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FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN, Plan de Coupe – Critique

S’évader par le cinéma, l’explorer par le montage, s’émouvoir d’un raccord et errer entre les coupes : FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN nous propose une immersion en terrain connu ; celui d’un écran, de ses images projetées aux émotions qu’il véhicule. Un film qui nous a évidemment donné des envies d’élégie au cinéma. Confinement oblige, cette œuvre atypique est disponible gratuitement en ligne.

Qu’il est beau de rassembler, de temps à autre, quelques bribes de souvenirs. Nous fermons les yeux, nous rêvons un peu et c’est un autre monde qui s’offre à nous : les images s’entrechoquent alors, se répondent et s’accolent pour accoucher d’une sorte de mashup intérieur où la dynamique ne dépend que de notre faculté à sauter d’images en images. C’est beau, foisonnant, exubérant, exténuant, fascinant jusqu’à ce réveil qui nous laisse seul avec nos émotions. Face à ces images que nous produisons, nous sommes en quelque sorte les spectateurs actifs de notre propre film. Car qu’est-ce que le cinéma si ce n’est un saut du possible vers l’impossible ? FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN semble parfaitement incarner cette réflexion en proposant une œuvre de montage où l’impossible de la forme côtoie l’universalité de la narration. Dans ce bout à bout de fragments cinéphiles, on coupe pour mieux rassembler, on isole pour mieux réunir et on morcelle pour composer l’ode à un si joli mot : cinéma.

FinalCut1 - FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN, Plan de Coupe - Critique3 ans dans une salle de montage et voilà, le résultat est pour le moins colossal. Vous en aviez sans doute déjà entendu parler dans le Unknown Movies du youtubeur InThePanda ; à moins que le bouche à oreille autour de ce singulier projet n’ait déjà eu raison de votre curiosité. Sélectionné en clôture du Cannes Classics en 2012, le film tourna dans divers festivals avant de finir quelques années plus tard en accès libre sur le net. Car comme pour La Classe Américaine, FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN est une œuvre-pirate ; posant évidemment des problèmes de droits d’auteurs quant à la diffusion légale d’un tel projet. Et oui, ce flim n’est toujours pas un film sur le cyclisme ; et ce, pour le plus grand plaisir de tous les cinéphiles.

Dans ce bout à bout de fragments cinéphiles, on coupe pour composer l’ode à un si joli mot : cinéma.

FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN est pourtant le produit d’une impasse : celle engendrée par l’incapacité de György Pálfi à obtenir des financements pour réaliser un long-métrage. Il lui a donc fallu trouver une voie, une solution, pour faire un film sans pouvoir le tourner. Et c’est en trouvant des similarités dans presque 500 films, en effectuant des connexions, des rapprochements, des liaisons entre ces films que Pálfi est parvenu à en créer un autre, aussi singulier que complètement indépendant. Son œuvre témoigne avant tout d’une extraordinaire envie de faire du cinéma ; refusant l’impossibilité au profit d’une débrouillardise artistique. On pourrait y voir de la vanité ; surtout lorsque l’on nomme son film « Final Cut » et qu’on endosse littéralement le droit de manipuler les rushs dont on dispose. Au contraire, nous préférons y voir la démarche d’un réalisateur qui accepte de s’effacer derrière le travail de ses pairs cinéastes : en ne produisant aucune image personnelle, György Pálfi met en valeur les images des autres ; des images qui deviennent universelles à partir du moment où elles sont partagées aux yeux du monde. FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN atteste alors d’une dévotion complète pour cet art qui vampirise par l’image.

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Ouverture de FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN, un enchaînement de plans aussi divers que variés.

L’ouverture joue la carte du name-dropping ; faisant tomber littéralement les noms pour former le programme et le titre de cette œuvre construite sur ces mêmes noms légendaires. Car FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN construit sur de l’existant quelque chose de nouveau ; il recycle le cinéma pour mieux le faire vivre. Il conte l’histoire d’un éveil. Il est donc tout à fait logique d’ouvrir le film sur un épisode de transfiguration, un éveil dans un autre corps (Avatar) ; une manière de nous dire implicitement que le film auquel nous allons assister n’est rien d’autre que l’histoire d’une métamorphose constante. Tout l’objectif reste alors de compartimenter les actions dans des situations-types où le monteur s’amuse des raccords, des échelles de plans et des situations en elles-mêmes. De ce montage par analogies en résulte une suite d’actions simples, quotidiennes, routinières, « clichées » pour ainsi dire. Une manière d’entrer en douceur dans ce concept déroutant où il semble nécessaire d’habituer notre suspension d’incrédulité à ce principe narratif singulier. Une œuvre définitivement axée sur le regard, sur l’attention que nous portons aux détails, aux actions, aux gestes, aux cadrages.

