Enfin, le voilà ! Après des mois de teasing acharné et des semaines d’attente, nous avons (enfin) pu découvrir ce fameux LOUP DE WALL STREET. Cinquième collaboration entre Scorsese et DiCaprio, le film avait tout pour (nous) plaire sur le papier. Premièrement, après les excellents INFILTRES (2006) et SHUTTER ISLAND (2010), nos deux grands hommes préférés remettaient le couvert et nous avions la promesse d’une œuvre unique. Deuxièmement, avec un scénario confié à Terence Winter, déjà à l’œuvre sur LES SOPRANOS et BOARDWALK EMPIRE, nous pouvions commencer à faire le plein d’adjectifs qualificatifs plus élogieux les uns que les autres. Troisièmement, mettre en scène la vie de l’ex-courtier en bourse Jordan Belfort était une idée de génie, tant la vie du new-yorkais a été pleine en rebondissements. Dernièrement, avec des seconds rôles campés par Jonah Hill (LE STRATEGE), Kyle Chandler (ZERO DARK THIRTY) et Matthew McConaughey (MUD), parler d’impatience pour évoquer l’état dans lequel nous étions serait un euphémisme. Mais après projection et un moment de réflexion, LE LOUP DE WALL STREET s’avère être une déception sans nom. Explications.
Le talent de Martin Scorsese n’est plus à démontrer, c’est un fait avéré. En choisissant d’adapter à l’écran la vie de Jordan Belfort, courtier américain célèbre pour avoir été en prison pour détournement de fonds et blanchiment d’argent dans les années 90, le réalisateur de GANGS OF NEW YORK nous faisait une fleur. En effet, lui seul était capable d’illustrer la décadence et les rouages de la finance de cette époque avec autant de soin. Qui plus est, avec Martin Scorsese au volant d’un tel bolide, Leonardo DiCaprio se révèle être un choix non pas judicieux mais surtout logique. Car qui de mieux placé que le jeune Roméo de ROMEO + JULIETTE, l’emblématique Jack Dawson du TITANIC et le clinquant Gatsby de GATSBY LE MAGNIFIQUE pour interpréter ce Jordan Belfort, jeune loup impressionnable, influençable, versatile et cupide ? Avec son jeu d’acteur qui ne fait que se bonifier avec le temps, avec cette prestation qui pourrait enfin lui valoir l’Oscar du meilleur acteur, avec ce rôle hallucinant et halluciné et avec ses adresses directes dignes de HOUSE OF CARDS, Leonardo DiCaprio réussit presque le pari fou de nous tenir en haleine pendant les 3 heures de ce trip egomaniac à la psychologie inexistante. Un exploit !
Racoleur et cynique, à la limite de la misogynie, de l’homophobie et de l’apologie de la défonce.
De son côté, se sachant doté d’une liberté absolue de par son statut, Martin Scorsese se fait plaisir et illustre les excès de cette décennie comme aucun réalisateur n’avait eu le courage de le faire jusque-là. Des seins, des rails de cocaïne. Des fesses, des liasses de billets. Des entrejambes à peines cachées, des pilules par dizaines. Tout prétexte est bon à prendre pour montrer l’ascension puis l’inévitable chute du « Wolfie ». Par chance, Leonardo DiCaprio est accompagné du bluffant Jonah Hill. Ensemble, ils forment un duo absurde, ridicule mais furieusement drôle. Et c’est finalement cela, parmi les quelques points positifs de ce LOUP DE WALL STREET, que nous préférons retenir : les scènes comiques. Si le filme traite d’un sujet grave (la cupidité et l’absence de moral des courtiers), seules les scènes burlesques ont su retenir toute notre attention.
