Après La Villa (2017), la grande famille Guédiguian est de retour dans GLORIA MUNDI, fresque familiale désabusée (et indigeste) dans une cité phocéenne plus désenchantée que jamais.
On ne pourra pas reprocher à Robert Guédiguian d’avoir failli à retranscrire la réalité d’une époque sombre, glacée, à la précarité annihilante pour les cœurs et les esprits. On ne lui reprochera pas non plus de continuer à intervertir les rapports familiaux et amoureux de ses personnages, toujours interprétés par les mêmes acteurs d’un film à l’autre. Robert Guédiguian, ce n’est plus une surprise, ne fait pas du cinéma pour « substituer aux regards du spectateur un monde qui s’accorderait à ses désirs », en référence à la célèbre expression faussement attribuée à André Bazin. Mais une fois mis de côté l’ultra-réalisme de son nouveau long-métrage, que reste t-il de GLORIA MUNDI si ce n’est un propos vulgaire et décousu.
Daniel (Gérard Meyland) sort de prison et retourne à Marseille. Il découvre une famille recomposée qui lutte pour rester debout. Il rencontre également sa petite-fille Gloria, dont la naissance fait l’objet de la scène d’ouverture du film. Cette parenthèse hors du temps constituera le seul moment pur d’un récit d’une rare violence, moins physique que comportementale.
« Tout ce qu’un siècle de luttes ouvrières avait réussi à faire entrer dans la conscience des hommes, en un mot la nécessité de partage, a volé en éclat (…) pour rétablir la volonté de chacun de posséder ce que les autres possèdent ». La note d’intention du film, on ne peut plus claire quant à l’ambition de son cinéaste, épingle avec ostentation l’individualisme d’une époque. Il s’agit alors de savoir si la cellule familiale, à priori dernière forteresse contre la détérioration des rapports humains, est en mesure de résister face aux épreuves de la vie. Mais à vrai dire, la partie était perdue d’avance, du fait d’une écriture incohérente des personnages.
Dans sa quête d’un naturalisme d’époque, GLORIA MUNDI sombre dans un misérabilisme désespérant.
Maladroite, celle-ci ne permet pas au spectateur de croire à cette famille recomposée dans laquelle passions et rivalités s’emmêlent subrepticement. Elle ne permet pas non plus de croire aux ressorts d’un propos qui, dans sa quête d’un naturalisme d’époque, sombre dans un misérabilisme désespérant. Les protagonistes sont dès lors condamnés à agir avec l’énergie du désespoir, conséquence de leurs actions irréfléchies et de leurs fantasmes incongrus aux allures quasi-morbides. L’exemple de Bruno, beau-frère de la famille et responsable de magasins d’achat-revente d’objets d’occasions, est révélateur à ce sujet. « Le président il a dit qu’il faut être les premiers de cordées ». Difficile de ne pas voir davantage en cette réplique prononcée par le personnage, l’expression d’une attaque ad-hominem du réalisateur contre la communication d’Emmanuel Macron, que la pensée politique d’un être fictif .
À vrai dire, même le jeu tout en sobriété d’Ariane Ascaride, récompensée par la Mostra de Venise, sonne faux. Si Robert Guédiguian parvient à peindre dans GLORIA MUNDI la réalité de sa ville chérie, Marseille, carte postale déchue par la pauvreté et les inégalités, il peine ainsi à y faire interagir des personnages dont on retient finalement la bêtise et non pas la lutte désespérée pour s’en sortir.
Francesco Depaquit
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• Réalisation : Robert Guédiguian
• Scénario : Robert Guédiguian, Serge Valletti
• Acteurs principaux : Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan
• Date de sortie : 27 novembre 2019
• Durée : 1h47min