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Après l’imparfait mais néanmoins fort sympathique La Momie, nous nous attardons aujourd’hui et pour la première fois sur un film réalisé par un auteur que nous avons déjà rencontré lors de cette rétrospective, James Whale. Le réalisateur du grandiose Frankenstein, que nous retrouverons également dans la prochaine critique consacrée à sa suite, La Fiancée de Frankenstein, nous offre une adaptation d’un roman de H.G Wells, L’Homme Invisible. Très bien reçu à l’époque, que ce soit par les critiques ou le box-office, le film est considéré comme une pièce charnière de la série UNIVERSAL MONSTERS (notre rétrospective: ICI) et un véritable monument dans le paysage cinématographique américain des années 40. Après avoir été très impressionné par la première œuvre de l’auteur, qui tirait le meilleur des avantages offerts par Universal tout en imposant sa patte d’auteur de génie, je partais donc très confiant pour L’Homme Invisible, mais je ne m’attendais pas pour autant à ce que James Whale réitère l’exploit qu’il avait effectué deux années auparavant. Une erreur de ma part, tant le metteur en scène maîtrise son sujet et s’impose comme un incontournable une fois de plus.
On pourra me reprocher de souvent m’attarder sur cet aspect durant cette rétrospective, mais la réalisation des films Universal Monsters parvient toujours à m’impressionner, et James Whale s’impose sans doute le meilleur exemple pour parler de cette perfection visuelle depuis la pépite qu’est Frankenstein. Le producteur Carl Laemmle Jr lui laissant une liberté qui ferait pâlir d’envie la plupart des réalisateurs de l’époque, l’artiste en profite et livre avec l’Homme Invisible une nouvelle œuvre très visuelle et audacieuse. La mise en scène, clairement plus sobre que dans Frankenstein, n’en est pas moins fort intelligente et James Whale s’adapte tout à fait au l’univers qu’il met en place. Ainsi il parvient par ses cadres et son découpage à faire naître une tension à partir de rien, que ce soit dans ses longs panoramiques dans le vide ou dans la scénographie des corps parfaitement étudiée pour faire naître une présence invisible. Ici, pas de direction artistique gothique ou de grands espaces lugubres, James Whale instaure une mise en scène que l’on pourrait presque qualifier d’anti-spectaculaire, mais elle est tellement bien pensée et mise en valeur par une photographie admirable que ce parti pris apparait finalement comme le meilleur choix possible. Le refus de la grandiloquence apparaît également dans l’écriture, une fois plus à l’opposé de Frankenstein où la créature n’apparaissait qu’au bout de la moitié du film. Ici, l’homme invisible est présent dès le sublime premier plan, et nous ne tarderons pas à le voir à l’œuvre. J’en profite pour faire un bref aparté sur les quelques imperfections techniques du film, mineures mais à signaler ; les effets spéciaux, filmés frontalement malgré leurs imprécisions bien sûr liés à l’époque, ont vieillis et même la mise en scène de James Whale ne parvient pas à faire oublier ces petits défauts malgré quelques plans impeccables. Il en est de même pour le mixage des voix qui, lors de certaines scènes d’invisibilité, sonne tout simplement faux. Cependant, dans la plupart des scènes le son est pensé de manière à ce que le spectateur soit perdu et ne sache pas où se trouve l’homme invisible, et en ce sens, il est difficile de blâmer le film pour ces quelques défauts techniques lié à son ambition et à l’énorme challenge qu’il représente.
Le metteur en scène parvient tout de même à offrir plusieurs scènes cultes, du même acabit que la séquence de la fillette de Frankenstein. Plus plaisant encore, on retrouve dans le récit ou dans la réalisation de nombreux liens avec sa précédente œuvre et qui contribuent à faire de James Whale un auteur aux obsessions s’adaptant parfaitement à la série UNIVERSAL MONSTERS, lui apportant même une profondeur et un côté presque sadique tout à fait bienvenue. Mais pourtant L’Homme Invisible m’a inquiété durant ses premières minutes. Si visuellement le film est réussi du début à la fin, le début peut laisser craindre un récit se focalisant sur les sentiments des personnages ou une quelconque histoire d’amour évitant de traiter tout l’aspect moral et philosophique qui fait l’intérêt du livre d’H.G Wells. Cela avait étonnamment bien fonctionné pour La Momie de Karl Freund, mais James Whale, lui, ne cherche pas du tout à inscrire son film dans le charme d’une époque révolue et cherche plutôt la modernité ; et difficile de faire plus moderne, dans le contexte historique que l’on connaît en 1933, que l’histoire d’un homme devenu fou et avide de pouvoir au point d’exterminer les populations. Ainsi, le metteur en scène a le bon goût de vite abandonner l’apparente simplicité mise en place au début de l’œuvre et assume rapidement l’énorme potentiel philosophique de son film. Les questions morales se multiplient, les dilemmes se mettent en place et James Whale n’hésite pas à mettre en scène la mort de centaines d’individus afin de souligner la folie d’un homme, incarné (ou désincarné peut-on dire) par un Claude Rains, véritable révélation à la voix glaciale qui brillera neufs années plus tard dans le grandiose Casablanca. C’est également ce qui fait de James Whale le meilleur artiste ayant pour l’instant œuvré aux côtés de Carl Laemmle Jr. Ses films dépassent largement le statut de divertissement pour aborder des thématiques profondes, de surcroits mises en scènes avec une aisance folle. Le metteur en scène impressionne donc une fois de plus, et l’Homme Invisible devient l’un des meilleurs films d’une série décidément admirable.