Disons le clairement, 3 heures c’est long. Vraiment très long. Bien que LE LOUP DE WALL STREET puisse se targuer d’être une œuvre complète, le film ne cesse d’osciller entre biopic, drame, comédie potache, thriller et film policier. Cette hybridation ne retire cependant pas les ¾ moments où nous avons regardé notre montre. Le film est sans aucun doute une œuvre complexe où tout (ou presque) mérite d’être raconté de manière originale, on ne peut passer outre les longueurs. A l’image de cette scène dans laquelle Jonah Hill se masturbe devant Margot Robbie lors de son intronisation, cette autre où Leonardo DiCaprio se laisser aller à quelques pratiques SM ou encore celle où il découvre l’effet paralysant d’un certain calmant. Le tout est absurde et grotesque, se veut illustrer une certaine décadence mais tend davantage vers la surenchère. Ne nous mentons pas : en voyant Leonardo DiCaprio ramper jusqu’à sa voiture et Jonah Hill s’étouffer avec du jambon, on se demande à quoi pensait Martin Scorsese. Et si même il pensait à ce moment-là ! Car avec des passages aussi ridicules, on pense immédiatement aux comédies estampillées « Judd Apatow », aux gags de Jim Carrey et aux maladresses des frères Farrelly. Mais certainement pas au grand Martin Scorsese, oh ça non !
Etre un réalisateur de génie permet plus de liberté mais implique plus de responsabilités et fait croître les attentes. Et il va sans dire que ce n’est pas LE LOUP DE WALL STREET que nous préférons dans la filmographie du septuagénaire aux multiples casquettes. Son dernier film manque cruellement d’intérêt à nos yeux et tombe si vite dans la facilité que ça en deviendrait presque pathétique. Pour mettre en lumière le fait que les courtiers de l’époque avaient des besoins insatiables, Martin Scorsese nous accable d’une avalanche de bimbos siliconées, écervelées, inutiles et sans saveur. Histoire de nous faire comprendre que son loup avait incroyablement faim. La preuve en est avec Margot Robbie (IL ETAIT TEMPS), actrice de seconde zone qui campe ici une Naomi Belfort vulgaire et hystérique, intéressante uniquement lorsqu’elle veut protéger ses enfants. Triste. Pour introduire le rôle et l’importance de la cocaïne dans le milieu de la finance, c’est Matthew McConaughey qui s’y colle. Talentueux, brillant et incroyablement bon, l’acteur texan de 44 ans doit se contenter de quelques scènes au début du film. Sérieusement, Martin ? Pourquoi ? Et comme si ce n’était pas suffisant, c’est le petit Français apparemment devenu « bankable » Jean Dujardin (THE ARTIST) qui joue le rôle du banquier suisse aussi bête que ses pieds. Tragique. Pour finir, LE LOUP DE WALL STREET devient rapidement une suite de scénettes plus ou moins comiques, mais surtout vulgaires. Nous sommes ravis d’apprendre que déjà à l’époque, les hommes aimaient les levrettes, s’intéressaient aux plans à trois et étaient fascinés par les cunnilingus. Affligeant. A l’image de ce twist prévisible qui veut que Jordan Belfort ait refusé de raccrocher les crampons au moment où il aurait du et rallonge le film d’une heure absolument dispensable.
Long et épuisant, LE LOUP DE WALL STREET est une œuvre racoleuse et cynique, à la limite de la misogynie, de l’homophobie et de l’apologie de la défonce. Sans morale, le film vaut essentiellement pour son Leonardo DiCaprio au sommet de son art. En d’autres termes, c’est une petite déception.
Jordan Belfort est un courtier en bourse qui a notamment passé 20 mois en prison pour avoir participé à une gigantesque arnaque, et qui a dévoilé la corruption régnant à Wall Street aux États-Unis.
• Titre original : The Wolf of Wall Street
• Réalisation : Martin Scorsese
• Scénario : Terence Winter
• Acteurs principaux : Leonardo DiCaprio, Jonah Hill, Kyle Chandler, Matthew McConaughey, Margot Robbie
• Pays d’origine : Etats-Unis
• Sortie : 25 Décembre 2013
• Durée : 2h59
• Distributeur : Metropolitan FilmExport
• Bande-Annonce :
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