[critique] Une Femme Sous Influence

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Contremaître sur les chantiers, Nick est submergé de travail et ne peut rentrer chez lui pour la nuit. De son côté, Mabel, son épouse est déprimée. Après avoir laissé ses enfants à sa mère, elle se saoule et, à moitié inconsciente, ramène un homme à la maison. Le lendemain, Nick débarque avec son équipe d’ouvriers, et une scène de ménage éclate…

Note de l’Auteur

[rating:9/10]

Date de sortie : 14 avril 1976
Réalisé par John Cassavetes
Film américain
Avec Gena Rowlands, Peter Falk, Fred Draper
Durée : 2h26min
Titre original : A Woman under the Influence
Bande-Annonce :

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Plus connu en tant qu’acteur (près de 80 films) que réalisateur (12 films au total), John Cassavetes est considéré comme un des pionniers du cinéma indépendant, dont nombre de cinéastes de la Nouvelle Vague s’en inspirera sans beaucoup de scrupules ! Le ‘Shadows’ de 1959 reste à ce jour comme l’un des films majeurs du cinéma, l’épisode lorsque Lelia amène son petit-ami dans l’appartement de son frère, et que le petit-ami découvre que la famille est ‘noire’, la scène de cette confrontation est simplement extraordinaire, et transpose en quelques secondes tous les drames humains qui se jouent au même moment dans une Amérique en quête de rédemption.
Une Femme sous Influence’ a failli ne jamais voir le jour, puisque c’est Martin Scorsese, suite aux multiples refus des distributeurs, qui a manigancé un lobbying de bon aloi lors de la sortie de son propre film ‘Alice n’est plus ici’, pour le soutenir officiellement. L’histoire retiendra paradoxalement que c’est Ellen Burstyn qui décrochera l’Oscar de la Meilleure Actrice pour ‘Alice n’est plus ici’ alors que Gena Rowlands, dans une interprétation hors-normes dans ‘Une Femme sous Influence’, repartira bredouille !

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Avec ‘Une Femme sous Influence’, John Cassavetes s’affranchit de toutes les normes conformistes institutionnalisées par Hollywood, et réalise une œuvre anti-Establishment, anti-Hollywood, anti-Genre, anti-Film. Communément décrit comme une mise en abîme de la folie – fous sont ceux de croire à un pareil raccourci – ce drame traduit plutôt les difficultés d’un couple américain moyen, au travers du motif de l’incommunicabilité patente qui conduit les liens familiaux dans une forme de déliquescence irréversible.
Non, il ne s’agit pas d’une analyse cinématographique et psychanalytique de la folie humaine, restons vigilants quand au sens primaire du scénario, et ne tombons pas dans la commodité du faux-fuyant !

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Mabel (Gena Rowlands) incarne cette mère aimante, cette épouse dévouée, cette femme libre au sens littéral du terme ; Nick (Peter Falk) symbolise le mari protecteur, tutélaire et parfois impérieux. Au travers des accès de démence de Mabel et des réactions non moins aliénées de Nick, John Cassavetes explore les relations intimes, parfois secrètes, d’un couple dont le vacillement existentiel est quasi palpable – certains longs plans séquences témoignent abruptement de cette porosité relationnelle.
Cassavetes
se dispense de toute forme d’intrigue, ne cherchez pas le héros et l’antihéros, vous ne trouverez pas ! Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une tranche de vie, somme toute banale, rendue exponentiellement émotive par le flux d’images intrusives, à la limite du style documentaire. Maurice Blanchot, dans L’Entretien Infini : ‘Car, pour nous, au sein du jour quelque chose peut-il apparaître qui ne serait pas le jour, quelque chose qui dans une atmosphère de lumière et de limpidité représenterait le frisson d’effroi d’où le jour est sorti ?’.
La formule est lâchée : le frisson d’effroi, celui-ci nous parcourt de bout en bout, car même dénué d’intrigue, ‘Une Femme sous Influence’ nous imprègne de sa rugosité psychologique et organique, sans jamais desserrer la bride. L’entrechoquement actorial est sans limites, presque insoutenable, les comédiens se livrant corps et âmes pour se décloisonner de leur condition d’acteur.

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A l’instar du Vertigo d’Alfred Hitchcock, ‘Une Femme sous Influence’ démontre, avec une acuité monstrueuse, la capacité du cinéma à dépeindre les tourments les plus enfouis de l’âme humaine, certes sans aucune complaisance à l’égard du spectateur, happé dans un tourbillon convulsif, presque labyrinthique, d’émotions originelles.
John Cassavetes
filmait l’être humain dans sa condition d’Etre Humain, ni plus ni moins, rendant ses personnages encore plus intimes à notre propre vérité, excluant toute forme d’artifice pour exhaler la part de bestialité qui se cache en chacun de nous…

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