Invitée à un mariage dans sa famille de riches notables anglais, la jeune Evie boit du Champagne et drague du démon… Tandis que le spectateur attend désespérément de voir un vampire se pointer à l’écran.
La jeune Evie étudie aux Beaux-Arts. La jeune Evie est orpheline sans le sou. La jeune Evie fait des extras dans la restauration et se prend des mains au cul dans les soirées mondaines. La jeune Evie fait partie d’une minorité ethnique. Ainsi, Hollywood entend tabler sur des thématiques féministes et sociales qui parcourent l’elevated horror depuis maintenant plusieurs années. Or, si le cinéma de genre a toujours été politique, il paraît évident que LE BAL DE L’ENFER adopte et singe un certain discours pour des raisons purement mercantiles.
Cela saute d’autant plus aux yeux que ce discours est étayée de la manière la plus maladroite qui soit. En effet, notre orpheline noire retrouve un lointain cousin et apprend par son biais qu’elle est issue d’une famille de notables anglais, aussi riches que puissants. White savior oblige, il l’invite à rejoindre les siens pour qu’elle puisse s’intégrer à leur famille. Or, Evie aura beau cracher par instance aux visages de ces blancs bourgeois, la narration les rend tant sympathiques qu’on peine à comprendre pourquoi. Et l’on décèle dès lors un sérieux problème d’écriture.
Christian Grey au bal du diable
D’autant qu’à peine arrivée dans le luxueux manoir où se déroule la joyeuse réunion de famille, Evie s’entiche du maître des lieux… Un lord mystérieux, subtilement nommé « Walter Deville » – comprenez « Devil » (une réf illégale depuis Angel Heart). S’ensuit une romance à la 50 Nuances de Grey, sans grands enjeux et mal éclairée. Car ce BAL DE L’ENFER perd énormément de temps à développer ses personnages et à sceller des relations entre eux, sans trop savoir que faire de sa dimension fantastique. Dommage, car le bestiaire du vampire et de ses succubes avait quelque peu disparu des écrans depuis la déferlante Twilight.
LE BAL DE L’ENFER entend effectivement baigner des personnalités de notre siècle dans une ambiance gothico-victorienne fort laide, où le manque d’éclairage paraît involontairement cacher la misère. On y essaime un hommage mal habile au Nosferatu de Murnau (et vas-y que je te suce le doigt), ainsi qu’aux goules et aux vampires de la Hammer, qui erraient bras ballants dans d’immenses demeures de cet acabit. Or n’est pas Werner Herzog – voire même Burton – qui veut, et le résultat reste en deçà des attentes à l’entrée dans la salle, si tant est qu’on ait pu en avoir un minimum…
Random final girl
LE BAL DE L’ENFER aurait pu présenter un véritable intérêt s’il avait effectivement réussi à dépoussiérer les univers auxquels il réfère. Dans son final, le film pense y être parvenu. Or, il ne suffit pas de couper les cheveux de son héroïne et de lui enfiler des bottines en cuir pour faire d’elle une figure féminine moderne. Durant les 89 premières minutes, Evie est décrite et agit comme une victime typique du film d’épouvante traditionnel. Tant et si bien qu’il devient difficile de croire à son soudain revirement lors du dernier quart d’heure.
Dernier quart d’heure, ponctué d’ailleurs d’effets numériques aussi laids que de mauvais goût, qui ajoutent au comique pathétique et involontaire du crescendo final. Car LE BAL DE L’ENFER est assurément un gâchis. Le film ne trouve jamais d’équilibre entre modernité et classicisme et se perd même dans ce que le cinéma contemporain a pu produire de pire. Il offre une final girl plus qu’ordinaire, dans la lignée de celles des films d’horreur médiocres de ce siècle. D’autant plus décevant que les intentions étaient bonnes… Elles manquaient certainement juste d’un peu de talent.
Lily Nelson
• Réalisation : Jessica M. Thompson
• Scénario : Blair Butler
• Acteurs principaux : Nathalie Emmanuel, Thomas Doherty, Alana Boden
• Date de sortie : 24 août 2022
• Durée : 1h46min