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@ DCM Filmverleih

[CRITIQUE] FREE TO RUN

FREE TO RUN
• Sortie : 13 Avril 2016
• Réalisation : Pierre Morath
• Acteurs principaux : Philippe Torreton
• Durée : 1h40min
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5
Note du rédacteur

FREE TO RUN est un film documentaire qui retrace l’incroyable épopée de la course à pieds sur les cinquante dernières années et qui parvient à nous passionner du début à la fin. Coureur ou non, les images, le récit et la musique nous captivent instantanément car les combats menés contre les discriminations et injustices qui ont caractérisé ce sport transcendent le cadre de celui-ci. Il est ainsi plus largement question de la condition féminine, d’une quête spirituelle vers le bien être consistant à renouer avec la nature mais aussi du libéralisme économique qui finit irrémédiablement par s’emparer des plus beaux mouvements de révolution. C’est tout cela qui est traité avec intelligence et humanité par Pierre Morath dans ce film si étonnant. Le plus surprenant reste sans doute le fait que tant de gens à travers le monde courent librement et participent à des Marathons sans se douter un instant des faits historiques ayant permis cela et sans avoir jamais entendu parler des courageux pionniers qui se sont battus en ce sens.

FREE TO RUN est ainsi une sorte d’hommage qui est enfin rendu à ces figures emblématiques que sont principalement Katherine Switzer, Noël Tamini, Fred Lebow et Steve Prefontaine. A travers une réalisation classique, Pierre Morath parvient cependant à rendre cela fascinant grâce au choix d’images et de reportages visuellement et symboliquement marquants. Par alternance, ils viennent, en outre, illustrer avec force les propos de ces acteurs clés dont la motivation semble si pure et si sincère qu’elle nous convainc sans peine.

FREE TO RUN

Réalisateur, Historien du sport et lui-même sportif de haut niveau, c’est avec beaucoup de maîtrise que Pierre Morath a pu élaborer un film retraçant de manière chronologique le passage d’une discipline sexiste et cantonnée aux stades à une pratique libre et quasi universellement reconnue. Il s’est judicieusement focalisé sur les États-Unis et l’Europe car c’est là que sont intervenues les évolutions qui ont fait de la Course à pieds et du Marathon ce qu’ils sont aujourd’hui dans les pays occidentaux. Bien qu’il eut été intéressant d’entrevoir d’autres formes de perception de ce sport (au Japon notamment), cela aurait nécessairement conduit à une dispersion diluant la force du propos axé sur deux points fondamentaux que sont la liberté et l’égalité.

L’une des principales questions traitées dans le documentaire est l’accès des femmes à la course à pieds. Il paraît aujourd’hui choquant qu’il ait pu en être autrement et pourtant, il n’y a pas si longtemps, ces dernières n’avaient tout bonnement pas le droit de courir plus de 1500 m. Le marathon féminin avait été retiré des Jeux Olympiques pour cause d’incapacité physique et n’a pu être réintégré qu’en 1981 grâce au combat de femmes qui n’ont eu de cesse d’œuvrer un ce sens. Parmi elles, Katherine Switzer dont la détermination et l’audace ont permis de nombreuses avancées. Les images de sa participation officielle au Marathon de Boston de 1967 alors que cela était illégal sont bouleversantes (photo ci-dessus) et celles du premier Marathon Olympique Féminin ne le sont pas moins. Dans FREE TO RUN, Pierre Morath nous invite sans cesse à passer de la colère (en découvrant notamment les inepties totales débitées par les médecins sportifs de l’époque) à l’émotion résultant de chaque victoire remportée sur le chemin de l’égalité.

« Free To Run captive instantanément car les combats menés contre les discriminations et injustices qui ont caractérisé ce sport transcendent le cadre de celui-ci. »

Puis au-delà des discriminations hommes/femmes souvent fondées sur des ignorances médicales, on découvre à travers la tragique histoire de Steve Prefontaine (photo de couverture) les inégalités de traitement entre sportifs instaurées par la régressiste Fédération Américaine d’Athlétisme. Difficile d’être insensible aux injustices subies par celui qu’on appelait le « James Dean de la piste » meilleur coureur de fond américain de l’époque qui fut le leader et symbole d’un combat contre les diktats de la Fédération. Cette dernière s’enrichissait en effet sur le dos des coureurs qui soulevaient les foules mais ne pouvaient toucher le moindre centime en raison du statut d’amateur qui leur était imposé. On s’amuse cependant, à cette occasion, d’apprendre de quelle façon est né le géant Nike.

Lorsque l’on parle de liberté de courir cela signifie aussi celle de courir n’importe où, pas uniquement dans les stades. C’est ce dernier combat qui fut le fer de lance de l’incroyable Fred Lebow, fondateur du Marathon de New York en 1970 (photo ci-dessous) dont le monde entier a suivi l’exemple. A travers les morceaux choisis par le réalisateur pour illustrer sa personnalité et son parcours, on est à la fois surpris et admiratif face à cet homme animé d’une folie novatrice qui a totalement chamboulé les codes du genre. D’un petit groupe d’excentriques qui courraient dans le Bronx, Fred Lebow n’a eu de cesse de vouloir élargir le champ de la course à tous et sur les routes.

Free to run

Le suisse Noël Tamini fut également de tous ces combats grâce à la revue spécialisée Spiridon qu’il fonde en 1972 et qui connaîtra un retentissement international (emblème de l’opposition aux fédérations, militant actif pour le droit de courir librement pour tous et en dehors des stades). Ce qui est souligné c’est qu’elle véhicule une nouvelle image de la course à pieds, plus séduisante. Elle devient le symbole d’un accomplissement personnel qui tient davantage du plaisir que de la compétition. Elle apparaît comme une expérience spirituelle consistant à communier avec la nature, voire même comme une nécessité hygiénique.

Enfin, Pierre Morath a l’honnêteté de ne pas exclure le revers de la médaille. Il nous invite d’une part à découvrir où s’arrête l’enthousiasme soulevé par cette activité (à travers l’épisode de l’ouragan Sandy qui a frappé l’état de New York 6 jours avant le Marathon). D’autre part, on constate de quelle façon les américains (puis tous les autres) se sont emparés d’un mouvement libertaire pour en faire un véritable business comme cela est toujours et inévitablement le cas. A travers le discours d’une poignée de marginaux d’antan, on perçoit ainsi, malgré les injustices qui régnaient, une certaine nostalgie de cette époque. Le regret du temps où, en l’absence de frénésie collective et d’objets connectés, ils couraient seuls avec leurs idéaux et leur plaisir dans les allées de Central Park.

Stéphanie Ayache

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