A partir de quand, de quel stade, décide-t-on qu’un homme est homosexuel ? Quand sait-on que l’on est (ou pas) homosexuel ? Telles sont deux des questions que pose LES GARÇONS ET GUILLAUME À TABLE !. Première réalisation de Guillaume Gallienne, acteur issu de la Comédie française (rien que ça), le film est une comédie bien à part, à la fois légère et profonde. Bref, c’est une pépite. Adapté de son one man show, Guillaume Gallienne livre ici l’un des meilleurs films de l’année. Explications.
Fasciné par sa mère, Guillaume grandit dans l’idée que, pour plaire à celle-ci, il doit être une fille. Ou du moins, il doit se comporter comme tel. Voilà le point de départ du film. A partir de là, l’acteur-réalisateur fait le récit d’une enfance qu’il a passé à imiter sa mère et à reproduire ses moindres faits et gestes. De ses disputes avec ses frères (les fameux « garçons » du titre), à l’incompréhension de son père, en passant par ses premiers émois amoureux, rien n’est laissé de côté. Et cela, pour notre plus grand bonheur.
Touchant, drôle et jubilatoire, la plus belle lettre d’amour qu’un fils puisse écrire à sa mère.
Première particularité du film, il alterne entre plans montrant Guillaume sur scène et d’autres illustrant le récit de son enfance. Grâce à une voix-off en contrepoint, Guillaume Gallienne nous fait voyager avec lui et revivre les moments de sa vie qui ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui. De plus, en interprétant son propre rôle ainsi que celui de sa mère, le comédien réalise ici un tour de force majeur : être deux personnes, deux personnages, les faire se ressembler et se différencier, sans jamais nous perdre tout au long des 86 minutes qui composent ce long-métrage. Car c’est tout là l’enjeu de cette comédie : montrer la volonté d’un enfant qui pense apprendre à se connaître en étant confondu avec sa mère. Cette dernière, personnage qu’il idéalise, qu’il idolâtre, qu’il met dès le début sur un piédestal (« Elle est géniale ma mère. En fait, je crois qu’elle n’a aucun défaut ! »), qui l’obsède et qui rend le film si drôle. Car il faut bien reconnaître que les scènes dans lesquelles Guillaume Gallienne se dédouble contiennent les dialogues les plus émouvants, les plus savoureux et les plus jouissifs.
Mais le film vaut aussi pour la psychologie complexe de son réalisateur. Au-delà de son problème oedipien, LES GARÇONS ET GUILLAUME À TABLE ! traite de la quête d’identité (sexuelle). Thème qui, quelques mois après le débat sur la mariage homosexuel, reste d’actualité. Considéré comme une fille par une mère charismatique et incompris par un père habitué aux fils virils, Guillaume grandit dans un entre-deux. Un entre-deux qu’il ne saisit pas et dont il ne sait pas comment se sortir. Supposant que s’il ne peut être une fille mais qu’il aime un garçon c’est qu’il est homosexuel, Guillaume se lance dans des aventures un peu folles qui le font côtoyer quelques figures phares de la communauté gay. Une communauté qu’il ne comprend pas puisqu’il se pourrait qu’il n’en soit pas. Mais à travers des scènes que certains jugeront « trop clichées », Guillaume Gallienne illustre les propos énoncés par l’une de ses tantes : « Tant que t’as pas essayé, tu peux pas savoir. » Fil conducteur du film, la quête d’identité de Guillaume s’accompagne d’un autocentrisme assumé. Guillaume Gallienne SE dédouble dans un film qui fait l’éloge de SA mère. Et alors ? Le rendu est si époustouflant et incroyable qu’un processus d’identification s’engage automatiquement et de manière naturelle. Comme lorsqu’il s’imagine en personnage fictif et mythique ou lorsqu’il se rend compte de la non réciprocité de ses sentiments à l’égard de l’un de ses camarades. Peu importe l’orientation sexuelle ou la situation familiale, le film touche à un moment ou un autre.
Aidé par le récit d’un parcours initiatique unique et fédérateur à la fois, LES GARÇONS ET GUILLAUME À TABLE ! se place en prototype de la comédie française parfaite : une succession de scènes plus comiques les unes que les autres mais qui poussent toutes à la réflexion. Touchant, drôle et jubilatoire, le premier film de Guillaume Gallienne est la plus belle lettre d’amour qu’un fils puisse écrire à sa mère, celle qui lui a appris à aimer les femmes. Petit plus : la participation de Diane Kruger sublime le meilleur film sur le coming-out hétéro.
NOTE DE L’AUTEUR
[rating:9/10]
Le premier souvenir que j’ai de ma mère c’est quand j’avais quatre ou cinq ans. Elle nous appelle, mes deux frères et moi, pour le dîner en disant : « Les garçons et Guillaume, à table ! » et la dernière fois que je lui ai parlé au téléphone, elle raccroche en me disant : « Je t’embrasse ma chérie » ; eh bien disons qu’entre ces deux phrases, il y a quelques malentendus.
• Titre original : Les garçons et guillaume, à table
• Réalisation : Guillaume Gallienne
• Scénario : Guillaume Gallienne
• Acteurs principaux : Guillaume Gallienne, Diane Kruger, Françoise Fabian, André Marcon, Nanou Garcia
• Pays d’origine : France
• Sortie : 20 novembre 2013
• Durée : 1h26
• Distributeur : Gaumont Distribution
• Bande-Annonce :
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