Dans le cadre de la ressortie de Cinema Paradiso, nous effectuons une rétrospective sur la filmographie du réalisateur italien Giuseppe Tornatore.
UNE PURE FORMALITÉ tranche avec la cadre traditionnel des films de Tornatore. Loin de sa Sicile natale qui lui avait inspiré Le Maître de la Camorra et Cinema Paradiso, ses deux premiers films, le réalisateur italien laisse de côté les paysages et la dimension humaine luxuriante de l’île et se penche sur un nouveau style pour lui : le polar.
Giuseppe Tornatore nous avait habitué à des décors magnifiques. Comment oublier ce magnifique paquebot qu’est le Virginian dans La Légende du Pianiste sur l’Océan ou la magie du Cinema Paradiso. Après ça, c’est sûr qu’un petit commissariat miteux de campagne, aux murs suintants d’humidité et meublé d’un mobilier pour le moins vétuste, ça ne dégage pas la même intensité. Prenant à contre-pied sa nature d’esthète, le réalisateur semble vouloir faire surgir l’exact opposé, un univers glauque et sordide. Malheureusement, ça ne prend pas ou seulement par séquences comme lorsque Depardieu est enfermé dans une salle de bain et tente de faire disparaître les preuves, une tache de sang qui macule le bas de son tee-shirt, en l’avalant.
Roman Polanski et Gérard Depardieu, deux bêtes de cinéma se livre un face à face assez dingue, gâchée quelque peu par la volubilité de l’inspecteur et les citations omniprésentes et pas toujours utiles. Les deux acteurs sont grandioses. Polanski en flic tenace, qui se cultive pour masquer sa déception d’une carrière ratée, Depardieu en Onoff, un écrivain tourmenté par ses démons intérieurs, et qui écrit afin d’extérioriser sa douleur et sa solitude, comme seule alternative à sa déchéance.
Franchement décevant malgré un jeu d’acteur ahurissant terni par des décors mornes, des répliques qui s’essoufflent et une fin en demi-teinte.
Giuseppe Tornatore finit par nous perdre dans les dédales de ses dialogues sans fin. Le film apparaît comme un huis-clos policier et bascule en joute verbale. De par sa nature, UNE PURE FORMALITÉ tend inexorablement vers une pièce de théâtre, jamais surjouée cependant.
Dans les dernières secondes du film intervient un sublime crescendo musical orchestré d’une main de maître par Ennio Moriconne (et sur le coup il se rattrape d’une prestation globale assez moyenne). Ce son tonitruant délivre enfin le verdict tant attendu du film, avant de laisser place à un long moment de silence, uniquement ponctué des gouttes d’eau s’écrasant dans les seaux, comme pour nous laisser le temps d’absorber l’énormité à laquelle on vient d’assister. Pour être honnête, à chaud, je n’ai pas compris la fin du film, l’image a beau être sous mes yeux, j’ai beau entendre le coup de feu, voir le corps s’effondrer, mon subconscient a catégoriquement refusé d’admettre ce qu’il voyait, se sentant floué par de nombreux détails qu’il a été incapable de percevoir auparavant. Cette fin, bien que n’étant absolument pas celle que j’avais escompté, est d’une logique implacable et donne un tour nouveau sur le comportement des personnages.
Un peu à la manière du personnage de Tyler Durden dans Fight Club, Onoff flotte dans un univers dans lequel il n’a plus sa place. Il se crée aussi de toutes pièce une personnalité fictive et se voile la face quand à ce qui est réellement arrivé.
Inspiré du célèbre film de Claude Miller, Garde à Vue, UNE PURE FORMALITÉ est franchement décevant malgré un jeu d’acteur ahurissant, terni par des décors mornes, des répliques qui s’essoufflent et une fin en demi-teinte. Ma note relativement basse est le fruit d’une frustration profonde de ne pas avoir réussi à appréhender la construction scénaristique du film. Peut-être qu’un deuxième visionnage permettra de réparer ce sentiment d’incompréhension.