LA FEMME AU TABLEAU
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LA FEMME AU TABLEAU, Hollywood réécrit l’Histoire – Critique

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REALISATION
4.5
SCENARIO
4.5
CASTING
6.5
PHOTOGRAPHIE
5.5
EMOTION
5
Note des lecteurs5 Notes
4
5.2

Inspiré d’une histoire vraie, LA FEMME AU TABLEAU est l’une de ces chasses au trésor dont on ne se lasse pas.

A Los Angeles, dans un 1998 plus authentique que nature, Randol Schoenberg (Ryan Reynolds) est un jeune avocat prometteur bien que peu sûr de lui. Sa route croise celle de Maria Altmann (Helen Mirren), réfugiée juive autrichienne de l’après-Anschluss, qui à la suite du décès de sa sœur retrouve dans ses papiers des courriers pouvant laisser penser que leur tante, feue Adele Bloch-Bauer (Antje Traue), leur aurait légué certaines œuvres d’Art. Pas n’importe lesquelles. Si Adele a allumé une lampe au fin fond de votre crâne, point d’inquiétude. Elle est en effet le sujet raffiné de l’une des plus célèbres toiles du peintre Gustav Klimt, héroïne dorée et symbole de son pays.

Un symbole pourtant dérobé à la famille Altmann par les autorités nazies, heureuses de mettre la main sur un tel butin. Alors que le XXe siècle s’achève, une Maria octogénaire part donc à la reconquête de son passé enfoui et des objets qu’il contenait. Un bras de fer avec la Galerie Belvedere de Vienne plus tard, la peinture lui revient à nouveau de droit et celle-ci est vendue pour 135 millions de dollars à la Neue Galerie de New York, où elle est toujours exposée aujourd’hui (j’ai moi-même eu la chance de l’admirer lors d’un récent séjour à Big Apple).

Le cas Republic of Austria v. Altmann, examiné en 2004 par la Cour Suprême des Etats-Unis, était du tout cuit pour Hollywood, qui s’est emparé de l’affaire sans trop tergiverser. Pourtant, à nouveau, Hollywood réécrit l’Histoire, en y ajoutant son bagage d’émotion bien sentie et de retournements de situation. On assiste ainsi à la transformation de la chenille Schoenberg en papillon, du petit juriste timide en Atticus Finch, le ténor du barreau campé par Gregory Peck dans le classique de 1962, Du silence et des ombres (à chaudement recommander !). Ici, pas d’Afro-Américain injustement accusé de viol, mais ces requins d’historiens de l’Art qui prétendent agir au mieux en défendant bec et ongles les intérêts du musée.

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Helen Mirren y reprend un rôle de vieille dame au grand cœur, qui n’est pas sans rappeler son excellente Elizabeth II, l’actrice ayant déjà incarné la souveraine britannique dans le tumultueux biopic de Stephen Frears, The Queen (autre recommandation en passant !). Bien évidemment, elle possède la méthode. Son jeu est calibré pour le scénario archi couru de cette bataille judiciaire, ce type de ‘courtroom drama’ en version originale comme le cinéma américain sait seul vraiment en faire. Pourtant, la rocambolesque épopée procédurale de ce duo à la Harold et Maude respire trop le parfum balisé des productions à gros budget (The Weinstein Company est derrière ce coup-là aussi). Maria Altmann est obligatoirement attachante. Le système l’opprime et ne s’excusera jamais d’avoir envoyé ses parents à la mort, au camp polonais de Bełżec.

À nouveau, Hollywood réécrit l’Histoire…

L’approche proposée de la question des œuvres artistiques et de la possession de ces biens est nettement plus intéressante. Par-delà Austria v. Altmann, la Cour emmenée alors par le plutôt conservateur juge Rehnquist a établi un précédent en permettant à un individuel spolié de se voir donner raison face à un Etat. L’Art doit-il se vivre en tant qu’expérience égoïste pour autant, voilà l’écueil. Certes, Frau Altmann aura récupéré, et justement, sa propriété. Mais par-là même, elle aurait tout à fait pu en priver les milliers de simples anonymes venus contempler la beauté du génie de Klimt, à l’instar de tellement d’autres chefs-d’œuvre aujourd’hui présents dans les musées et dont on n’imaginerait pas priver le public. Si le portrait d’Adele est à sa place à la Neue Galerie, plusieurs peintures acquises par Maria Altmann dans le même lot ont en revanche échoué dans des ventes aux enchères, désormais invisibles car achetées par des particuliers pour leur enchantement personnel. LA FEMME AU TABLEAU est l’occasion de réaffirmer cette nécessité. Oui, justice doit être faite face aux tragédies du passé. Mais cependant, l’Art, par son inutilité et, paradoxe, sa grande nécessité dans l’exploration de l’âme humaine et de tous les absolus, doit être accessible au plus grand nombre. Ce qui explique certainement l’attitude de l’acquéreur d’un second portrait d’Adele par Klimt, qui en 2014 a consenti à un prêt de longue durée au Metropolitan Museum.

Helen Mirren stars in WOMAN IN GOLD
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Pour finir, dans son essai Du Spirituel dans l’art (une dernière recommandation sur le chemin, l’un des meilleurs ouvrages théoriques sur l’art, à mon modeste avis !), paru en 1912, Vassily Kandinsky écrivait : « la vie spirituelle, à laquelle l’art appartient également […], est un mouvement compliqué, mais certain et facilement simplifiable. […] C’est le mouvement même de la connaissance, qui, quelque forme qu’il prenne, garde le même sens profond et le même but. » Plus besoin d’arguments après une telle envolée. Pour qu’un soir, à Manhattan, chacun puisse se plonger dans les doux yeux d’Adele. A l’infini.

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Rédacteur depuis le 09.03.2015

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SCENARIO
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PHOTOGRAPHIE
EMOTION
Note finale