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James Bond (Sean Connery), éternel séducteur, coupé et raccordé dans FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN

Il faut dire que FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN joue sur cette structure classique, archétypale, du récit filmique pour mieux tisser des liens entre toutes ces œuvres et en extraire la sève commune ; avec le risque que le concept alléchant ne s’enlise dans sa mécanique de montage. Néanmoins, l’exercice est si stimulant que la fascination reste totale tout du long. Et la déclaration d’amour est si forte qu’aucun cinéphile ne peut rester indifférent face à ces images magnifiquement raccordées. Simplement l’éternelle histoire d’un homme et d’une femme, de la vie et de la mort, du bonheur et du malheur, des hauts et des bas. Outre son questionnement autour de notre rapport à l’archétype, FINAL CUT nous invite à retrouver la sensibilité des premiers émois, des premières fois, de cette vie prise à bras le corps.

Tout revient à faire naître l’émotion de la coupe.

Puisque nous rêvons tous – peut-être – secrètement d’une vie clichée, cinématographique, où la douleur se dissiperait toujours pour ne laisser que de la sérénité. De nœuds dramatiques en péripéties, le film construit une tragédie nécessaire, d’un rebondissement qui mène à un autre, plus joyeux : le happy end. Car FINAL CUT n’est au fond qu’un produit de l’imaginaire où tout amène à relier des lieux éloignés, à mélanger hier et demain, à transformer le prévu en insolite, en créant un univers auquel nous ne pouvons qu’adhérer. L’idée fondamentale au cœur du cinéma est de faire « vivre » au spectateur ce que l’image nous présente. Et FINAL CUT semble s’inscrire dans cette recherche désespérée de l’absolu cinématographique.

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Un Slow, une valse, une dernière séance, un baiser : FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN, une bonne injection d’amour et de cinéma.

FINAL CUT nous ramène à la puissance du final de Cinema Paradiso et de son mashup de baisers censurés. Il nous invite alors à ouvrir les yeux et à contempler la « love story » que nous entretenons avec le cinéma. Feu d’artifice de contradictions, de paradoxes, de raccords et d’illogismes, FINAL CUT rapproche des mondes, des corps, des époques, des réalités et des vérités. Il est un révélateur magique. Il nous permet de voir Jackie Chan verser une larme sur le Roxanne de Moulin Rouge. Ou même d’annuler l’horreur de certains films comme Irréversible tout en nous proposant des « climax » émotionnels en permanence. Dès lors, tout revient à faire naître l’émotion de la coupe.

Comme pour THE GREEN FOG de Guy Maddin, tout converge ici à bâtir sur l’existant une nouvelle forme de narration cinéphile où le cinéma communiquerait avec lui-même. Et puis on cherche à recoller les bouts de ce passé qui ne cesse de nous obséder. Les souvenirs remontent, en images fragmentées, éparpillées dans un vortex qui les fait tourbillonner. Le désir de mémoire est bien plus fort que son devoir. Il nous entraîne loin, dans les livres et les histoires, dans les visages et les fissures de l’Histoire. L’objectif de FINAL CUT serait-il de conjurer le temps ? Non, simplement le défier, l’espace d’un instant, en lui opposant un fragment. Puisque chaque image en reflète une autre. Ici encore, on note cette facilité avec laquelle les figures de l’écran – célébrités comme personnages cultes – s’effacent pour mieux s’articuler autour d’une nouvelle caractérisation.

De Woody Allen à Mel Gibson, de Bardot à Charlot, de Brando à Monroe, les figures ne sont plus que des stéréotypes, l’incarnation simple d’un homme et d’une femme ; des visages qui nous obsèdent encore parce que nous les avons aimés et qu’il ne reste qu’un écho lointain de ce qu’ils ont été. Toujours avec la certitude que ces beaux et parfaits visages ne flétriront jamais avec le temps. La grâce du cinéma, contrairement à celle de nos vies, ne s’envole que lorsque vient le temps de l’oubli. FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN s’impose comme une œuvre pour ne pas oublier ; invitant à se ruer sur notre mémoire collective afin de la préserver des griffes de l’oubli. Chaque fragment fait ainsi vivre le film duquel il est tiré ; et un seul film en fait vivre 400 autres.

