En 1984, des milliers d’Africains de 26 pays frappés par la famine se retrouvent dans des camps au Soudan. A l’initiative d’Israël et des Etats-Unis, une vaste action est menée pour emmener des milliers de Juifs éthiopiens vers Israël.
Une mère chrétienne pousse son fils de neuf ans à se déclarer juif pour le sauver de la famine et de la mort. L’enfant arrive en Terre Sainte. Déclaré orphelin, il est adopté par une famille française sépharade vivant à Tel-Aviv. Il grandit avec la peur que l’on découvre son double-secret et mensonge : ni juif, ni orphelin, seulement noir. Il découvrira l’amour, la culture occidentale, la judaïté mais également le racisme et la guerre dans les territoires occupés.Note de l’Auteur
[rating:9/10]
• Date de sortie : 30 mars 2005
• Réalisé par Radu Mihaileanu
• Film français
• Avec Yaël Abecassis, Roschdy Zem, Moshe Agazai
• Durée : 2h20min
• Bande-annonce :
Film ayant pour trame une histoire complexe, celle de l’exode de juifs éthiopiens sur fond de conflit israélo-palestinien, Va, Vis Et Deviens n’en est pas moins facile d’accès par le biais d’un talentueux réalisateur, Radu Mihaileanu (Le Concert). D’ailleurs, deux années après la sortie du film, un documentaire de ce même réalisateur pouvait être vu : Opération Moïse, du nom même de l’opération définie par ce transfert clandestin.
Petit cours d’histoire avant toute chose. Cette opération consista, durant la terrible famine de l’année 1984, à transférer des juifs d’Éthiopie (les falashas) du Soudan vers l’état d’Israël. A la tête de cet exode, le Tsahal (l’armée israélienne), la C.I.A., l’ambassade des États-Unis à Khartoum (capitale du Soudan) ainsi que des mercenaires et des forces militaires du Soudan. On estimera à plus de 4.000 le nombre de morts qu’engendra cette opération.
Le film est, comme son titre l’indique, en 3 parties : « Va », le moment où la mère, chrétienne, ordonne à son fils de rejoindre les soldats de l’armée afin de le sauver de cette terrible situation et de devenir juif malgré lui. « Vis », sa période de garçon puis d’adolescent, au sein d’une famille juive et son apprentissage. « Deviens », où comment après avoir passé toute sa vie à mentir sur son état et sur ses croyances, il deviendra un jeune homme tout ce qu’il y a d’honorable et de bonne famille.
La transition entre chacune de ses étapes se fait sans à-coup. Les scènes se suivent paisiblement, non sans une certaine émotion, qui se fait sentir tout au long du film. Un tiraillement, mêlées de colère et de tristesse pour ce jeune Shlomo, à qui on donnerait cette lune afin qu’il puisse retrouver cette mère qu’il n’a que trop attendu. Les 3 acteurs interprétant ces 3 phases de la vie de Shlomo sont criants de vérité. La mère également, malgré qu’on la voit que très peu dans le film, arrive à nous tirer une émotion qui arrive que trop rarement au cinéma. Le regard, l’expression y font sans doute beaucoup.
Impossible donc que tous les prix remportés par ce long-métrage soient acquis par erreur ou par chance, il y a bel et bien un fond, quelque chose qui nous pousse à l’aimer et à l’apprécier pour ce qu’il est, un quasi chef-d’œuvre.
L’éducation de Shlomo est éprouvante. Il doit faire face à de vives tensions inter-religieuses et inter-raciales malgré tout l’acharnement qu’il met dans son apprentissage de cette nouvelle vie qu’on lui a offert. Des tensions au sein de sa propre famille adoptive, qui disparaîtront assez rapidement, puis des tensions à son école et avec ses camarades, qui nous font prendre conscience de toute la bêtise que crée ce conflit qui n’a que trop duré.
Les interprétations de Roschdy Zem, le père adoptif et surtout celle de Yaël Abecassis, cette « mère de secours », cette mère qui ferait tout, absolument tout pour son fils – la scène où elle embrasse et lèche le visage de Shlomo démontre totalement ces dires – sont plus que frappantes.
Shlomo s’en sort avec les honneurs, gravit les marches de cette échelle sociale qui ne lui a donné aucun coup de pouce pour mettre un pas devant l’autre. Il se rebelle parfois, ne comprend pas tout dès les premiers instants, mais reste focalisé sur son objectif : retrouver sa mère. Cette mère qui lui a donné l’opportunité de vivre cette vie qui n’est pas si mauvaise au fond. Bien moins mauvaise que ce qu’elle doit vivre là-bas, quelque part dans un camp de réfugiés, au Soudan.
Il apprendra la vie, l’amour et ses déboires, mais aussi la famille. Bien qu’il s’agisse d’une famille d’adoption, elle est là, présente à chaque instant de sa vie. Preuve en sont les scènes de la conversion avec son père ou celle de la main tendue de sa sœur.
Il ne faut point parler ici de technique. Ce film n’est pas un film à effets spéciaux ni un film d’action ou de thriller. On oublie aisément qu’il peut y avoir des soucis de montage ou de cadrage par moments, l’essentiel est bel et bien ce torrent d’émotions qui nous submergent par vagues tout au long du film. Un film « vrai » pour une histoire tout aussi authentique et prenante. Impossible donc que tous les prix remportés par ce long-métrage – entre autres, Grand Prix du Meilleur Scénariste, César du Meilleur Scénario Original, Cygne d’Or du Meilleur Film à Copenhague – soient acquis par erreur ou par chance, il y a bel et bien un fond, quelque chose qui nous pousse à l’aimer et à l’apprécier pour ce qu’il est, un quasi chef-d’œuvre.