Sous couvert d’une redécouverte du cinéma aux temps de l’apocalypse, LAST WORDS passe à côté de son sujet et plus loin encore, du cinéma. L’absence de désir et de jeu du film qui plaque le spectateur d’ennui à son siège lui font désirer que les extraits d’autres films durent encore pour effacer la médiocrité de celui-ci.
LAST WORDS fait partie de ces films apocalyptiques intimistes qui commencent à fleurir un peu partout avec l’air du temps (In My Room d’Ulrich Kölher, Take Shelter de Jeff Nichols…). Comment ne pas penser à cette fin des temps quand les rues se vident sous l’effet d’une pandémie ? LAST WORDS opte pour un angle a priori intéressant : que fait-on du cinéma quand il ne reste plus rien ? Jonathan Nossiter adopte le point de vue de son personnage qui tente de percer le secret de ces bobines de la Cinémathèque de Bologne qu’il a retrouvées avec sa sœur dans un appartement parisien. En mémoire de celle-ci assassinée dans une séquence qui tente l’horreur enfantine sans toucher à l’effroi un instant, il se rend jusqu’en Italie.
Cet homme, qui est né après l’effondrement, rencontre au détour d’un tunnel des flashs de lumière et les rugissements d’un lion. Comme les spectateurs devant L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, il peut seulement croire à la réalité de l’illusion qui se déjoue dès qu’il rencontre un vieillard, campé par un Nick Nolte en roue libre comme tous les (pourtant très bons) acteurs du film. Son initiation au cinéma continuera tout le film au travers de ce projecteur portable (au son étonnamment limpide) qu’ils emmèneront partout et des nombreuses images du film qui émaillent le montage, en écho aux événements. C’est un grand risque que prend ici Jonathan Nossiter : face à d’autres images, les siennes font pâle figure. Son film ne se montre pas à la hauteur de cette redécouverte de l’histoire du cinéma.
Le cinéma est partout : dans les affiches, dans les extraits, dans les machines et pourtant, il n’est nulle part. A aucun moment, l’occasion est permise pour cette histoire de cinéma de dialoguer avec le film, des remparts se dressent entre les coupes, aucune contamination, aucune infiltration n’est possible. Ce morcellement jusque dans le montage où les raccords sonnent souvent faux empêchent les scènes de résonner entre elles – la plus marquante est celle où est montré à plusieurs reprises le sexe d’un personnage intersexe sans que cela ne revienne jamais ni ne soit évoqué autrement.
Cette recréation du cinéma et de la caméra semble s’être faite par hasard, sans but. Il faut du temps pourtant pour la mettre sur pied cette caméra. Nick Nolte le dit dans une des belles scènes du film, la création des films celluloïd : « c’est très important ». Alors pourquoi cela ne semble-t-il pas intéresser le réalisateur ? Cette dernière caméra argentique au monde ne méritait-elle pas un traitement pellicule justement ? Et qu’est-ce que le cinéma, qui ne semble dépeint ici que comme une mémoire du monde et des hommes ? Un filtre vintage semble être le maximum accordé à cet qui aurait pu être un trésor d’expérimentation et de mise en scène.
Mais quand des éléments comme le traitement du son – le personnage recueille des témoignages avec sa caméra mais il ne peut enregistrer le son évidemment alors pourquoi décoller l’image du son au lieu de nous plonger dans la pellicule silencieuse ? – semblent des détails impropres à alimenter le fond pompeux du film, on ne peut plus en attendre beaucoup. L’empathie quitte peu à peu le film, jusqu’à l’énumération des morts qui nous laisse froids, peu aidée par le jeu peu complice des acteurs et la débilité des silhouettes. On veut bien croire que la fin du monde ait eu un impact sur l’Humanité mais cette différence de traitement révèle surtout une absence de désir de créer un lien avec cette communauté.
Mélanie
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• Réalisation : Jonathan Nossiter
• Scénario : Santiago Amigorena et Jonathan Nossiter
• Acteurs principaux : Kalipha Touray, Nick Nolte, Charlotte Rampling,
• Date de sortie : 21 Octobre 2020
• Durée : 2h06min