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Photo du film GOUTTE D'OR
Crédits : Laurent Le Crabe, Kazak Productions, France 2 Cinéma

GOUTTE D’OR, les lumières de la ville – Critique

En s’essayant au thriller urbain flirtant avec les frontières du fantastique, le prometteur Clément Cogitore transforme l’essai. Porté par un Karim Leklou encore une fois magistral, Goutte d’Or est une réussite.

On s’en doutait, c’est officiel : la périphérie parisienne est définitivement devenue le réceptacle d’essais fictionnels propres au cinéma français. À la lisière de l’indigestion, c’est avec un plaisir non dissimulé qu’on plonge dans le nouvel essart ausculté par Clément Cogitore, encore nostalgique de ce petit chef-d’œuvre qu’était le trop méconnu Ni le ciel, ni la terre. Désormais loin de l’Afghanistan, le plasticien passé par l’opéra pose sa caméra sur les prestidigitateurs de Barbès, voyants-brigands à l’affût de petites fortunes qui assistent à la résurgence de Ramsès, dont les méthodes peu orthodoxes font jaser.

Un sujet à double-tranchant duquel Cogitore puise une réjouissante substance. Sans tomber dans les redites moralisatrices de l’apologue sociétal, GOUTTE D’OR est une exploration fascinante d’un labyrinthe urbain où défilent paysages mortuaires et figures déroutantes. Au travers des dérives de Ramsès en son sein, le film engendre un récit doux-amer qui n’oublie jamais une actualité brûlante. Outre les rues piégeuses et le danger sous-jacent, de longs travellings suivent le mouvement perpétuel d’une troupe de jeunes migrants, perdus dans ces étranges dédales. Résulte de cet ensemble hétéroclite un sombre état de grâce où lyrisme et tragédie contemporaine se mêlent avec brio.

Photo du film GOUTTE D'OR
Crédits : Laurent Le Crabe, Kazak Productions, France 2 Cinéma

Évidemment, cet équilibre tangible n’aurait pas lieu d’être sans une écriture aux petits oignons. Les multiples facettes du récit se répondent sans jamais se trahir. Le réalisme cru du prologue trouve le parfait point d’appui entre les portraits urbains d’un Zola et la naissance d’un anti-héros plus proche des fables buzzatiennes. Rien d’étonnant à ce qu’une transition abrupte vers un terrain vague mortuaire fasse définitivement basculer le récit vers le fantastique. Un geste de montage déterminant dont la radicalité fait perdre tout repère, tant à Ramsès qu’au spectateur.

Dès lors, tout devient possible. La figure de l’escroc laisse place à celle du mage et les ombres aux visages indicibles s’apaisent au contact des procédés de la fiction, par l’irruption de l’inexplicable dans un cadre purement réaliste. Dans la milice, le regard du brigand s’efface au profit de celui l’enfant, comme si le virage entrepris par Cogitore avait directement un impact sur ses personnages. Le sort est jeté à plusieurs échelles et permet à Ramsès de bousculer le cycle pessimiste qui condamnait son monde. Du labyrinthe surgissent les faisceaux d’une lumière émolliente, transition visuelle vers le conte.

Photo du film GOUTTE D'OR
Crédits : Laurent Le Crabe, Kazak Productions, France 2 Cinéma

C’est peut-être là que réside la force principale de GOUTTE D’OR : arborer un visage protéiforme en naviguant avec aisance à travers les genres, à l’heure où les thrillers urbains se confondent en stéréotypes navrants et grotesques (voir Athéna récemment). Cogitore fait bien mieux que tenir les promesses entrevues avec son premier film, il passe une vitesse avec ce modeste tour de force, d’une richesse thématique débordante. Jamais brouillon, il se fait le marionnettiste de cet étrange microcosme, où il égrène de très belles visions de cinéma. On le suivra de très près.

Emeric Lavoine

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affiche - GOUTTE D'OR, les lumières de la ville - Critique
Titre original : Goutte d’or
Réalisation : Clément Cogitore
Scénario : Clément Cogitore
Acteurs principaux : Karim Leklou, Jawad Outouia, Malik Zidi, Yilin Yang, Ahmed Benaissa
Date de sortie : 1 mars 2023
Durée : 1h38min
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Hypnotique

Auteur·rice

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