nous impose ses propres codes, ses propres règles, et défie sans cesse notre affect, commuant notre permanence en impermanence presqu’incontrôlable.
Andrei Tarkovski le définit comme tel : ‘Peut-être le cinéma est-il l’art le plus intime, le plus personnel. Seule la vérité intime de l’auteur sera ressentie par le spectateur comme un argument incontestable’. J’aime évoquer Andrei Tarkovski qui possède lui aussi ce degré d’introspection, et dont l’œuvre ultime (Le Sacrifice) se rapproche ostensiblement de Rouge, lorsque pendant la première demi-heure du film, la vieillesse (Erland Josephson) côtoie la prime jeunesse (Tommy Kjellquist) dans un brillant réquisitoire sur la compréhension de notre identité, sur l’ambivalence entre le Bien et le Mal.

Parmi ce déferlement d’épisodes, le plus souvent métaphoriques, un en particulier illustre l’extraordinaire maestria de Kieslowski en tant que metteur en scène : celui du bowling. Juste avant d’arriver sur le gros plan de Valentine (Irène Jacob) sur la piste de bowling, nous voyons son voisin rentrer chez lui avec en main une cartouche de cigarettes Marlboro.
S’ensuit alors le long plan de travelling latéral – dont se sont inspirés les frères Coen pour leur Big Lebowski ?! – pour s’arrêter en plan fixe sur un verre brisé et un paquet de Marlboro écrabouillé : nous comprenons la rupture amoureuse que vient de subir le voisin. Kieslowski transpose, en 60 secondes, cette rupture amoureuse, quand la plupart des réalisateurs prendraient cinq fois plus de temps ! Le cinéma devient grandiose, Kieslowski dépasse son statut primaire de metteur en scène pour atteindre celui de poète de l’image, ses plans se muant en rimes ‘riches’ !

Pour évoquer les deux acteurs principaux, Irène Jacob et Jean-Louis Trintignant, laissons-leur la parole :
Valentine
: ‘Si j’avais écrasé votre fille, ça vous ferait le même effet ?’
Le juge
: ‘Je n’ai pas de fille mademoiselle !’
Cette séquence fait suite à l’accident de Valentine qui écrase le chien du juge, chien qui agira comme point d’encrage entre les deux personnages. Face au monstre sacré du cinéma français – Jean-Louis Trintignant incarne un juge à la retraite tantôt pathétique, tantôt attachant, apporte un ton excellemment intimiste dans les dialogues – nous retrouvons une Irène Jacob (la Véronique de la Double Vie !) radieuse dans sa performance, tyrannique dans ses répliques, en parfaite symbiose avec Trintignant.
Qu’il devient jubilatoire de nous constituer témoin de cette confrontation de caractères très identifiés, Kieslowski poussant le vice à l’extrême en fixant l’intrigue dans un schéma proche du huis-clos – le fiancé, la mère et le frère de Valentine sont seulement évoqués, ils n’interviennent que par le biais des communications téléphoniques.

Rouge, symbole de l’interdiction, clôt de la plus belles des manières – Kieslowski avoue lui-même ne plus être capable de faire mieux, le verre de liqueur se renversant sur la table de billard se révèle dans sa dimension ontologique comme le plan testamentaire – l’œuvre démiurgique d’un cinéaste résolument attaché aux valeurs existentielles. Kieslowski a toujours laissé le choix du libre arbitre au spectateur, traitant l’intelligence de ce dernier avec une incommensurable tolérance et un respect profond. L’univers de l’homme est magistralement mis en abîme dans la scène où Véronique (Irène Jacob – La Double Vie de Véronique) contemple la vie au travers de la balle magique qui se reflète sur la vitre du train.
Mon rêve, c’est d’être assis à la campagne, sur une chaise, en train de fumer…’ K. Kieslowski. Qu’il eût été agréable de se trouver à ses côtés pour profiter de la quiétude pastorale dans les vapeurs brumeuses d’un mois de novembre…

Nos dernières bandes-annonces

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  1. Trois couleurs : Rouge (1994)
    Le réalisateur Krzysztof Kieślowski nous fait le coup de la trilogie. Il pensait peut-être ainsi nous impressionner.
    A-t-il voulu s’inscrire au Panthéon des auteurs des vastes épopées ? Souhaitait-il égaler la gloire de celui qui a commis les 90 tomes de la Comédie Humaine ?
    Une trilogie, ça fait bien.
    Mais c’est ici une démarche prétentieuse et parfaitement ratée.

    Si l’on prend le cas du « rouge », on a un film maniéré, barbant et aujourd’hui très daté. Une réalisation besogneuse à la Chabrol avec des postures, un manque d’idées flagrant et une lenteur épuisante.
    Qu’a été faire Jean-Louis Trintignant dans cette galère ?
    Je préfère me taire sur les autres rôles qu’on peut qualifier par gentillesse d’amateurs.
    Il y a des noms comme Kieślowski qui semblent dignes d’intérêt, sans que l’on sache très bien pourquoi. Par curiosité, on se laisse aller à jeter un oeil.
    Surfait ! Ne mérite absolument pas le détour !