Pour son premier long métrage, LES MÉTÉORITES, Romain Laguna dresse le portrait d’une jeune fille en devenir. C’est beau, vivifiant et d’une grande sensorialité.
LES MÉTÉORITES, le premier long métrage de Romain Laguna, est un film d’une grande sensorialité, qui met littéralement en lumière les cinq sens de son héroïne Nina (Zéa Duprez). Le réalisateur donne à voir une jeune fille en totale osmose avec la nature qui l’entoure, ouverte à sa découverte. Tout en étant résolument moderne, sa perception du monde est plus en éveil que celle de la majorité de ses congénères. Elle n’a d’autre projet d’avenir que de vivre le moment présent, quand tous ceux qu’elle côtoie ne parlent que de leurs ambitions à la rentrée. Son ami Alex (Nathan Le Graciet) a prévu de partir à l’armée et ses camarades du parc de dinosaures dans lequel elle travaille durant l’été ont trouvé un job ou poursuivent leurs études.
Ce qui est une véritable réussite dans le film, c’est qu’il offre tout autant au spectateur la possibilité de partager un moment de la vie d’une jeune fille au fort caractère que de suspendre un temps sa propre vie et y trouver matière à réflexion. Il lui permet en effet de lâcher prise et de reprendre son souffle, aux côtés de Nina, dans une vie effrénée qui le submerge peut-être. Car LES MÉTÉORITES, à la manière d’un film empirique de Terrence Malick, rappelle subtilement au spectateur l’impérieuse nécessité de ne pas perdre de vue la beauté simple de la nature et de se souvenir qu’elle peut aussi se révéler un allié.
Happé dans le sillage de Nina, que la caméra empathique ne lâche pas d’une seconde, on écoute ainsi le bruit du vent dans les feuilles, de l’eau qui coule sur les rochers, de la pluie sur la route mais aussi le silence. Quand Nina goûte des mûres, on sent presque la saveur de leurs grains craquer dans notre bouche et lorsqu’elle renifle les pages d’un livre, notre mémoire s’active et nous rappelle leur odeur caractéristique. Enfin, quand Nina réchauffe son corps au soleil, notre propre corps peut presque ressentir le bénéfice de sa chaleur.
Belle chronique d’un été, LES MÉTÉORITES dresse le portrait sensible d’une jeune fille en devenir.
Les yeux de Nina sont donc grands ouverts et elle n’en revient pas d’être la seule à apercevoir un soir la chute d’une météorite dans la montagne. Elle qui a arrêté l’école sans pour autant ressentir de complexe d’infériorité, s’éduque seule. Regardant un film projeté dans le centre, elle découvre ainsi l’influence que les météorites ont eu sur la terre, notamment en provoquant la disparition des dinosaures. Et le parallèle se faisant naturellement, Nina ne peut s’empêcher de penser que cette météorite fascinante a peut-être un pouvoir et qu’il faut voir en sa venue le signe que quelque chose va advenir dans sa vie. Mais quoi ? Comment interpréter les signes ? Et faut-il tout interpréter, au risque de se tromper?
Bille en tête, elle s’imagine que sa rencontre avec Morad (Billal Agab), le frère de sa copine Djamila (Oumaima Lyamouri), est peut-être ce signe. Nina se lance à corps perdu dans cette aventure amoureuse avec le jeune homme d’une autre culture, que son ami Alex lui déconseille pourtant de côtoyer. Car le film se situe dans la région de Béziers et le contexte du racisme qui y prospère est évoqué en filigrane. Mais Nina n’a pas d’a priori et encore moins froid aux yeux. Elle est capable de faire preuve d’une grande détermination pour obtenir ce qu’elle veut, et ce n’est pas la bande de copains de Morad ou celle des jeunes filles qui viennent acheter de la drogue à Morad, qui vont lui faire peur.
Comme tous les jeunes de son âge, elle fait des expériences : elle boit, se drogue, danse, fait l’amour. Habituée à se débrouiller seule, prenant exemple sur sa mère qui vit sa vie de femme de son côté, Nina a un rapport naturel à son corps et aux autres. LES MÉTÉORITES, qui évite fort heureusement les facilités scénaristiques, met d’ailleurs très bien en évidence la question du jeu de pouvoir, presque sauvage, qui existe entre les deux jeunes gens. Le pouvoir de ne pas montrer que l’on s’attache, de ne pas dépendre l’un de l’autre, de ne pas être un objet ou de refuser que l’un décide pour l’autre. Car Morad et elle se disputent souvent, mais Nina ne lâche rien. Le film, coécrit par deux hommes – le réalisateur et Salvatore Lista– est sans conteste une ode à cette nouvelle génération de jeunes filles qui, telles des guerrières, n’envisagent que des rapports égalitaires avec les garçons, n’écoutent que leurs désirs, leurs envies et leurs besoins et font fi des injonctions patriarcales de la société.
La fraîcheur et le naturel du film proviennent aussi du jeu des acteurs non professionnels, tels Zéa Duprez, formidable dans son premier rôle, qui fait penser à Noée Abita dans Ava. Ces visages inconnus à l’écran ne parasitent nullement l’histoire simple mais très forte de LES MÉTÉORITES. Belle chronique d’un été, le film dresse le portrait sensible d’une jeune fille en devenir. Une jeune fille dont on aimerait avoir des nouvelles d’ici une quinzaine d’année, si les coscénaristes veulent bien évidemment se remettre au travail et nous raconter le chemin de vie de Nina, avec ou sans météorites.
Sylvie-Noëlle
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• Réalisation : Romain Laguna
• Scénario : Romain Laguna, Salvatore Lista
• Acteurs principaux : Zéa Duprez, Billal Agab, Oumaima Lyamouri
• Date de sortie : 8 mai 2019
• Durée : 1h25min