Aristocrates, parvenus, hommes politiques, criminels, journalistes, acteurs, nobles décadents, artistes et intellectuels, tissent la trame de rapports inconsistants, tous phagocytés dans une Babylone désespérée qui s’agite dans les palais antiques, les immenses villas, les plus belles terrasses de la ville. Et ils ne se montrent pas sous leur meilleur jour. Jep Gambardella, 65 ans, écrivain et journaliste, indolent et désenchanté, les yeux perpétuellement imbibés de gin tonic, assiste à ce défilé d’une humanité creuse et défaite, puissante et déprimante. Et à l’arrière plan, Rome en été.
Note de l’Auteur
[rating:8/10]
• Date de sortie : 22 Mai 2013
• Réalisé par Paolo Sorrentino
• Avec Toni Servillo, Carlo Verdone, Sabrina Ferilli, Iaia Forte, Isabella Ferrari, Vernon Dobtcheff
• Film italien
• Durée : 2h30min
• Titre original : La Grande Bellezza
• Bande-Annonce :
[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xzfbfa_la-grande-bellezza-bande-annonce-vost_shortfilms?search_algo=2#.UcG4eefwnag[/dailymotion]
Le vertige de la vie. Pas non seulement celle qui nous entoure, mais aussi la notre. Et quand on est une personne âgée, la vie n’est plus grand chose. Pour la simple raison qu’il n’y a plus d’avenir à construire. L’avenir appartient au passé. C’est tout le propos du film de Sorrentino. Un écrivain âgé se remet en question, devenant de plus en plus mélancolique. Et c’est là qu’on se demande ce qui aurait pu être autrement. Qu’on se demande ce qu’on pourrait bien changer.
En effet, Jep Gambardella regarde en arrière. Mais cette vie, dans le passé, parait bien vide. Et c’est ce qu’il y a de plus grostesque dans la vie. Cette impression que chaque année de notre vie n’a aucun sens. Que toutes ces années n’ont abouti à rien. C’est pour cela que Paolo Sorrentino se demande si on peut encore trouver la beauté. Cette grande beauté, est-elle encore possible, alors que notre vie est faite ? On dit toujours qu’il faut profiter de chaque instant (comme les fêtes dans le film). Mais ne faut-il pas également construire son avenir ? S’assurer un bonheur et une utilité ? Jep Gambardella en est à cette interrogation, son regard persistant de sur la vacuité de la vie passée, pour espérer tout recommencer.
Au-delà de sa propre vie, Jep Gambardella assiste à la vie quotidienne des êtes humains. A travers les autres personnages du film, Paolo Sorrentino nous dit que nos actions sont ridicules. Que nos paroles sont du vent. L’approche de la mort ne serait donc pas la seule déchéance. L’humain serait en constante déchéance. Ce film agit comme un instant de grâce dans nos vies. Illuminer les errances des humains, pour s’interroger sur leur utilité. Mais au moins, Paolo Sorrentino a le mérite de filmer tous ses personnages sur un même pied d’égalité.
Après tout, notre vie – ainsi que nous-mêmes – sont futiles. D’où la mélancolie. Cette façon d’accepter le vide, cette façon d’accepter le grotesque social. C’est tout de même un film assez politique et social. Paolo Sorrentino nous filme des personnes médiocres et hypocrites. Car au fond, tout le monde est pareil. Et on le voit très bien dans le style du cinéaste. Comme son personnage principal, Paolo Sorrentino aime les histoires et les rencontres. Exactement comme avec Oh Boy de Jan Ole Gerster, ces rencontres sont programmées en mode aléatoire. Du coup, on assiste plus à une chronique de vie, plutôt qu’à une généralité de la vie.
Un bilan de vie déprimant : vacuité, médiocrité et hypocrisie. Face à ce festival de futilité humaine, Paolo Sorrentino cherche la beauté.
Pour cela, Paolo Sorrentino est tout dans la retenue. Ce film est très contemplatif. Puisqu’on regarde en arrière, dans le vide et le néant. Comme tout est futile, il n’y a rien à dire. Et Paolo Sorrentino s’en sert pour intégrer un côté burlesque à son récit. Malgré la vacuité de la vie et la mélancolie qui dominent le film, Paolo Sorrentino en profite pour y mettre de l’humour. Etre trop sérieux serait trop ennuyeux, trop pénible. Autant parler de tout ceci avec nostalgie.
La musique et le générique de fin en sont des preuves. Paolo Sorrentino filme la vacuité et le désabusé de manière à les rendre vulgaires. Mais le cinéaste italien ne veut pas en faire un fil linéaire. Dès que Jep Gambardella apparait, la vulgarité disparait. A la place, le film fait preuve de beaucoup d’amour et d’humanité. Malgré le cynisme que l’on pourrait croire, Jep Gambardella nous livre une facette de lui très tendre. On le voit dans son regard et ses attitudes, il est toujours à la recherche de la beauté du monde.
Et quand on regarde les couleurs du film, Paolo Sorrentino est influencé. Il y a quelque chose de Fellini dans ce film. Déjà par le côté baroque, mais surtout par la visite de Rome. Paolo Sorrentino nous filme Rome comme un rêve et un mythe. Au-delà de la recherche de la beauté dans le fond, il y a une recherche formelle. Rome agit comme un fantasme de beauté. Chaque plan, chaque mouvement, sont d’une poésie rare. Une poésie qu’on pourrait presque qualifiée de très italienne.
Une poésie qu’on retrouve dans une spiritualité. Paolo Sorrentino agit ici comme un peintre. Dont certains aspects sont religieux. Troublant, mais dont l’écriture est très intelligente. Face à toutes les interrogations du personnage principal, les chanteuses qui terminent le film ont un message. Avec cette chorale, Paolo Sorrentino nous dit qu’il y a peut-être un espoir. Celui de trouver la beauté, alors qu’elle ne semble pas exister.
Finalement, La Grande Bellezza est un film baroque et burlesque à la fois. Mais là n’est pas le principal. Avec un côté formel très fellinien, Paolo Sorrentino livre une Rome rêvée et pleine de mythes. Il se sert de cette fresque poétique pour parler de social et de politique. A travers son personnage principal, le cinéaste italien se demande si on peut tout recommencer à zéro. Une fois notre vie presque terminée, on regarde en arrière, on fait le bilan. Un bilan de vie qui s’avère déprimant : vacuité, médiocrité et hypocrisie. Face à ce festival de futilité humaine, Paolo Sorrentino cherche la beauté.