« Un film qui divise autant ses victimes que ses spectateurs », plaisantait Vimala Pons, présidente du jury du Festival de Gérardmer, au moment de remettre le Grand Prix à IN A VIOLENT NATURE. De prime abord, rien de nouveau sous le soleil des slashers : une bande d’amis pille la tombe d’un serial killer, provoquant le réveil de celui-ci.
Ce n’est pas tant son scénario qui lui a permis de sortir du lot parmi les 9 films en compétition, mais bien sa mise en scène. Pour son premier film, le canadien Chris Nash puise ses inspirations chez Terrence Malik et Gus Van Sant. Imaginez Jason Voorhees filmé de façon léchée – c’est à peu près ce qu’offre IN A VIOLENT NATURE, un slasher au naturalisme saisissant.
Une sortie discrète en France
Johnny, notre tueur au masque de pompier en cuir, traîne son immense carcasse dans les bois, à la recherche de ceux qui lui ont volé son précieux artefact : le collier de sa défunte mère, seul objet capable de canaliser son âme troublée.
Un prédateur semblable à une bête. La métaphore animalière est d’ailleurs employée par l’une des personnages, au cours d’une conversation loin d’être subtile. À l’instar d’une bête, notre tueur ne se contente pas d’ôter la vie, mais s’acharne sur les corps morts. Pour le plaisir de tuer, tout simplement. La satisfaction d’entendre les os craquer, de perforer un ventre, d’asséner des coups de hache jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.
Un déchaînement de violence qui lui a valu un petit succès aux États-Unis. Si IN A VIOLENT NATURE est sorti discrètement en France, sur la plateforme de streaming Insomnia début février, cela n’a rien à voir avec son retentissement outre-Atlantique. Là-bas, ce goût du sang en a fait un objet de curiosité. Au point de voir les scènes de meurtre les plus crues relayées sur les réseaux sociaux.
L’importance du mixage sonore
Entre deux meurtres, Johnny marche. Il marche… et continue de marcher. Une pérégrination silencieuse, où seuls les chants d’oiseaux et le bruissement des feuilles se font entendre. Des scènes de transition qui s’étirent parfois sur plusieurs minutes.
Ce rythme lent ne plaira pas à tous. Certains pourraient même le qualifier de languissant, tant les meurtres tardent à arriver. Sans doute l’aspect qui divisera le plus de spectateurs, comme le soulignait Vimala Pons. Pour autant, suivre l’avancée du tueur, presque minute par minute, contribue à la tension constante. C’est probablement pour cela que le jury a été séduit par cette histoire en temps réel – « la temporalité la plus horrifique qu’il soit » rappelait également l’actrice de Vincent doit mourir.
« Contempler » les meurtres
Une créature sanguinaire, filmée de près dans une grande forêt… À nouveau, l’idée d’un animal immortalisé dans son milieu naturel s’impose. Une impression renforcée par la photographie contemplative. Posée dans un coin, la caméra est à l’image des mains de Johnny lorsqu’il tue : elle ne tremble pas. Chris Nash s’amuse à la placer à des endroits inattendus : au-dessus du tueur, pour mieux voir la pierre lâchée sur un visage, à l’opposé de l’étang où un meurtre est perpétré ou encore à même le sol.
L’enrobage est attrayant, certes. Mais il ne suffit pas à effacer l’amertume de voir Chris Nash délaisser rapidement son concept. À plusieurs reprises, le réalisateur abandonne son vilain, au profit d’un groupe de jeunes sans profondeur… pour lequel le spectateur ne développera aucune attache.
Retirer le concept de IN A VIOLENT NATURE, c’est l’équivalent de se prendre un seau d’eau en pleine figure : comment a-t-on pu se laisser berner par sa jolie photographie ? Malgré son bel écrin, il n’en reste pas moins un énième slasher. Inédit dans sa forme, peut-être, mais jamais dans son fond. Sans ses images grandioses, il ne reste qu’un scénario aussi grossier que les meurtres de Johnny.
Lisa FAROU
Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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