VICTORIA

[critique] VICTORIA

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Mise en scène
9
Scénario
6
Casting
9
Photographie
10
Musique
8
Note des lecteurs7 Notes
7.9
8.4
Note du rédacteur

[dropcap size=small]A[/dropcap]vant même sa sortie en France, VICTORIA a beaucoup fait parler de lui. Récompensé d’abord lors de la 65e édition du Festival international du film de Berlin (Prix du public), le film a raflé, le 19 juin 2015, la majorité des Lolas lors de la German Film Academy – l’équivalent allemand des Césars ou des Oscars. Six récompenses dont celles de « meilleur film », « meilleur réalisateur » pour Sebastian Schipper, « meilleur actrice » pour Laia Costa et « meilleur acteur » pour Frederick Lau.

Cependant si VICTORIA attise autant la curiosité, c’est par le choix de Schipper de tourner son film en une seule prise. En effet VICTORIA se déroule en temps réel, sans coupure, créant ainsi un vrai plan-séquence de plus de deux heures. Une technique déjà vue chez Alfred Hitchcock dans La Corde, en 1948, constitué par plusieurs plans-séquences d’une dizaine de minutes chacun. Il y a bien entendu la scène d’ouverture d’un seul tenant de plusieurs minutes de La Soif du mal (1958) d’Orson Welles. Profession reporter (1974) d’Antonioni se terminait par un lent plan-séquence de 7 minutes quand Les Affranchis (1990), de Martin Scorcese en accumule plusieurs assez frénétiques, dont celui de l’entrée par les cuisines jusqu’à la salle du club Copacabana. Brian De Palma ouvrit ainsi avec brio son thriller Snake Eyes (1998) et l’absence de coupure dans la première scène de Gravity (2013) s’avérait parfaitement adaptée à l’univers spatial du film d’Alfonso Cuarón. Ce dernier avait déjà impressionné par de longues scènes sans coupure dans Les Fils de l’homme en 2006. Enfin Alejandro González Iñárritu proposait, en 2014, comme VICTORIA, un unique plan-séquence pour composer l’ensemble de son film Birdman.

Cependant dans ces trois derniers exemples, il s’agit en réalité de faux plan-séquences. Des coupes imperceptibles à l’œil nu sont présentes chez De Palma, tandis que les deux autres réalisateurs ont été aidé par les effets numériques – parfaitement assumés et évidents pour Birdman. Ce qui n’enlève en rien la qualité de ces plans-séquences.

Pour sa part, VICTORIA ne nous trompe pas. Le réalisateur et son équipe ont véritablement tourné l’ensemble du film en une unique prise de plus de deux heures, aux alentours de 4 heures et demi et 7 heures du matin, dans un quartier de Berlin. Si le résultat est si impressionnant et convaincant, c’est finalement parce que Schipper, à l’inverse des noms cités précédemment, ne cherche pas des effets de mise en scène virtuoses pour accompagner son « unique plan ». Au contraire le réalisateur se montre d’une grande simplicité, autant dans la réalisation que dans le scénario, pour suivre cinq protagonistes durant une soirée riche en rebondissements.

5h42. Berlin. Sortie de boîte de nuit, Victoria, espagnole fraîchement débarquée, rencontre Sonne et son groupe de potes. Emportée par la fête et l’alcool, elle décide de les suivre dans leur virée nocturne. Elle réalise soudain que la soirée est en train de sérieusement déraper…

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Le film commence et nous voilà donc projeté dans l’immédiateté de l’intrigue. Cela part de Victoria, dansant dans une boite de nuit sur de la techno. Au fur et à mesure la jeune fille se détache du décor, se dirigeant vers le bar, toujours parfaitement suivie par la caméra. Victoria fatigue et s’apprête à rentrer lorsqu’elle sympathise avec quatre garçons, dont Sonne (le soleil en allemand), désireux de continuer à faire la fête. Trop tard ou trop tôt, on ne sait pas vraiment tant l’ambiance étrangement onirique nous influence. En tout cas ce qui devrait être la fin de cette soirée n’est que le début du film.

Le réalisateur suit alors cette petite troupe caméra à l’épaule – impressionnant opérateur Steadicam au vu des trajets effectués. Le contrôle de la caméra reste parfait et le réalisateur pense bien à ne pas négliger l’esthétique de son film – Lola de la « meilleure photographie ». Quelques plans sublimes se détachent du reste du film, comme sur le toit d’un immeuble où se poseront Victoria et les garçons. Un bijou de simplicité et de cadre parfait pour cette séquence, illuminée par les premiers rayons de soleil et les quelques réverbères du quartier. On ne peut pourtant qu’imaginer les conditions difficiles pour mettre en place un tel projet. Ne pouvant inclure de rails pour poser la caméra, ou de projecteurs pour illuminer les lieux. Car la caméra de Schipper ne cesse de tourner gracieusement autour des protagonistes et de les suivre légèrement en retrait, faisant ainsi du spectateur le sixième personnage du film.