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L’universalité du récit n’a alors d’égale que l’universalité du medium. Et c’est en cherchant la diversité de la représentation, le panel le plus large possible d’œuvres (du cinéma classique hollywoodien à la Nouvelle Vague française, du cinéma d’Europe de l’Est aux Blockbusters actuels, etc.) que FINAL CUT arrive à unifier en un seul bloc plus de 100 ans de Cinéma. Un hymne à la diversité particulièrement mis en avant par le changement constant de formats, de couleurs et de formes. Plus encore, FINAL CUT semble vouloir donner corps à l’imaginaire, au mot CINEMA et à ce qu’il représente par essence. Puisque le monde du film est un monde fait d’obsessions, de rêves, de mirages, d’utopies et de pures possibilités. C’est l’Oasis de Ready Player One en quelque sorte. C’est tout ce que nous voulons que le film soit. Nous nous projetons ainsi sur le film comme il se projette sur notre rétine pour ne jamais la quitter. Le cinéma renverse le réel pour ne proposer que de l’enchantement. Il ramène à la surface nos souvenirs, nos traumas, nos bonheurs, nos malheurs ; le cinéma éveille en nous des émotions parce qu’il fait appel à tous les arts. Et c’est parce qu’il est un objet de rencontres qu’il parvient à nous émouvoir.

Chaque fragment fait ainsi vivre le film duquel il est tiré ; et un seul film en fait vivre 400 autres.

Digressons encore un peu et affirmons-le ainsi : FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN pose une question déjà maintes fois débattue ; c’est quoi être cinéphile ? La réponse est étrangement assez simple. Être cinéphile, c’est vivre le cinéma, c’est lui donner un mouvement constant, c’est participer activement à ces 24 images par seconde, c’est être le rouage dans le projecteur, c’est poser sa main sur son cœur pour y entendre défiler des images. La beauté du cinéma, c’est sa capacité à éveiller en chacun de nous des émotions aussi contradictoires qu’universelles. FINAL CUT semble vouloir retourner à l’essence même de notre cinéphilie ; réanimant la magie du voyage temporel pour une virée à bord de sa DeLorean fonçant 88 miles à l’heure à travers le continuum espace-temps. Pour quoi ? Pour rassembler les images qui ont fait de nous des êtres singuliers (ou pas) ; la matière brute de ce qui constitue notre passion pour ce medium d’images et d’émotions. Jusqu’à nous étreindre dans un vertige de cinéma.

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Maria (Brigitte Helm) dans le Metropolis de Fritz Lang ; un clin d’œil repris par György Pálfi dans FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN

Avec FINAL CUT : LADIES AND GENTLEMEN, c’est le cinéma qui nous fait un clin d’œil. Et il serait dommage ne pas lui rendre la pareille. En voilà une belle d’invitation à faire votre mashup, à dévoiler votre sensibilité cinématographique, à reconstruire votre cinéphilie, à en faire l’introspection. On aimerait tous pouvoir transmettre fidèlement les émotions de nos films favoris. L’auteur de ces quelques lignes s’y est essayé (ici) ; alors pourquoi pas vous. FINAL CUT nous offre cette opportunité de remercier le septième art en lui réfléchissant son historique ; celle d’un siècle d’existence défilant sous nos yeux à 24 images par seconde. Il vient nous rappeler en ces temps de confinement que le meilleur moyen d’évasion reste le cinéma ; ce monde des possibles où tous les problèmes du monde semblent s’évaporer sous nos yeux. Avec son montage à réaction, FINAL CUT est le meilleur remède contre la morosité de ces temps troublés. Le message peut paraître naïf, il n’en reste pas moins émotionnellement déchirant. Pour ceux qui avaient oublié ce que l’amour était, pour ceux qui rêvent encore et pensent que rien n’est impossible, FINAL CUT invite à s’élancer toujours plus loin, toujours plus haut, vers un horizon sans attente, le ciel comme projection et l’infini rempli d’images.

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Fabian JESTIN

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Titre original : Final Cut: Hölgyeim és uraim
Réalisation : György Pálfi
Scénario : György Pálfi et Zsófia Ruttkay
Montage : György Pálfi
Acteurs principaux : Woody Allen, Brigitte Bardot, Marlon Brando, Nicolas Cage, Jackie Chan, Charles Chaplin, Mel Gibson, Johnny Depp, Jean-Paul Belmondo, Meryl Streep, Robert De Niro, Nicole Kidman
Date de sortie : 2012
Durée : 1h25 min
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