« Encore un film de super-héros ». C’est la réflexion qu’on pouvait se faire en apprenant l’existence du projet, tant le genre a inondé les écrans depuis le succès des X-men il y a déjà 10 ans. Beaucoup furent surpris aussi en apprenant qu’après quelques faux-départs, le projet était tombé entre les mains de Michel Gondry.
Mais d’une part, Kick-ass a récemment prouvé qu’on pouvait renouveler le genre et être fun même avec des tenues ridicules et d’autre part, si effectivement, sur le papier, cette histoire n’avait rien à voir avec les préoccupations du bricoleur romantique de La Science des rêves ou Eternal Sunshine Of The Spotless Mind ou du documentariste intimiste de L’épine dans le cœur, elle offrait un gros joujou au clipeur-expérimentateur génial qu’il est aussi.
C’est un peu là qu’on l’aurait attendu en passant du clip au cinéma, d’ailleurs: un gros film de commande qui lui permettrait d’étaler son savoir-faire et de remplir les poches d’un studio afin de pouvoir tourner les histoires qui lui sont chères dans la foulée. Rôle plus ou moins tenu par Human nature, son film le plus impersonnel, cela dit.
Ce genre de film étant d’autant plus réussi que son « villain » l’est, il met toutes les chances de son côte en enrôlant Christoph Waltz, le nazi d’Inglourious basterds, dans un registre pas si éloigné (méchant mais drôle, voyez?). Sa scène d’introduction avec James Franco, le nouveau golden boy d’Hollywood, est irrésistible. Son ridicule assumé (voir sa transformation en Bloodnofsky!) désamorce les reproches qu’on peut faire bien trop souvent à ces productions (souvenez-vous du Bouffon vert).
Le duo de justiciers (plus que de super-héros) fait basculer définitivement le film dans la comédie régressive, leur relation les rapprochant plus d’Eric et Ramzy que de Batman & Robin. Si vous aimez les répliques du genre « -Do you know Shanghai? -Yeah. I love Japan », vous allez vous régaler.
La 3D, plutôt réussie (pas aussi immersive que celle d’Avatar mais nettement moins gadget que dans Alice Au Pays Des Merveilles), apporte la profondeur qui manque au scénario. Celui-ci enfile en effet avec un rythme trop industriel pour être honnête et sans but plausible les cascades improbables et les scènes de baston, ces dernières bénéficiant néanmoins de la patte de Gondry, qui semble abuser de « l’effet Matrix » mais ne fait que reprendre son dû (il avait mis au point le procédé du bullet-time dès 95, pour une pub pour une marque de vodka et un clip des Stones).
Le tout fonctionne comme une association hétérogène d’intérêts divergents essayant chacun de tirer la couverture à eux : Seth Rogen prouve ses talents de dialoguiste et se taille un rôle le mettant en valeur, Jay Chou s’offre une visibilité en Occident, Cameron Diaz essaie de nous faire croire qu’elle a toujours 20 ans, Gondry étale son esbroufe visuelle et le studio tient son entertainment movie et pourquoi pas une nouvelle franchise.
Si on laisse son cerveau à l’entrée, la mission divertissement est cependant relevée haut la main, les zygomatiques étant souvent de service et la rétine flattée.
Romain