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bush bush - WAKE IN FRIGHT, oubliez Rambo - Critique
© La Rabbia / Le Pacte

WAKE IN FRIGHT, oubliez Rambo – Critique

Le canadien Ted Kotcheff restera pour une majorité de personnes comme le réalisateur de Rambo, premier du nom. On a trop souvent oublié qu’une dizaine d’années auparavant, il pondait un film bien plus intéressant, destiné à devenir culte : Wake in Fright.

Sa ressortie en salles le 3 décembre est une occasion parfaite de parler de ce film injustement méconnu. Surtout que cette nouvelle sortie aurait pu ne jamais avoir lieu. Durant des dizaines d’années, personne ne savait où était passé le négatif du film. Au début des années 2000, au fin fond d’un entrepôt de Pittsburgh, le producteur australien Anthony Buckley retrouve les bobines dans une caisse portant l’indication « For Destruction ». Cette péripétie participe évidement à enrichir le statut de film culte.

Le film s’ouvre sur un plan d’ensemble du désert. Au milieu de cette étendue jaune, une petite maison et une voie de chemin de fer. Un panoramique à 360° s’enclenche afin de découvrir ce qu’il y a autour. Et autour, il n’y a rien, hormis une seconde maison. L’étendue désertique est écrasante, aucune échappatoire n’est offerte. Pourquoi deux maisons perdues au beau milieu de rien avec un arrêt de chemin de fer ? Il faut reconnaître que la situation est quelque peu absurde. Le premier plan est important au cinéma, on remarque qu’il est souvent révélateur de ce que sera le métrage par la suite. On le vérifie encore dans le cas de Wake in Fright. D’abord cette caméra tournante qui effectue un tour complet, elle annonce le voyage de John Grant partant de Tiboonda (le lieu que l’on découvre dans ce plan) pour… Revenir à Tiboonda. Jusque là, rien de bien étonnant. On remarquera que le début du plan n’est pas exactement le même que la fin du plan puisqu’une maison en plus est introduite. Ce n’est donc pas exactement un tour à 360° et il y a eu du changement. On revient au même endroit sans vraiment que ce soit le même, la maison est toujours là et un élément a été ajouté. Un élément qui, finalement, a toujours été là mais était caché. C’est la petite subtilité entre le début et la fin du plan inaugural qui fait la différence et, à mon avis, est annonciatrice du chemin parcouru par notre héros. Durant son trip hallucinant à Bundayabba, John Grant va découvrir ce qu’il se cache au tréfonds de l’homme, ses pires côtés enfouis qui menacent de ressurgir.

Photo du film WAKE IN FRIGHT
© La Rabbia / Le Pacte

L’histoire est celle de John Grant (l’excellent Gary Bond), un enseignant envoyé au fin fond de l’outback australien pour travailler. Les vacances scolaires arrivent et il a prévu de se rendre à Sidney. Avant de prendre son avion, il s’arrête pour une nuit à Bundayabba, une petite ville où les gens sont étrangement un peu trop accueillants. Il ne se passe pas une seule scène sans que le spectateur soit interpellé par un élément louche. Une escalade dans la folie s’enclenche petit à petit pour atteindre des cimes folles lors d’une chasse aux kangourous cauchemardesque. On prend le pari immédiatement que cette scène en marquera plus d’un. Tel un cauchemar kafkaïen, il est impossible pour John de fuir cette ville. A chaque tentative, il va replonger dedans, si bien que le film forme un ensemble de petites boucles qui s’enchaînent où la seule variante demeure le degré de folie. Ted Kotcheff prend le temps de poser ses scènes, il les fait durer, parfois à outrance alors que narrativement elles n’en demandent pas autant. Comme John, le spectateur se retrouve prisonnier des événements. Difficile cependant de dire que Wake in Fright doive son culte à la mise en scène déployée. On saluera forcément l’utilisation efficace du gros plan sur le visage des personnages ou les grandes envolées frénétiques du montage. Pour autant, la caméra s’avère plutôt discrète et ne propose pas des idées dingues de réalisation. Une timidité qui n’handicape pas le film parce qu’une de ses grandes forces est de dépeindre un univers malsain. La crasse et la transpiration sont perceptibles comment si elles étaient sous notre nez, on craindrait presque que la chaleur transperce l’écran et vienne nous oppresser. Ce ne sont par moment que des détails accordés aux décors, aux costumes ou au jeu d’acteur qui font la différence et participent à créer ce climat global. On peut avancer, sans trop se tromper, que Wake in Fright est un grand film d’ambiance. En ce sens, il rappelle Massacre à la Tronçonneuse, autre grand trip cauchemardesque des 70’s.

Dans la lignée d’œuvres comme Apocalypse Now ou Massacre à la Tronçonneuse. Cette ressortie nous rappelle combien le cinéma des années 70 est précieux.

Les deux films, séparés par 4 ans, se trouvent de nombreuses connexions formelles et thématiques. L’écho le plus immédiat réside dans la lumière. L’étouffante lumière texane répond à celle de l’outback australien. « Il y a aussi de l’ironie dans Massacre à la Tronçonneuse : les personnages sont dans une naïveté totale, ils sont honnêtes vis-à-vis d’eux-mêmes mais tout ce qu’ils font contraste avec ce qui leur arrive » déclarait Tobe Hooper aux Cahiers du cinéma (numéro 705). Cette phrase pourrait s’appliquer à Wake in Fright et au personnage de John. Il est habité par cette envie de rester droit dans ses bottes pourtant il ne cesse de céder à la tentation. Il joue à un jeu d’argent tout ce qu’il a ou se propose de tuer un kangourou au corps à corps. Il cède à ses pulsions tout en étant toujours rappellé à l’ordre par sa raison. Une raison régit par une toute autre logique au sein de la communauté de Bundayabba. On remarquera l’utilisation de la figure policière dans les deux films. Chez Ted Kotcheff, l’agent croisé en début du film par John lui offre des bières et n’apparait à aucun moment comme une autorité crédible. Pire chez Hooper, le shériff est carrément le méchant de l’histoire ! Wake in Fright et Massacre à la Tronçonneuse se rejoignent sur la société qu’ils dépeignent. Une société où la violence guette et menace de surgir à tous les instants. Chez Kotcheff ça se matérialise avec la chasse aux kangourous, instant inattendu qui débute au détour d’une scène calme entre John et le Doc (hallucinant Donald Pleasence). Tout s’emballe et c’est un déchainement de violence auquel nous assistons. Chez Hooper, on pense forcément à la première apparition de Leatherface, instant inattendu, aussi brutal que bref. On connaît la suite… Les deux films sont également habités par une force comique non négligeable. Un comique burlesque, faisant sourire au premier abord afin de mieux distiller le malaise. Il semble improbable de voir de nos jours des projets aussi francs et libres, débarrassés d’une construction narrative élaborée pour nous plonger dans un pur voyage. Wake in Fright s’inscrit dans la lignée d’Apocalypse Now ou de Massacre à la Tronçonneuse et cette ressortie nous rappelle combien le cinéma des années 70 est précieux.

Maxime

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Note finale

  1. Cher Maxime,
    merci pour cette critique, je cherchais des infos sur le film génial « Wake in fright » de Ted Kotcheff.
    Bonne journée
    Imbros