Loin du chef-d’œuvre, le nouveau sequel de L’Exorciste produit par les écuries Blumhouse souffre de certains aspects grossiers et caricaturaux. Toutefois, en tant que film de possession, il se place nettement au-dessus de la moyenne des productions actuelles.
L’Exorciste Kills
Après avoir ressuscité la saga Halloween pour le compte de la société de production Blumhouse, David Gordon Green est à présent chargé de donner un coup de frais au classique du film de possession, L’Exorciste. Sur le papier, en soi, l’idée n’est pas mauvaise. Car s’ils divisent l’opinion, les trois Halloween de Gordon Green se distinguent tout de même par une réalisation soignée et un héritage assumé de son matériau d’origine, duquel il parvient tout de même à s’émanciper – que l’on apprécie ou non la direction prise. Par ailleurs, là où Halloween s’était perdue dans un capharnaüm de suites toutes plus ou moins bancales, L’Exorciste a connu un développement en saga particulier. On compte effectivement : un deuxième volet mal perçu à sortie mais peu à peu réhabilité, un troisième épisode complètement halluciné, lui aussi, progressivement réévalué, ainsi que deux étranges prequels des années 2000 plutôt passables, pour le coup oubliables et oubliés.
Quatre (voire cinq) films seulement, contre huit pour la saga Halloween – si l’on excepte les deux remakes de Rob Zombie. En dehors du maître-étalon réalisé par Friedkin en 1973, le champ d’action restait donc encore vaste pour Blumhouse, qui a pourtant choisi de rejouer la même partition que pour les derniers Halloween – à savoir : « On efface tout et on recommence. » Ainsi donc, L’EXORCISTE : DÉVOTION se place comme une suite directe à l’illustre premier opus de la saga. Pourquoi pas ? Si ce n’est qu’au lieu de créer un lien cohérent avec le film original comme dans le premier Halloween de 2018, nous avons ici l’impression de regarder un film de possession, comme il en existe tant d’autres, tenter de se raccrocher cahin-caha à l’univers de L’Exorciste premier du nom. Car, si Ellen Burstyn reprend bien le rôle de Chris MacNeil (la mère de Regan), sa présence reste expéditive et fort peu utile au développement du récit.
Pas si mauvais…
Cependant, malgré toute la haine qu’il dissémine sur son passage, L’EXORCISTE : DÉVOTION se révèle loin de la purge annoncée. Nul doute que Gordon Green sait tenir une caméra. De plus, le montage apporte quelques morceaux de bravoure, notamment ce passage oppressant où les deux petites filles sont auscultées par différents médecins, après avoir disparues pendant trois jours. Comme l’on peut s’en douter, elles se sont hasardées à un rituel mystique dans les bois, avant de revenir chacune dans leurs familles, possédées par ce bon vieux démon Pazuzu. Étonnement, la colorimétrie se révèle assez claire et le bleu prédomine, là où le reste des films de possession s’orientent plus naturellement vers le noir, le vert et le rouge – selon le modèle de L’Exorciste de 1973 d’ailleurs. Or, si l’on occulte la connexion artificielle entre L’EXORCISTE : DÉVOTION et son matériau d’origine, peu d’éléments permettent réellement de lier les deux œuvres entre elles.
En réalité, ce nouvel opus n’a d’EXORCISTE que le nom, puisqu’il s’agit ni plus ni moins que d’un énième film d’exploitation surfant sur les derniers ressacs de la vague Conjuring. Parmi les films de possession sortis chaque année depuis plus de dix ans maintenant, L’EXORCISTE : DÉVOTION se place légèrement au-dessus de la moyenne, avec une mise en scène tout de même honorable, malgré quelques mauvais effets spéciaux numériques – dont l’on se serait évidemment bien passés. De là à le qualifier de chef-d’œuvre… N’exagérons rien. Bien loin des partis-pris osés du triptyque Halloween, L’EXORCISTE : DÉVOTION ne fait que remplir un cahier des charges, si bien qu’il tombe par trop souvent dans la caricature grossière. Une bonne idée émane cependant de l’ensemble, avec cette volonté de rappeler que l’acte d’exorcisme n’est pas propre à la religion chrétienne. En effet, le film évoque une vérité cruciale, dans la mesure où l’exorcisme est bien une pratique qui transcende les cultures.
Mais un peu raté quand même
Dans les différentes croyances, c’est moins la foi en un Dieu précis qui agit sur le possédé, mais plutôt la dévotion en elle-même du collectif – peu importe que l’on prie Jésus, Vishnou ou la licorne rose invisible. N’en déplaise aux détracteurs qui qualifient L’EXORCISTE : DÉVOTION de « wokiste », mais la volonté de montrer à l’image différentes formes du rituel d’exorcisme n’est pas si idiote et, au contraire, dénote d’un certain renouveau dans le cinéma d’horreur grand public. Cependant, le film de David Gordon Green souffre par là même d’un mélo sirupeux, avec des excès de charité chrétienne mièvre et surtout, une happy end interminable, saupoudrée d’un caméo tire-larmes à la limite du supportable. Ceci étant dit, force est de rappeler le caractère véritablement ingénu de certaines communautés religieuses, où l’altruisme reste une valeur fondamentale – sans pour autant fermer les yeux sur leurs possibles dérives pourtant peu évoquées dans le film.
Nonobstant, L’EXORCISTE : DÉVOTION s’annonce comme un nouveau triptyque. À voir ce que nous réserve la suite. Compte tenu du développement surprenant des trois Halloween, peut-être sommes nous tombés dans le panneau en interprétant cette happy end mielleuse au premier degré. Toutefois, malgré cet espoir, il semblerait que ce premier film ait bel et bien été écrit comme un stand alone. En effet, bien que Blumhouse prévoit effectivement trois films, ses deux suites n’ont pas encore de scénario. Et ce, en raison de la grève qui paralyse actuellement Hollywood. Dans ce contexte, difficile d’imaginer quelle direction Gordon Green compte donner à ce nouveau reboot. En l’état, on se contente d’un premier film médiocre, loin de la promesse annoncée et malheureusement risible. Gageons que la suite nous surprenne et nous donne tort, au risque d’essuyer une nouvelle déception.
Lilyy Nelson