Un ancien capitaine de guerre se fait le porte-parole de l’information en voyageant vers les zones les plus reculées d’un pays en pleine crise industrielle. En s’essayant au western, Paul Greengrass ne renouvelle pas les codes d’un genre poussiéreux, malgré un excellent Tom Hanks.
On aurait pu croire que Paul Greengrass allait donner le coup de fouet nécessaire pour proposer sa propre version d’un genre quasi-disparu des écrans. Après tout, certains s’y étaient déjà essayés avec succès récemment. Difficile de ne pas penser à Scott Cooper et à son excellent Hostiles, ou à Andrew Dominik et l’expérimental L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Avant de basculer vers le western, Greengrass s’est fait le spécialiste de polars mondiaux souvent fascinants (l’excellente trilogie Jason Bourne ou Green Zone), parfois bancals (Captain Phillips). Ses obsessions géopolitiques, souvent dans l’air du temps, se calquent désormais sur une époque phare des Etats-Unis, la transition difficile d’un pays sauvage et violent vers le civisme et la loi. Les informations apportées par le capitaine Kidd vont dans ce sens et, souvent, ne réjouissent pas les citoyens sudistes, récents perdant de la guerre de Sécession.
Il est regrettable que ce postulat brièvement exposé n’occupe pas la majeure partie du récit. Kidd, prophète de l’information, devient le centre de gravité du film, autour duquel tournent nombre d’antagonistes. Il n’était pas nécessaire d’agrémenter son voyage d’autres flux narratifs et le film perd rapidement en saveur lorsque le capitaine prend sous son aile une petite fille, capturée et élevée par des indiens. La fiction géopolitique prend de faux-airs de fable manichéenne, où Tom Hanks, convaincant de neutralité en journaliste néophyte, devient un parangon de vertu, dévoué au sauvetage de l’enfant. La relation qui unit les personnages a été maintes fois abordée dans le cinéma contemporain, avec des thématiques similaires : la bascule vers la violence dans une situation critique, l’attachement réciproque malgré la différence, le besoin de combler un vide émotionnel…Tout y passe, à ceci près que Greengrass oublie un détail essentiel : pour susciter l’empathie, il aurait fallu s’attarder sur ce qui poussait Kidd à s’engager dans cette périlleuse besogne.
On aurait préféré que la mission consiste davantage à transmettre l’information dans des essarts isolés. Au lieu de ça, les opposants antipathiques défilent et tentent de relancer l’intrigue, sans que l’on comprenne réellement leur intérêt à s’en prendre à Kidd et sa protégée. Préjudices à ce qui faisait la substance de ce curieux récit, les ennemis s’accumulent et s’interposent, sans jamais convaincre. En alléguant des prétextes toujours douteux, ils ne deviennent qu’un subterfuge pour susciter l’action, au détriment des lectures du capitaine. C’est pourtant lorsque Greengrass filme les réactions du public découvrant les « News of the world » que le film trouve ses meilleurs idées. Ainsi, on se moque éperdument de cet épilogue larmoyant où Kidd récupère l’enfant sans que l’on sache vraiment ce qui les lie. On regrette que THE MISSION ne porte pas des nouvelles réjouissantes sur un genre qui aurait mérité d’être complètement repensé.
Emeric
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