Des gens explorent un hôpital désaffecté et évoluent dans la pénombre, lampe torche à la main… Film d’horreur ? Fantastique ? Non, mais une plongée intimiste dans les états-d’âme de six personnes ordinaires perdues et dévorées par une fonction publique toujours plus décadente et éloignée de ses devoirs…
Le concept est sobre : réunir six anciens fonctionnaires qui ont démissionné et initier un échange pour guérir. Jean Boiron-Lajous, qui n’en est pas à son premier docu, conserve un style réaliste, proche de ses protagonistes encore fragiles. Car Margot, Mikael, Floriane, Blandine, Rachel et Nabil incarnent les victimes de politiques déconnectées de la réalité. Au bout souvent de longues années, on est obligé de se rendre compte qu’on n’a plus d’autre choix que de partir. Même si, comme le met joliment en scène le plan-séquence de début, c’est pour se diriger vers un brouillard inévitable et bien menaçant…
Je n’ai plus envie de faire du documentaire qui prenne des choses aux gens sans rien leur donner en retour. L’idée centrale était de réunir des personnes qui ne se connaissaient pas, des gens qui se sentent en décalage avec le monde et d’aller vers un dialogue qui leur permette de se sentir un peu moins seuls.
Jean Boiron-Lajous
Sauf que même le brouillard le plus épais et terrifiant du monde a une fin, il suffit « juste » de trouver le bon chemin. Celui de nos six témoins prend la forme d’une réunion avec d’autres, un regroupement au sein d’un lieu abandonnée, une « épave » comme vue par le réalisateur, lieu dans lequel chacun va faire face à sa tristesse et confronter ses blessures.
Jean Boiron-Lajous s’attarde alors sur les gestes les plus simples qu’on oublie de faire quand notre vie se fait dévorer. C’est comme s’il permettait à ceux qui n’avaient plus de vie à cause de leur travail – ce qu’ils avouent tous – de se reconnecter aux choses les plus simples. Car quand les choses déconnent à ce point, on ne fait plus attention à sa santé, à se faire un café, étendre son linge, préparer à manger.
Le réalisateur les filme alors avec sobriété, en train de se reconstruire leurs espaces de travail respectifs ou à réécouter leur corps, comme pour nous réapprendre à être dans le moment présent même dans un quotidien qu’on a parfois plus envie d’affronter…
Beaucoup de fonctionnaires qui s’acharnent à faire bien leur travail et qui lui donnent du sens me font penser aux musiciens du Titanic qui ont continué à jouer jusqu’aux derniers instants du naufrage.
Jean Boiron-Lajous
Avec simplicité mais une pudeur bienvenue, HORS SERVICE se reconcentre sur les gens, tout simplement et rappelle que même si tout va mal, l’évolution est possible, et que cela passe par l’échange, l’écoute et la sincérité.
Et que, pour citer Will McAvoy (Jeff Daniels) dans The Newsroom : « La première étape pour résoudre un problème est de reconnaître qu’il y en a un. »
Merci à l’agence Valeur Absolue.
Simon BEAUCHAMPS



