« Ce monde, il n’a jamais respecté Richard Williams, mais vous, il vous respectera ». Cette phrase résume toute une vie de travail et d’espoir. LA MÉTHODE WILLIAMS pose les fondements de ce qui sera l’ascension phénoménale de Vénus et de Serena.
Il avait tout prévu et cela bien avant leurs naissances. Richard Williams avait un plan en 78 pages pour faire de ses deux progénitures des légendes du tennis. Plan qu’il a suivi à la lettre et qui a porté ses fruits. Le film réalisé par Reinaldo Marcus Green retrace le début de carrière de Venus et de Serena, de Compton à Oakland. La famille Williams est souvent critiquée, voire jalousée ; et ce depuis toujours.
La notion de réussite est omniprésente. On ressent, tout au long du long métrage, la cadence militaire que le père exerce sur ses filles, magnifiquement interprétées par Saniyya Sidney (Venus) et Demi Singleton (Serena).
Que ce soit en termes d’entraînements, d’horaires, rien ne doit perturber le plan initial et tout est prétexte à tirer une leçon. Ce qui ne plaira pas à tout le monde, en particulier à la voisine des Williams, qui s’érige contre cette famille, jusqu’à appeler les services sociaux. Si les raisons de la voisine peuvent être compréhensibles, quoiqu’un peu floues, celles de Richard Williams, elles, sont sans équivoque. Sortir ses filles de la rue, de la misère. Cela est d’ailleurs valable pour ses belles-filles, Yetunde, Isha et Lyndrea Price, elles aussi promises à un avenir radieux, chacune dans leurs domaines respectifs.
Faire tout ce qui est en son pouvoir pour que leurs vies soient meilleures que la sienne, tel est l’objectif de Richard. Il ne reculera devant rien pour emmener ses filles au sommet de la gloire. Dès lors où il convainc le coach Paul Cohen de taper quelques balles avec ses filles, il sait que tout va changer. Et effectivement, l’entraineur est impressionné par le talent des joueuses, notamment Venus, qu’il prendra sous son aile par la suite. Richard est, à lui seul, une leçon de vie qui démontre que l’espoir, allié à la persévérance, paye un jour ou l’autre. Son évolution est d’ailleurs impressionnante, passant d’un homme peu crédible et parasité par l’amour qu’il porte à ses filles, à un homme écouté par les plus grands, malgré ses décisions de nombreuses fois controversées.
Cette évolution est d’ailleurs magnifiée par la spectaculaire prestation de Will Smith dans le rôle de Richard Williams. Sa combativité, ses joies et ses peines se ressentent. Son épouse, Oracene Price, interprétée par Aunjanue Ellis, joue son rôle à merveille, sa présence à l’écran est à l’image de l’importance que Richard lui donne, à savoir moindre. Pourtant, son implication dans la vie de ses deux filles a été primordiale. Véritable appui de Serena lorsque cette dernière n’était pas formée par le coach, elle a toujours encouragé ses filles, quitte à être en désaccord avec son mari. Ce qui vaudra une dispute très touchante, où les ambitions de Richard et Oracene divaguent, où l’impulsion et l’égoïsme du père dans la carrière de ses filles semble atteindre ses limites. Il monopolise l’attention, les regards, quitte à laisser sa femme dans l’ombre. « Moi, je n’ai pas besoin que la terre m’encense ». Une phrase prononcée par Mme Price, lourde de sens, qui démontre l’implication égoïste du père, qui fuit les conflits au lieu de les régler, qui néglige ses autres enfants au profit de Serena et Venus. L’ego de Richard prend le dessus, traduction littérale de sa peur la plus profonde, celle de l’échec.
La réalisation laisse beaucoup de place à la vision de Richard, mais à aucun moment aux potentiels doutes et questionnements de Venus et Serena, déjà trop formatées par une éducation sans travers. Leur avis n’est pas pris en compte, sauf lors de la signature du premier contrat de Venus pour Nike, elle-seule décisionnaire (à seulement 14 ans) de ce choix, au préalable largement influencé par son père. On ne sait pas ce qu’elles pensent de cette situation, des décisions prises par le patriarche. Certes, leurs vies tournent autour du tennis, mais Richard met un point d’honneur à ce que ses filles aient une véritable enfance, qu’elles apprennent à l’école, qu’elles aillent à l’église, raison pour laquelle il refusera que Venus participe à des tournois junior, pour ne pas lui voler son enfance et ne pas la déséquilibrer dans son développement personnel. Ce choix-là entraînera d’ailleurs un premier – et rare – désaccord entre Richard et Vénus, qui, par l’intermédiaire de son coach, va lui demander de jouer en tournois Junior. On va passer à côté de certains enjeux du film, notamment la vision de Venus sur sa destinée.
Toute la lumière est faites sur Venus, laissant Serena dans l’ombre. On suit avec joie l’évolution de carrière de l’aînée. Si l’on peut se sentir frustré de constater le développement de l’une des deux sœurs, on comprend que ceci est calculé. L’émouvante discussion entre Richard et Serena nous fait d’avantage comprendre le génie d’un plan de longue date. « Ta sœur va être numéro 1 mondiale. Mais toi, tu vas être la meilleure qui ait existé, tu vas être la meilleure de tous les temps ». Une phrase qui, on le sait, aura valeur de prophétie. Il est quand même regrettable que l’évolution de Serena ne soit pas aussi développée que celle de Venus. La dualité sororale aurait été intéressante.
LA MÉTHODE WILLIAMS coche toutes les cases d’un biopic sportif. L’évolution, les réussites, les échecs, les doutes, les conflits sont au cœur de cette épopée. Si l’on n’était pas encore conquis, les images d’archives, post-générique, nous prouvent que cette famille originaire de Compton aura marqué l’histoire du tennis à jamais.
Amaury DUMONTET
• Réalisation : Reinaldo Marcus Green
• Scénario : Zach Baylin, Zach Baylin
• Acteurs principaux : Will Smith, Aunjanue Ellis, Saniyya Sidney
• Date de sortie : 1 décembre 2021
• Durée : 2h25min