« VICTORIA parait simple et naturel, c’est ce qui le rend fascinant et merveilleux. »

Avec un tel procédé le risque est d’étouffer le spectateur et de le fatiguer. Deux heures sans coupures rappelons-le ! Il n’en sera rien et c’est peut-être cela la plus grande réussite du réalisateur. Ce dernier sait quand ralentir son rythme, quand s’éloigner de ses personnages pour les laisser vivre et nous permettre de reprendre notre souffle avant de repartir de plus belle. Outre sa maîtrise des mouvements de la caméra, c’est son utilisation de la musique – également récompensée d’un Lola – qui devient essentielle et intelligente. Le réalisateur alterne entre son intra diégétique (entendu par les personnages du films) et musiques additionnelles (que seul le spectateur entendra donc). Ces musiques accompagnent des moments décisifs et viennent se superposer à ce que doivent vivre les protagonistes. Comme dans la boite de nuit où tout le monde crie et s’amuse. Pourtant seule la musique se fait entendre pour le spectateur.

Dans ce chaos où les acteurs se déchaînent, le réalisateur nous offre un moment étrangement calme, une sérénité et un sentiment de liberté. A d’autres moments la bande sonore devient outil de mise en tension en se juxtaposant aux paroles des personnages. Cette fois dans une voiture, alors que Victoria a accepté de conduire les garçons à un rendez-vous qui semble pour le moins dangereux. Nous n’en dirons pas trop sur l’intrigue pour ne rien dévoiler, mais nous voilà plongé dans un moment de peur et d’inquiétude pour la suite des événements. Des notes de piano accompagnées d’une rythmique efficace pour faire monter la pression crescendo tandis que les garçons révèlent leurs faiblesses et leur peur. Une séquence tout en simplicité, où la caméra se contente d’accompagner les protagonistes dans la voiture, mais qui parvient à dégager une puissance incroyable, évoquant alors même le grand Michael Mann et les quelques minutes qui précèdent le braquage décisif dans Heat (1995).

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VICTORIA est donc en tout point impressionnant. Seul défaut que l’on pourrait y trouver, son scénario léger. D’ailleurs on peut supposer qu’un montage traditionnel n’aurait pas donner autant d’impact et d’intensité au film. Car c’est bien l’ensemble de la composition proposée par Sebastian Schipper, son ambiance, son image et sa mise en scène magistrale, qui parvient à nous nous faire passer outre et nous transporter. En cela VICTORIA est un grand film. Une œuvre originale capable de dépeindre correctement une jeunesse européenne (allemande et espagnole). Le film joue d’ailleurs sur nos a priori devant ces quatre garçons alcoolisés et un brin violents.

Passée l’angoisse de voir Victoria seule avec ces inconnus, le réalisateur nous mène à éprouver de la sympathie et de l’empathie pour chacun d’entre eux. Sebastian Schipper réussi à prendre son temps pour mettre en place ses personnages, via des discussions successives entre chacun, tout en nous maintenant captivé et intrigué, faisant même oublier l’absence de coupures dans son film. Au fur et à mesure l’inquiétude nous gagne quant au sort des protagonistes, et principalement celui de l’excellent duo que forment Laia Costa, envoûtante Victoria, et Frederick Lau, attachant Sonne. Profitant de l’énergie respective des acteurs, VICTORIA paraît simple et naturel, c’est ce qui le rend fascinant et merveilleux.

author-twitter@PSiclier

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Titre original : Victoria
Réalisation : Sebastian Schipper
Scénario : Sebastian Schipper, Olivia Neergaard-Holm, Eike Frederik Schulz
Acteurs principaux : Laia Costa, Frederick Lau, Franz Rogowski
Pays d’origine : Allemagne
Sortie : 1er juillet 2015
Durée : 2h14
Distributeur : Jour2fête / Version Originale / Condor
Synopsis : 5h42. Berlin. Sortie de boîte de nuit, Victoria, espagnole fraîchement débarquée, rencontre Sonne et son groupe de potes. Emportée par la fête et l’alcool, elle décide de les suivre dans leur virée nocturne. Elle réalise soudain que la soirée est en train de sérieusement déraper…

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