Pour LES MEILLEURES INTENTIONS, son premier film, la réalisatrice argentine Ana García Blaya se plonge dans son passé et revisite la séparation de ses parents : un long-métrage simple et touchant, mais a-t-il plus à proposer que de bonnes intentions ?
L’une des problématiques soulevées par le film « autobiographique », et en même temps son intérêt premier, c’est la question du point de vue : quel recul porte-t-on sur sa propre histoire ? LES MEILLEURES INTENTIONS s’éloigne du fantasme du couple parfait pour rejoindre un autre imaginaire : celui de la séparation. D’un côté, un père immature, grand enfant qui peine à assumer son propre rôle ; de l’autre, une mère sévère, contradiction sémantique du précédent. Les deux, malgré leurs caractères opposés, aiment leurs enfants plus que tout. Ana García Blaya puise dans ses souvenirs, et ce n’est pas totalement un hasard qu’y naissent des stéréotypes. Quoi de plus biaisé que le regard d’un enfant ? Quand l’insouciance se mue en générosité, quand la sévérité se teint d’incompréhension – les raccourcis, touchants mais typiques, amputent peut-être LES MEILLEURES INTENTIONS de toute nuance. Derrière l’évidence, pourtant, une interrogation : et si c’était tout son intérêt ?
De qui ce sont des Meilleures intentions, au juste, sinon des yeux candides d’un enfant qui ne projette que son bonheur de l’instant pour justifier les actes de ses parents. C’est là que réside la poésie rock et timide du film d’Ana García Blaya : cette pudeur des mauvais souvenirs, desquels ne subsistent que d’insouciantes sensations d’allégresse, des figures mythiques, des lieux lointains de fantasme. Une retenue qui rappelle Kore-eda, les guitares en plus, la verbosité latine substituant les silences nippons – tout se joue dans les mots et non dans leur absence. Mais le discours, fondamentalement proche, celui d’une réalité subtilement altérée : chez Kore-eda par la pudeur sociétale, chez Blaya par la roue du temps.
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La limite de LES MEILLEURES INTENTIONS est davantage formelle. Cette incertitude de ce qui est réel, de ce qui est transformé, de ce qui est fiction, Blaya fait l’erreur de la souligner avec un procédé vide d’intérêt : des images d’archives, posées ici et là, d’une vie de famille oubliée. On vire alors au documentaire, et l’intelligence funambule du reste du film et de ces questions ambiguës d’un souvenir altéré tombent à l’eau de la plus lourde des façons. C’est d’ailleurs la seule tentative visuelle du film, qui du reste s’enferme dans une routine de mise en scène sans grande ambition, faite d’espace clos éclairés par des écrans cathodiques, dont les rares sorties ne s’essaient même pas à nous évader. Si on sent que LES MEILLEURES INTENTIONS intentions s’aventure parfois vers l’esthétique de sa décennie (notamment avec les images « caméra de vacance », logiquement), jamais il n’en capte la complexité, les symboles (les folies MTV, l’affichage entrelacé, l’avènement du 4/3) – comme avait pu le faire 90s de Jonah Hill, l’année dernière. Un peu paradoxal pour un film se voulant punk, rock, alternatif, mais cela reste un choix de ne pas s’y abandonner – pourquoi nous tenter, alors
Convaincant dans ses portraits incertains, LES MEILLEURES INTENTIONS intentions peine à transformer : un film simple, resserré, anémique. De cette simplicité, certains font le choix du sensationnel. Blaya, elle, a choisi l’épure : pour le mieux, peut-être ? Ce premier film, bien raconté, tâtonne encore. Et si on y trouve des pistes prometteuses, on n’y voit aucun accomplissement. Demeure une chronique touchante et minimaliste, dont l’élément le plus mémorable restera la puissance intime de ses interprètes, et la candeur attachante de ses belles intentions.
Vivien
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• Réalisation : Ana García Blaya
• Scénario : Ana García Blaya
• Acteurs principaux : Javier Drolas, Amanda Minujín, Sebastián Arzeno
• Date de sortie : 15 juillet 2020
• Durée : 1h27min