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[critique] LOVELACE

Photo du film LOVELACE

Derrière chaque légende se cache une histoire. Voilà quel pourrait être le postulat de LOVELACE, la nouvelle co-réalisation de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, déjà auteurs du sublime HOWL en 2010. Pour leur 4ème collaboration, les deux hommes ont fait le pari risqué de mettre en scène la vie décadente de Linda Boreman, plus connue sous le nom de Linda Lovelace, premier rôle du film pornographique GORGE PROFONDE. Phénomène de masse dans l’Amérique des années 70, le film aurait rapporté plus de 600M$ à travers le monde à ce jour. Biopic revendiqué, le LOVELACE d’Epstein et Friedman tente de faire la part des choses dans la vie de celle qui deviendra par la suite l’une des plus grandes militantes féministes. Problème inné à tout biopic, la question de la véracité des faits prend tout son sens avec ce film. Porté par une héroïne naïve et qui se contredit plusieurs fois au cours de sa vie, le film ne peut donc pas être considéré comme véridique à tout point de vue. De ce fait, nous tenterons de garder en mémoire et d’analyser la diégèse du film uniquement.

A la fin des années 60, Linda étouffe au sein d’une famille dirigée par une mère (Sharon Stone ; ALPHA DOG, LARGO WINCH 2) aussi tyrannique que portée sur la religion. Âgée de 21 ans, Linda ne désire que vivre et s’amuser. En rencontrant Chuck Traynor (Peter Sarsgaard ; JARHEAD, BLUE JASMINE), elle ne peut résister à son charisme viril et décide de quitter le domicile familial pour l’épouser. En contrepartie, il lui fait l’apprentissage d’une liberté jusque-là insoupçonnée. Flatteur au-delà de la flatterie, Chuck persuade Linda de l’existence de multiples talents chez elle et l’incite à se laisser film pendant leurs ébats. Par la suite, amoureuse et soumise, elle accepte de jouer dans quelques scènes d’un film pornographique. En juin 1972, la sortie de GORGE PROFONDE l’a fait passer du statut d’inconnue à celui de superstar du X. Plus qu’encouragée par Chuck, la jeune femme saisit l’occasion et se lance dans sa nouvelle vie.

Photo du film LOVELACE

Le film intrigue, perturbe et dérange bien plus qu’il ne pousse à réfléchir sur la condition de la femme. Raté.

Avant d’être annoncé comme un biopic, LOVELACE est avant tout un drame, voire une tragédie, vu le destin de ses protagonistes. LOVELACE est un film dramatique sur une jeune fille particulièrement naïve et influençable, à qui on a appris à obéir. Pour camper ce rôle de composition, nous retrouvons avec plaisir l’excellente Amanda Seyfried (TIME OUT, LES MISERABLES) qui ajoute une nouvelle corde à son arc. Sensible et touchante, l’actrice désarçonne et fait réfléchir. Loin de la vie glamour et sulfureuse que l’on pourrait imaginer, elle nous fait pénétrer avec elle dans un univers aussi malsain que superficiel. Sans nous poser en militants anti-pornographie, il faut bien admettre que LOVELACE ne dresse pas un portrait alléchant du milieu. Milieu dans laquelle la jeune Linda ne peut percer que grâce à son « don » et qui la recrachera sans aucune honte une fois sa jeunesse passée. Pour le rôle du mari manipulateur, violent et immonde, les producteurs ont choisi Peter Sarsgaard. A mille lieux de ses précédents rôles, l’acteur a su donner énormément de consistance à un époux finalement très archétypal, levant la main sur sa femme pour ne jamais avoir à se remettre en cause. En plus d’interpréter les meilleurs rôles de leur carrière, Amanda Seyfried et Peter Sarsgaard forment un couple unique, beau, complexe et pourtant voué à l’échec. Chose que peu d’acteurs de notre génération arrivent à incarner, tombant trop souvent dans la facilité et la niaiserie.

Face à eux, c’est une ribambelle de seconds rôles qui s’enchaînent et s’emboîtent. A commencer par une Sharon Stone dérangeante et froide au début, qui réussit l’exploit de nous émouvoir lors de la séquence finale. De peu, elle nous aurait fait pleurer. Vient ensuite Adam Brody (Mr & Mrs SMITH, SCREAM 4). Cantonné aux rôles de grand ado trop drôle pour être pris au sérieux, à l’image d’un certain Ashton Kutcher, l’acteur déjà trentenaire apporte une dimension comique et hilarante à un film très sérieux dans son propos. Ou du moins dans le traitement qu’il en fait. Chris Noth, Chloë Sevigny et Wes Bentley viendront grossir les rangs. A l’instar de James Franco (LE MONDE FANTASTIQUE d’OZ, SPRING BREAKERS). Consternant et parfait, l’acteur campe un Hugh Hefner, fondateur et propriétaire du magazine Playboy, encore plus vicieux qu’il n’y parait.

Photo du film LOVELACE

C’est finalement sur le plan de la narration que le film pèche. Et malheureusement, pas qu’un peu ! Qui a eu l’idée sordide de faire d’innombrables sauts dans le temps ? Pourquoi déconstruire le récit d’une vie qui eut été plus intense s’il avait été montré de manière chronologique ? A force d’avancer et de reculer dans la vie de Linda Lovelace, les réalisateurs finissent par nous perdre et cela plus d’une fois. Bien qu’il ne dure que 92 minutes, LOVELACE semble être une accumulation de scénettes plus ou moins drôles, plus ou moins intenses, plus ou moins violentes. La mise en scène est originale, inattendue mais dessert malheureusement le film. Tout comme sa musique. Tapageuse et prétendument d’époque, elle ennuie et agace par son volume assourdissant et son cruel manque de pertinence. Entrecoupé de vidéos amateurs montrant les deux tourtereaux à la mer, en vacances, LOVELACE se donne l’esthétique d’un clip de Lana Del Rey. Pendant 3 minutes, c’est acceptable. Mais pas au-delà !

D’une brutalité certaine, tant dans son sujet que dans sa mise en scène, LOVELACE laisse perplexe. A mi-chemin entre biopic et drame familial, le nouveau film de Rob Epstein et Jeffrey Friedman narre avant tout l’histoire d’une fille qui a toujours voulu plaire sans jamais décevoir. Starlette avant l’apogée des starlettes, la filiation entre Linda Lovelace et Paris Hilton, Kim Kardashian et consœurs semble presque trop évidente. Le personnage que campe Amanda Seyfried attire la pitié mais nous laisse dans une incompréhension totale. LOVELACE version 2013 intrigue, perturbe et dérange bien plus qu’il ne pousse à réfléchir sur la condition de la femme. Raté.

NOTE DE L’AUTEUR
[rating:5/10]

Affiche du film LOVELACE

La vie de l’actrice pornographique Linda Lovelace, vedette de Gorge profonde, ses relations tumultueuses avec son mari et manager Chuck Traynor, puis son émancipation et son combat au sein du mouvement anti-pornographie.

Titre original : Lovelace
Réalisation : Rob Epstein, Jeffrey Friedman
Scénario : Merritt Jahnson, Andy Bellin
Acteurs principaux : Amanda Seyfried, Peter Sarsgaard, Adam Brody, James Franco, Sharon Stone, Wes Bentley, Chloë Sevigny, Chris Noth
Pays d’origine : Etats-Unis
Sortie : 8 janvier 2014
Durée : 1h32
Distributeur : Warner Bros. France
Bande-Annonce :

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=S6_a6qK78hc[/youtube]

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