Si le dernier film de Christophe Honoré n’a pas suscité tant d’intérêt et d’enthousiasme de la part de la critique, il semble tout de même que le réalisateur s’empare d’un sujet bien plus conséquent que la « simple » vie de famille de Chiara Mastroianni.
On la suit ainsi, jouant son propre rôle, en lutte avec le fantôme de son père et la forte présence de sa mère, Chiara est en pleine crise existentielle et professionnelle, elle se confronte aussi et surtout au deuil de son célèbre père : Marcello. Sa présence l’obsède jusqu’à ce qu’elle ressente le besoin étrange de devoir totalement l’incarner ; de la moustache, au costume, de la démarche à l’accent. Tout son entourage finira par le renommer Marcello.
On peut, naturellement, reprocher au film son « entre soi narcissique » ou le fait « qu’il se regarde » mais on ne peut lui enlever la question fondamentale qu’il pose : que garde-t-on de ses parents ? À quel point sommes nous soi et originaux ? Chiara, sans cesse comparée à sa mère, Catherine Deneuve, ou à son père, Marcello Mastroianni, semble souffrir de n’exister que dans leurs ombres, si certains doivent tuer le père, elle l’a totalement revêtu, totalement incarné, pour peut-être mieux s’en débarrasser. Et c’est probablement cette question qui habite le scénario de Christophe Honoré ici, peut-on vraiment devenir soi ? Lorsque nous sommes, que l’on veuille ou non, les réplicas de nos parents, comment composer avec un héritage qui se compose de gestuelles, de manières, de prononciations, de carrières ou de capitaux ? Certains se sont forgés contre leurs parents, mais pour Chiara c’est l’inverse : nourrie d’une fascination de l’enfant qu’elle était et piquée par le fantasme populaire qu’il a généré, elle trouve dans le spectre de son père, non pas quelque chose à barrer mais au contraire un personnage à habiter. Et ainsi, dans cette fusion curieuse, Christophe Honoré nous propose, aussi, une expérience du deuil poétique, pour un père qu’elle a connu à travers ce qu’elle voyait dans l’intimité et à la télé. Essayant ainsi de comprendre un homme qui lui a échappé, elle cherche à tout prix à s’en rapprocher.
MARCELLO MIO est un film drôle, sensible et touchant de fantasque, qui est aussi un hommage charmant et poétique au grand acteur qu’était Marcello Mastroianni, à travers de jolies références et proposé par le regard de personnes qu’ils l’ont aimé et connu. C’est aussi un des leviers comiques du film, chaque personnage joue son propre rôle, ils s’adonnent à un exercice intéressant de caricature et d’exacerbation de leurs propres clichés, ils ne jouent pas ce qu’ils sont mais ce que les spectateurs fantasment d’eux et c’est précisément cela qui est amusant ; les voir exploiter ce ressort pour donner aux spectateurs non pas une prestation intime de leurs personnalités privées, mais le plaisir de retrouver des acteurs incarnant exactement ce qu’on attend d’eux, entre une Nicole Garcia bourrée d’énergie qui n’arrête pas de parler, un Benjamin Biolay artiste mélancolique ou un Melvil Poupaud impulsif et dramatique, on s’amuse à reconnaitre là les traits des éthos qu’ils ont construit à travers leurs images médiatiques, et cinématographiques. De la même manière pour Chiara Mastroianni qui ne joue absolument pas le rôle de son père, mais qui joue le rôle de Chiara qui s’invente, s’incarne et se fantasme en ce qu’elle connait et s’imagine de son père, Marcello Mastroianni. Un film qui questionne les contours de l’identité et s’amuse à les travailler par le jeu et l’incarnation.
Zelda
Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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