Fallait-il ressusciter Damien, l’antéchrist de La Malédiction, pour lui donner à nouveau naissance au sein de l’Église catholique ? À cette question, LA MALÉDICTION : L’ORIGINE peine à répondre et se confond en maladresses, malgré quelques fulgurances visuelles.
Il était une fois l’antéchrist
Film d’épouvante culte sorti en 1976, La Malédiction de Richard Donner a donné lieu à trois suites : Damien : La Malédiction 2 de Don Taylor en 1978, La Malédiction finale de Graham Baker en 1981 et le téléfilm moins connu, La Malédiction 4 : L’Éveil de Jorge Montesi et Dominique Othenin-Girard en 1991. Méconnue en tant que saga en Europe, La Malédiction se limite, aux yeux de la majeure partie du public francophone, au premier opus de 1976. Toutefois, si l’univers étendu The Omen a assez peu traversé les frontières des États-Unis, il a suffisamment marqué les esprits dans son pays natal pour justifier la production du remake 666 : La Malédiction de John Moore en 2006 et du prequel, LA MALÉDICTION : L’ORIGINE de Arkasha Stevenson de nos jours.
Rachetée par Disney, la 20th Century Fox vise avec ce nouvel épisode moins les aficionados du genre horrifique que le grand public actuel, nourri à la Conjuring-sploitation et aux productions Blumhouse. Ce positionnement se ressent au visionnage, car LA MALÉDICTION : L’ORIGINE semble effectivement vouloir remplir un cahier des charges orienté vers les jumpscares et les mises à mort proprettes, bien que spectaculaires. Et ce, au détriment d’une certaine cohérence narrative, autant dans son scénario qu’en tant qu’adaptation de l’univers original développé à partir des années 70. Cependant, malgré ses défauts, ce prequel présente une audace notable pour ce type de production.
L’enfant du démon du dogme catholique
Les mises en scène gores dénotent avec les grands films d’horreur actuels et flirtent avec le body horror, malgré un sentiment de déjà-vu convenu. Toutefois, on ne peut que saluer certains parti-pris rares, comme une scène d’accouchement particulièrement graphique. Par ces aspects, LA MALÉDICTION : L’ORIGINE renoue avec les intentions du long-métrage original de Richard Donner, inspiration avouée de la saga Destination finale. Soit une latence mesurée, qui nourrit l’angoisse jusqu’au prochain drame. Le bât blesse davantage du point de vue de l’écriture. Le film se perd effectivement dans une théorie du complot bas du front et simpliste, où l’antéchrist serait le fruit de conspirations au sein de l’Église.
Damien, l’infamous enfant de la bête, puise donc ses racines parmi les résidents d’un couvent situé dans la ville de Rome. Un concept passablement foireux, dans la mesure où l’Église elle-même est définie comme le talon d’Achille du personnage original. Pire, LA MALÉDICTION : L’ORIGINE ose la maladresse suprême en distinguant bon clergé et mauvais clergé. Ceux qui mentent et qui violent d’un côté, les fervents Chrétiens emplis de bonnes intentions de l’autre. Jetée comme un détail au détour d’un dialogue, cette position interroge. Encore plus dans le contexte actuel où certains responsables religieux n’ont, certes, violé personne, mais se sont rendus coupables d’un laisser-faire des plus contestables.
Ratage complet
Par ailleurs, il est amusant de constater les similitudes entre ce nouveau prequel et le téléfilm La Malédiction 4 : L’Éveil de 1991. Ce dernier s’ouvrait déjà parmi des nonnes dans un orphelinat et semait, lui aussi, le doute quant à l’identité réelle de l’antéchrist. Tant et si bien que l’on en vient à se demander si le scénario de LA MALÉDICTION : L’ORIGINE ne mélange pas différents projets de suites, abandonnés au fil des années dans les tiroirs de la 20th Century Fox. Cette théorie expliquerait l’impression de foutoir narratif qui émane du film, ainsi que son laborieux final à rebondissements. Car ce prequel tente désespérément d’étirer en longueur une intrigue pourtant simple à résoudre.
Ses quelques audaces et ses effets gores réussis ne parviennent effectivement pas à sauver LA MALÉDICTION : L’ORIGINE du ratage complet. Pas finaud, mal ficelé et chiant comme la pluie, le film de Arkasha Stevenson n’est, au final, qu’un tiède divertissement horrifique aux vagues inspirations de nunsploitation et à la saveur bien fade. On lui préférera volontiers le troisième volet de 1981, La Malédiction finale de Graham Baker qui, s’il ne rivalise pas avec l’original de Donner, offre son lot de fun, avec un Damien adulte incarné par un jeune Sam Neill déjà débordant de talent. On laissera tout de même sa chance à Arkasha Stevenson, qui livre un premier long-métrage honorable pour ce genre de production.
Lilyy Nelson