Photo du film GRAND PARIS
Crédits : Ecce Films

GRAND PARIS, un stoner movie mélancolique – Critique

En 2022, Martin Jauvat présentait son premier film, GRAND PARIS, à Cannes, dans la sélection la mieux nommée pour le recevoir : l’ACID. Quoi de plus logique pour un stoner movie ? Malgré cette première exposition élogieuse, le film n’a attiré que 30 529 spectateurs en salle. Désormais disponible en VOD, voilà l’occasion de rattraper cette comédie enfumée, délirante et plus touchante qu’il n’y paraît…

Du stoner movie, GRAND PARIS adopte les grandes caractéristiques. Deux potes, Lesli et Renard, de la weed et une mission prétexte à accomplir entre deux séances fumettes. Ici, il s’agit pour nos deux héros de transporter un sac rempli de produits stupéfiants d’un bout à l’autre de la région parisienne. Problème : leur contact ne se pointe pas, le réseau francilien déconne et les voilà paumés à La Hacquinière, en possession d’un « artefact », mystérieuse galette cernée de runes ésotériques, trouvée par hasard.

A partir de là, les deux glandeurs vont se retrouver dans une série de situations truculentes allant du banal au bizarroïde. Invités surprise à une soirée d’étudiant de science po, sur la piste d’un complot extra-terrestre dans les méandres d’un chantier du « Grand Paris Express » en compagnie d’un contrôleur de la RATP, en passant par une livraison de cocaïne improvisé avec leur pote livreur chez « Chicken 3000 ». Comme dans tout stoner movie, l’avancée du récit est foutraque, anarchique et se dessine par à-coups, au gré des rencontres avec d’autres personnages.

Pour son premier long-métrage, Martin Jauvat (réalisateur, acteur principal et scénariste du film) poursuit dans la veine de ses premiers courts-métrages et nous donne à voir sa vision poétique et enchantée de l’espace urbain. Le premier plan donne le ton, vision lointaine et crépusculaire sur la centrale d’une gare parisienne, le film met au centre de son récit les paysages de « la banlieue » dans toutes leur diversité : aux grandes plaines rurales, se succèdent les environnements industriels, les petites gares, les quartiers pavillonnaires. Dans une colorimétrie pastel, Jauvat filme toute la bizarrerie de ces franges urbaines. Qu’il vienne d’une rangée de pylônes marquée de ronds rouges énigmatiques ou de gigantesques infrastructures agricoles aux formes biscornues, le cinéaste débusque le fantastique caché dans les éléments du quotidien.

Photo du film GRAND PARIS
Crédits : Ecce Films

Autre aspect essentiel à la réussite du film : sa bande originale de grande qualité, signée par le musicien Maxence Cyrine. Jouées à la flûte, ses mélodies joueuses et envolées aux accents 80’s, apportent une dimension picaresque aux longues déambulations de Renard et Leslie et contribue à l’atmosphère de douce rêverie émanant du long-métrage. Atmosphère encore renforcée par la photographie du film, aux couleurs pops, mais brumeuses, comme recouvertes par un voile granuleux.

GRAND PARIS est une mosaïque de séquence aux tonalités singulières, n’hésitant pas à faire un détour du côté de l’introspection pour sa conclusion. En effet, si sa balade fumante est bel et bien déjantée, le jeune réalisateur y instigue aussi une dose de mélancolie inattendue. Privé de moyen de locomotion, les personnages sont littéralement baladés, au bon vouloir de leurs interlocuteurs. Inexorablement, ils prennent conscience de leur situation : paumé, « l’artefact » comme prétexte, ils se déplacent afin de tromper l’ennui, sans destination fixe, jusqu’à réaliser qu’ils font du sur place. Loin d’être moraliste, Martin Jauvat dépeint les errements et interrogations de ses personnages avec tendresse et bienveillance.

Les deux saveurs du long-métrage, mi-sucrées, mi-amères, sont à l’image de ses protagonistes, Renard, incarnant la jovialité, la candeur et la bouffonnerie, là où Lesli est plus désabusé et taciturne. Si ce schéma de complémentarité / opposition entre deux protagonistes est classique, il n’en reste pas moins bien traité et les répliques que s’envoient nos deux glandeurs font souvent mouche. Le comique du film doit beaucoup aux répliques nasillardes et pleine de candeur balancée à tout-va par Renard, le personnage incarné par Jauvat. Le malaise et la drôlerie générée par ses tentatives de séduction infructueuses étant d’une efficacité redoutable.

Pour conclure, GRAND PARIS est un voyage captivant dans les méandres de la périphérie parisienne. À travers un stoner movie atypique, Jauvat aborde des thèmes universels avec une fraîcheur et une sensibilité remarquable. GRAND PARIS est une œuvre à découvrir, un trésor caché dans l’immensité cinématographique des environs de la ville lumière.

Lucas GALLIER

Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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