l'ordre Moral
© 2020 Alfama Distribution

L’ORDRE MORAL, un portrait manqué – Critique

Dans ce biopic qui oublie de s’arrêter pour reprendre son souffle, Maria de Medeiros s’en sort sans une goutte de sueur, signant par sa seule présence le beau portrait d’une femme qui voulait être une actrice. Mais sa prestation ne sauve pas le film d’un classicisme barbant et d’un manque de prise de position.

L’ORDRE MORAL, ce titre un peu pompeux et abstrait, nous fait désirer que le réalisateur, Mario Barroso en ait choisi un plus simple : Maria, à la fois Maria Adelaide Coelho da Cunha, l’héritière au cœur du film et Maria de Medeiros, son incarnation. C’est le portrait de cette femme que l’on aurait aimé voir plutôt que sa biographie, parcourue à un rythme effréné, bondissant d’une scène à une autre sans s’y attarder. Maria de Medeiros, exceptionnelle, met tout en œuvre pour donner du corps à son personnage en investissant un jeu physique qui sauve de nombreuses scènes de dialogues dignes d’un soap opera ou de théâtre de boulevard. Quel bonheur de la voir s’y reprendre à deux fois pour venir s’asseoir à la table du petit-déjeuner dans une séduction toute théâtrale face à deux hommes indifférents. Chacune de ses entrées est une apparition.

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L’actrice semble être la seule à avoir compris l’enjeu du film. Sur son visage, on lit la crainte de vieillir en tant que femme et en tant qu’actrice. Si Maria Adelaide se met au théâtre en vieillissant, c’est qu’elle le sait : les actrices ne vieillissent pas. A les voir disparaître les unes après les autres, c’est quand on revoit un visage familier comme celui de Maria de Medeiros qu’on se rappelle qu’elles ont bien vieilli mais que le cinéma les a oubliées. Une des réussites du film est d’ailleurs de voir considérer le théâtre comme le symptôme de l’hystérie d’une femme ménopausée : faut-il bien être folle pour jouer la comédie ?

Mario Barroso tenait dans cette peur du vieillissement un sujet infini auquel il semble s’intéresser dès la scène d’ouverture avec les cheveux blancs de l’actrice en gros plan, un poème consacré à ceux-ci en voix-off. Mais le film en veut plus, plus qu’il ne peut se le permettre. Cette heure quarante oblige l’intrigue à courir à grand-peine après l’idée d’embrasser la vie de Marie Adelaide ainsi que le portrait d’une époque et de porter des combats aussi variés et puissants que la lutte des classes ou la comparaison des traitements entre les hommes et les femmes, réduisant la thématique du vieillissement à une coquetterie de cinquantenaire. C’est trop et évidemment pas assez.

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Si quelques scènes de groupe avec de nombreux personnages en arrière-plan s’avèrent très réussies par un jeu sur les ensembles (à l’hospice où les bourgeoises sont accueillies par un concert de toux maladives ou dans la cuisine où les servantes font briller l’argenterie en chœur), c’est aussi tout ce que les personnages sont dans le film : des arrière-plans. Même quand ils deviennent le cœur d’une scène, ils ne laissent aucune trace sur l’évolution de Maria Adelaide et sur le spectateur. Qui se souviendra de ce qui est arrivé à cette jeune domestique qui doit se faire avorter du fils de Maria Adelaide tant son intrigue ne résonnera en rien par la suite ? Les personnages secondaires peuplent des tableaux figés, au demeurant très réussis dans leur composition et l’utilisation récurrente du clair-obscur rapprochant le film de la peinture baroque façon Rembrandt ou Vermeer.

Cette mise en scène picturale induit une forme de théâtralité dans les scènes de dialogue qui aurait pu être un atout du film si elle n’avait pas été, elle aussi, volée par le rythme général. La théâtralité est pourtant au cœur du film : quand Marie Adelaide joue au théâtre, quelle Maria est réellement en train de jouer ? Après une représentation, Maria Adelaide se justifie : Ce n’est que du théâtre, ce à quoi le psychiatre lui répond : Vraiment ? Et en effet, chez elle, le théâtre s’infiltre partout, dans sa façon de se vêtir comme dans des costumes, de se mettre en scène, de se regarder dans des miroirs. Maria de Medeiros rattrape le portrait moderne d’une actrice, noyée dans le classicisme de la biographie d’une héritière.

Mélanie Dagnet

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Titre original : Ordem Moral
Réalisation : Mário Barroso
Scénario : Carlos Saboga
Acteurs principaux :Maria de Medeiros, Marcello Urgeghe, João Pedro Mamede
Date de sortie : 30 septembre 2020
Durée : 1h41min
2.5
Décevant

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