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Ancrée dans l’épouvante britannique du début des années 70, LE MANOIR DES FANTASMES tente de moderniser un genre alors poussiéreux. Malgré ses efforts, le film de maison hantée de Don Sharp sent effectivement fort la naphtaline, mais tient ses promesses, notamment grâce à son casting de vedettes solide.
Des fantômes en héritage
Ancien acteur de théâtre, l’Australien Don Sharp s’exile à Londres après la Seconde Guerre mondiale pour concrétiser ses rêves de cinéma. Terre de la Hammer fondée en 1934, l’Angleterre exploite alors le filon horrifique dans son cinéma d’exploitation. Le genre s’étoffe peu à peu, et du Monster feature à la Frankenstein, les tendances évoluent peu à peu vers le film d’aventure fantastique et vers les récits de maisons hantées. Don Sharp s’illustre alors à la réalisation dans ces deux registres, avec notamment Le Masque de Fu-Manchu en 1965 et LE MANOIR DES FANTASMES en 1973.
Ce second métrage raconte comment le mystérieux Edward Foster parvient à obtenir le testament d’un ancien notable, Andrew Marr, sur son lit de mort. Il lui révèle alors avoir caché sa fortune derrière un mur de sa maison, un vieux manoir gothique dans la plus pure tradition britannique. Or, une fois sur place, Foster semble perdre la raison, assailli par des visions du passé de Andrew Marr. On découvre alors que Foster nourrit une étrange ressemblance avec Marr dans ses jeunes années, au point que leurs deux personnages en viennent à se confondre.
Une redite de Hill House
LE MANOIR DES FANTASMES est avant tout servi par un casting trois étoiles, avec Robert Hardy, future star de la télé anglaise en personnage principal, ainsi que Herbert Lom, ancien fantôme de l’opéra dans l’adaptation de 1962, et Christopher Lee, gloire de l’horreur britannique, dans les rôles secondaires. Pas en reste, Joan Collins, alors plus connue pour Fille sur la balançoire de Fleischer et pour ses comédies à succès que pour son rôle dans Dynastie, campe une vamp prête à tout pour séduire Foster et lui spoiler l’héritage. On retrouve également une jeune Jane Birkin, captivante dans le rôle d’un fantôme énigmatique.
Au visionnage, on ne peut s’empêcher de constater des similitudes entre le film de Don Sharp et La Maison du Diable de Robert Wise, brillante adaptation du roman The Haunting of Hill House de Shirley Jackson, sorti dix ans plus tôt. En effet, le manoir gothique qui semble repousser son nouveau locataire paraît étrangement familier. De même pour la confusion entre surnaturel et troubles psychiatriques, induite par la survenue intempestive des fantômes du passé. Toutefois, LE MANOIR DES FANTASMES reste loin de surpasser son aïeul, tant sur le fond que sur la forme.
Oubliable mais distrayant
En effet, sur le plan parapsychologique, le scénario n’atteint jamais la profondeur de son modèle et se contente de révéler la folie de son personnage principal pour seul et unique élément de résolution. Là où La Maison du Diable brassait, à travers son fantastique, différentes thématiques d’une modernité alors remarquable, telles que les questionnements sur l’orientation sexuelle de l’une de ses protagonistes. À l’inverse, LE MANOIR DES FANTASMES se révèle même plutôt vieux-jeux et s’ancre dans le pendant plus réac que progressiste de la période charnière des années 70, avec des personnages féminins, tantôt avides, tantôt libidineux, et dépendants d’un masculin fort.
Pourtant, le film tente de coller à cette époque post Code Hays, et ose montrer davantage de violence et de sexe. Malheureusement, ces éléments graphiques ne parviennent pas à moderniser le propos. Nonobstant, LE MANOIR DES FANTASMES ne constitue pas l’une des pires itérations du film de maison hantée. Don Sharp reste un honnête faiseur de séries B et si sa mise en scène ne révolutionne pas le genre, elle se révèle néanmoins agréable et maîtrisée. Le réalisateur sert une fable gothique dans la lignée des productions de son époque, certes oubliable, mais distrayante pour peu que l’on apprécie ce type de récit.
Lilyy Nelson