”le metteur en scène s’attaque aux thèmes du pouvoir et de l’avidité sans concession et multiplie les séquences éprouvantes moralement”
Après la mort et la religion, voir James Whale s’attaquer aux thèmes du pouvoir et de l’avidité avec le même intérêt est assez fascinant, surtout que le metteur en scène ne fait aucune concession et multiplie les séquences éprouvantes moralement. Dans ce genre de grosses productions, il est décidément rare de voir un artiste s’affirmer autant, et Carl Laemmle Jr a décidément du flair en accordant à James Whale autant de libertés. Le réalisateur peut ainsi exposer l’immensité de son talent, et il le fait une fois de plus d’une bien belle façon. De quoi augmenter encore l’attente autour de son prochain film, La Fiancée de Frankenstein, considéré comme encore supérieur au film dont il est la suite, comme l’un des plus grands films américains de l’époque, et qui sera critiqué dans quelques jours sur Le Blog du Cinéma !
Louis
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Le Festival Lumière, aura lieu du 8 au 16 octobre 2016, dan stous les cinémas du grand Lyon.
– la programmation
– notre couverture
– notre rétrospective UNIVERSAL MONSTERS
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• Titre original : The Invisible Man• Réalisation : James Whale
• Scénario : R. C. Sherriff et Preston Sturges
• Acteurs principaux : Claude Rains, Gloria Stuart, William Harrigan
• Pays d’origine : Etats-Unis
• Sortie : 1933
• Durée : 1h11
• Distributeur : Universal Pictures
• Synopsis : Jack Griffin, un scientifique obnubilé par son travail, a réussi la prouesse de devenir invisible grâce à une formule qu’il a inventée. Le problème, c’est qu’il n’arrive pas à inverser les effets. À la recherche obsessionnelle d’un antidote qui lui redonnera son apparence normale, Griffin se réfugie alors dans l’auberge d’un petit village isolé pour y travailler. Mais le comportement de cet homme invisible change, il devient fou, agressif, et épris d’une terrifiante envie de pouvoir…
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CLIQUEZ SUR LES AFFICHES POUR AFFICHER LES CRITIQUES
1923 – Notre dame de Paris (★★★★☆)
« une excellente manière pour Universal de s’imposer comme un studio majeur »
1925 – Le fantôme de l’opéra (★★★★☆)
« une pépite visuelle et augure encore de belles choses pour la suite de la série »
1928 – L’homme qui rit (★★★☆☆)
« pas un mauvais film, mais il aurait pu être bien plus »
1931 – Dracula (★★★★★)
« Tod Browning réalise une œuvre majeure, que ce soit sur le plan cinématographique pur ou sur la représentation de Dracula sur grand écran »
1931 – Frankenstein (★★★★★)
« un classique instantané réalisé à la perfection »
1932 – La momie (★★★★☆)
« un premier film imparfait, maladroit, mais qui se laisse visionner avec plaisir et se paye même le luxe d’émouvoir son spectateur »
1933 – L’homme invisible (★★★★☆)
« le metteur en scène s’attaque aux thèmes du pouvoir et de l’avidité sans concession et multiplie les séquences éprouvantes moralement »
1935 – La fiancée de Frankenstein (★★★★★)
« L’œuvre de James Whale s’impose comme le joyau ultime d’une série absolument fascinante »
1941 – Le Loup-garou (★★★☆☆)
« LE LOUP-GAROU reste un film à voir, s’inscrivant visuellement et thématiquement dans la continuité des Universal Monsters, et qui saura vous captiver le temps d’une heure »
1954 – L’étrange créature du lac noir (★★★★★)
« Jack Arnolds réalise un film d’une grande intelligence et d’une audace faisant tout à fait honneur aux premiers chefs d’œuvres de la série, tout en créant son propre mythe »
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